Les alternatives à l’ASBL pour l’exercice d’activités marchandes dans une optique non lucrative dans une optique non lucrative

AuteurMichel Coipel
Occupation de l'auteurProfesseur émérite aux Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix
Pages109-139

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I Introduction
  1. Les alternatives qui vont être examinées sont, comme l’ASBL, des personnes morales sans but de lucre : soit des sociétés commerciales qui adoptent dans leurs statuts la variante « société à finalité sociale » introduite dans le droit des sociétés par la loi du 13 avril 1995; soit des fondations privées présentes dans notre droit depuis la loi du 2 mai 2002 qui a modifié en profondeur la loi du 27 juin 1921. Dans la suite de cette contribution, l’abréviation SFS sera utilisée pour parler des sociétés à finalité sociale.

Ces deux alternatives permettent l’exercice d’activités marchandes dans une optique non lucrative sans rencontrer certaines des difficultés ou critiques qu’encourent parfois les ASBL lorsqu’elles se lancent dans de telles activités. Ce qui leur donne un avantage comparatif qui sera examiné dans cette contribution.

Une telle optique signifie que les associés d’une SFS ou la ou les personnes qui constituent une fondation privée ne recherchent pas leur enrichissement personnel comme c’est le cas dans une société qui n’est pas SFS. Certes, il est possible qu’une SFS choisisse de distribuer un dividende limité à ses associés mais, même dans ce cas, la priorité doit rester au but social de la société (infra, n° 12).

II La société à finalité sociale
  1. La revue Non Marchand1, à laquelle a succédé, en 2006, la revue Les dossiers d’ASBL Actualités a consacré son numéro 8 de 2001/2 au thème suivant : « La société à finalité sociale : bilan et perspectives ». Je crois toutefois utile de rappeler ici les origines de cette formule juridique et d’en présenter les caractéristiques essentielles sans pour autant proposer une étude complète de la question2. L’objectif est de visualiser cette alternative à l’ASBL avant de s’interroger sur son intérêt.

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A Origines de la SFS
1. Les entreprises marchandes à but social
  1. Il n’est pas vraiment exact d’affirmer, comme le font plusieurs commentateurs3, à la suite des travaux préparatoires4, que les sociétés à finalité sociale ont été introduites pour « répondre aux besoins de l’économie sociale »5 Cette formule est trop générale. En effet, la notion d’économie sociale, quoique difficile à définir de façon précise, englobe indiscutablement toute une série d’entreprises et d’associations qui accomplissent une mission sociale au sens large et constituent un troisième secteur6 aux côtés du secteur privé à but lucratif et du secteur public. Cela recouvre principalement le vaste champ des vraies coopératives, des mutuelles et des multiples associations.

En réalité, le statut des sociétés à finalité sociale a été imaginé pour tenter de répondre aux besoins d’une branche minoritaire et encore relativement peu développée du monde de l’économie sociale : les entreprises marchandes à but social. Pour l’essentiel, il s’agit d’entreprises qui se situent sur le marché concurrentiel mais n’ont pas pour finalité première de rémunérer du capital : une telle rémunération est soit absente, soit limitée. Ces entreprises entendent recourir aux outils de gestion des entreprises privées traditionnelles et dégager des profits mais ceux-ci sont affectés principalement ou totalement à une finalité sociale qui peut être l’aide aux exclus, le soutien de projets de développement dans le tiers-monde, l’offre d’emploi à des marginaux écartés des circuits normaux du travail, etc.

Les entreprises marchandes à but social n’ont toutefois pas attendu la loi du 13 avril 1995 et l’entrée en vigueur de celle-ci, le 1er juillet 1996, pour se constituer et fonctionner. Mais elles étaient confrontées à diverses difficultés sur le plan juridique; c’est pour cette raison qu’elles ont souhaité être reconnues et bénéficier d’un statut propre.

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2. Les difficultés rencontrées par les entreprises marchandes à but social
  1. Constituées tantôt en ASBL, tantôt en coopérative, ces entreprises avaient souvent le sentiment d’être, malgré tout, assises entre deux chaises car aucune de ces deux formes juridiques ne rencontraient entièrement leur spécificité.

Au plan des principes, en effet, le droit belge contenait une lacune : en cas d’activité commerciale et d’absence de but de lucre, de telles entreprises ne pouvaient normalement pas accéder à la personnalité morale.

Pourquoi ?

D’une part, selon la conception qui dominait encore à l’époque7, une ASBL ne pouvait avoir pour objet l’exercice à titre principal d’une activité commerciale et même, plus largement, d’une activité lucrative. D’autre part, l’option sociétaire était théoriquement exclue, elle aussi, puisque l’absence de but de lucre des associés était contraire à l’article 1832 du Code civil (devenu l’article 1 du Code des sociétés) et à la spécialité légale des sociétés8.

Au souci de rencontrer ces difficultés s’est ajouté, dans le monde de l’économie sociale, la volonté d’une reconnaissance juridique qui consacre la spécificité des entreprises marchandes à but social et, par voie de conséquence, stimule leur création.

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3. Le choix d’une technique législative
  1. Ce souci d’un statut propre avait été rencontré par divers projets, dans les années 1990 à 19949 mais le seul à avoir atterri au Parlement à été une proposition de loi de Yves de Wasseige relative aux « sociétés d’intérêt social »10. Cette proposition a ensuite été reprise par Willy Taminiaux11 et a été soumise au ministre de la Justice au cours des travaux préparatoires de la loi du 13 avril 1995.

Il a été proposé aux parlementaires d’intégrer le concept de la société d’intérêt social dans le projet de loi dite « de réparation » qui était en discussion à la Chambre et de procéder comme en 1987, lorsque le vaste projet sur l’« entreprise personnelle à responsabilité limitée » (E.P.R.L.) a été abandonné au profit de la formule SPRLU : utiliser les formes sociétaires existantes plutôt que de bâtir, de A à Z, une nouvelle forme de société. Cette solution a permis de faire aboutir la réforme dans les temps.

B La SFS est une variante offerte aux différentes formes de sociétés commerciales à l’exception des sociétés de type européen (SE et SEC)
1. Une variante dont le régime passe par les statuts
  1. La technique utilisée par la loi du 13 avril 1995 et maintenue intacte dans le Code des sociétés peut être résumée comme suit : dès qu’une société ayant une des formes énumérées à l’article 2, § 2 C. soc.12adopte, dans ses statuts, les règles prévues à l’article 661, alinéa 1 de ce Code (ancien art. 164bis, § 1, al. 1. des L.C.S.C.), elle prend l’appellation « à finalité sociale » et doit se présenter ainsi vis-à-vis duPage 113monde extérieur à l’occasion de toute mention de sa forme juridique13et pour la publicité permanente exigée par la loi à propos des SA, SC., SPRL, SCRI et SCRL et GIE14. On notera qu’il s’agit d’une appellation contrôlée puisque la loi (art. 667, 1° C. soc.) prévoit la dissolution judiciaire de toute société qui se qualifie « à finalité sociale » alors qu’elle ne prévoit pas ou ne prévoit plus les dispositions statutaires en question.

Les exigences légales imposées aux sociétés qui prennent l’appellation « à finalité sociale » passent donc obligatoirement par le canal des statuts.

Il faut donc souligner que la SFS n’est pas une nouvelle forme de société mais simplement - comme l’est la SPRLU par rapport à la SPRL - une variante offerte à des formes sociétaires existantes.

2. Pourquoi ne pas avoir réservé le statut SFS aux seules SCRL ?
  1. Il était hautement probable que la plupart des SFS prendraient la forme coopérative et, plus particulièrement, la forme SCRL d’autant qu’elles pouvaient établir la part fixe du capital à 250.000 F (devenus 6.150 euros) et non à 750.000 F (devenus 18.550 euros) comme dans les SCRL ordinaires (article 147bis, § 1, alinéa 4 des L.C.S.C. devenu l’article 665, § 1 C. soc.).

Pourquoi, dès lors, le...

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