Les rejets d'eaux usées sont-ils taxés ?
Auteur | Laurence Barnich/Marc Bellefroid/Michel Delnoy/Viviane Haenen |
Pages | 254-267 |
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Si les prélèvements d'eau sont soumis à redevance ou à contribution de prélèvement, certains rejets d'eaux usées sont, eux, taxés. La taxation des rejets d'eaux usées est supposée traduire le principe «pollueur-payeur» du droit européen.
S'en acquitter ne confère pas pour autant un «droit à la pollution», car si la taxe représente la quote-part de l'utilisateur dans les dépenses qu'impliquePage 255 la protection des eaux (c'est l'aspect curatif des choses)257, elle a aussi pour but de l'inciter à des comportements plus favorables à l'environnement (il s'agit ici d'un objectif incitatif ou préventif).
La taxe sur le déversement des eaux usées industrielles et domestiques est déterminée par le décret du 30 avril 1990258 instituant une taxe sur le déversement des eaux usées industrielles et domestiques et ses divers arrêtés d'exécution. L'arrêté du Gouvernement wallon du 11 décembre 1997 établit pour sa part le régime fiscal applicable au déversement d'eaux usées provenant d'établissements où sont gardés et élevés des animaux259.
Il y a donc lieu de distinguer selon qu'il s'agit de rejets d'eaux usées domestiques, industrielles ou agricoles260.
Le décret du 30 avril 1990 instaure deux types de taxes :
- une taxe annuelle proportionnelle à la charge polluante des eaux déversées l'année précédente frappe le déversement des eaux usées industrielles (articles 4 à 11);
- une taxe individuelle est instaurée pour les déversements des eaux usées autres qu'industrielles (articles 12 à 17).
Le produit des 2 taxes est affecté exclusivement au Fonds général pour la protection des eaux261 créé au budget général des dépenses de la Région wallonne (article 30 du décret du 7 octobre 1985). Sont donc taxés :
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Les déversements d'eaux usées industrielles dans les égouts publics, dans les collecteurs, dans les stations d'épuration des organismes d'épuration ou dans les eaux de surface ou les eaux souterraines.
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Attention !
Les eaux de refroidissement, soit les eaux qui sont utilisées par l'entreprise pour le refroidissement en circuit ouvert et qui ne sont pas entrées en contact avec le produit à refroidir, sont elles aussi considérées comme des eaux usées industrielles.
Pour rappel, sont des eaux usées industrielles les eaux usées déversées par les entreprises d'au moins 7 personnes et par celles qui occupent moins de 7 personnes mais que l'autorité compétente pour l'octroi du permis d'environnement estime de nature industrielle.
Remarque
Sont ainsi considérées systématiquement comme déversant des eaux usées industrielles les entreprises qui déversent une charge polluante supérieure à 50 unités et qui appartiennent aux secteurs suivants : blanchisseries, stations de lavage de véhicules (car-wash), abattoirs, brasseries, stations de production d'eau potable, entreprises du secteur de la pierre, entreprises de traitement de pommes de terre, dépôts de déchets, laboratoires d'analyses chimiques.
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Les déversements d'eaux usées domestiques de toute personne physique ou morale ou entreprise de moins de 7 personnes dans les égouts publics, dans les collecteurs, dans les stations d'épuration des organismes d'épuration ou dans les eaux de surface ou les eaux souterraines, à l'exception toutefois :
- des eaux usées des hôpitaux, cliniques et autres établissements où les malades non contagieux reçoivent des soins. L'arrêté de l'Exécutif régional wallon du 29 novembre 1990262 fixe les conditions d'exonération de ces établissements263;
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- des eaux usées agricoles assimilées aux eaux usées domestiques des établissements qui répondent aux conditions de l'arrêté du Gouvernement wallon du 11 décembre 1997264 (cfr. infra)265.
Attention !
Les exploitants agricoles qui répondent aux conditions d'exemption restent toutefois soumis à la taxe sur le déversement d'eaux usées domestiques pour des usages strictement domestiques.
La demande d'exemption doit être introduite officiellement auprès de l'administration au moyen du formulaire-type de l'annexe 2 de l'AGW du 11 décembre 1997.
Ce formulaire est téléchargeable sur le site de la Direction générale des Ressources naturelles et de l'Environnement, Division de l'Eau : http://environnement.wallonie.be.
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Les déversements d'eaux usées agricoles assimilées aux eaux usées domestiques qui ne bénéficient pas de l'exemption de taxe et les eaux usées agricoles assimilées aux eaux usées industrielles (cfr. infra, VIII.C.c. «Les eaux usées agricoles» p. 261).
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La taxe annuelle sur le déversement des eaux usées industrielles est proportionnelle à la charge polluante des eaux déversées durant l'année précédente. Elle est fixée à 8,9242 euros par unité de charge polluante (UCP).
Le calcul de l'UCP s'effectue sur base d'une déclaration annuelle du redevable (articles 18 et suivants du décret du 30 avril 1990). Pour ce faire, ce dernier utilise un formulaire-type, dont le contenu est établi par l'arrêté du Gouvernement wallon du 8 décembre 1994266. Les analyses doivent être réalisées par un laboratoire agréé.
Remarque
Ce formulaire peut également être téléchargé sur le site de la Direction générale des Ressources naturelles et de l'Environnement, Division de l'Eau : http://environnement.wallonie.be. Il comprend une grille I : «caractéristiques des eaux usées rejetées» qui doit être reproduite et complétée pour chaque point de déversement. Il est à noter que tous les paramètres repris ne devront pas nécessairement être analysés eu égard à la nature des produits ou du processus de fabrication de l'entreprise. Dans ce cas, l'entreprise doit demander par écrit à l'administration une dispense de détermination des valeurs en question en apportant la preuve qu'elles sont infimes voire indétectables. Ce pourrait être le cas par exemple d'une entreprise de production de salaisons pour le paramètre «hydrocarbures».
La charge polluante est le résultat de l'application d'une formule complète ou simplifiée.
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La règle générale est d'appliquer la formule complète, qui permet d'évaluer au mieux la charge polluante réellement déversée. Cette formule fait en effet intervenir 4 paramètres :
- la présence de matières en suspension (MES) et de matières oxydables (DCO);
- les métaux lourds Hg, Cd, As, Cr, Cu, Ni, Pb, Ag, Zn;
- les nutriments N et P;
- les thermies (la différence de température entre les eaux usées déversées et les eaux de surface réceptrices).
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Lorsque le permis d'environnement du redevable fixe des valeurs maximales, ce sont ces valeurs qui doivent être utilisées pour calculer la taxe pour autant qu'elles soient respectées. Dans les autres cas, ce sont des valeurs moyennes réelles267 déterminées aux frais du redevable par un laboratoire agréé et sous le contrôle de l'administration.
L'administration doit être avertie par télécopie 8 jours à l'avance des date et heure du début du prélèvement. A défaut pour le redevable de communiquer les valeurs des paramètres à prendre en compte, l'administration peut déterminer ces valeurs par des analyses dont les frais seront supportés par le redevable.
Ce sont donc bien les eaux usées qui seront taxées, et cela pour autant qu'elles soient plus chargées que les eaux consommées. A noter par ailleurs que le redevable ne sera pas taxé sur les eaux évaporées ou incorporées dans son produit.
Attention !
Il n'est pas rare en effet que l'eau d'approvisionnement dont se sert l'entreprise soit déjà chargée en polluants. Or la taxe ne peut porter que sur...
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