L'exercice du droit de vote

AuteurJean Pierre Renard
Occupation de l'auteurAvocat Juge suppléant au tribunal de commerce de Nivelles
Pages125-138

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Tous les associés ont-ils le droit de voter à l'assemblée générale ?

299. Le principe du suffrage universel s'applique aux délibérations de l'assemblée générale d'une société. Tous les associés ont le droit de voter à l'assemblée générale, en proportion de leur participation.

300. Il existe néanmoins certaines restrictions à ce principe :

- les titulaires de parts sans droit de vote ne sont bien entendu pas admis à voter à l'assemblée générale, sauf pour les décisions déterminées par la loi et pour lesquelles les titulaires de parts sans droit de vote recouvrent un droit de vote (voir n° 322);

- les titulaires de titres dont l'exercice du droit de vote qui y est attaché est suspendu ne sont pas non plus admis à voter. Il en va ainsi, par exemple, lorsqu'un associé n'a pas effectué le versement régulièrement appelé et exigible pour la libération du capital, lorsque plusieurs propriétaires se présentent pour une même part (voir n° 308);

301. En conclusion, doivent être admis aux délibérations et aux votes, les titulaires de parts avec droit de vote pour autant, bien entendu, que les formalités de préavis requises pour être admis à l'assemblée aient été respectées.

Peut-on limiter statutairement la puissance de vote des associés ?

302. Il est possible de limiter la puissance de vote des associés dans le respect des conditions fixées par l'article 277 du Code des sociétés. Le but de telles limitations peut être notamment d'éviter que les associés ne puissent prendre part au vote avec une importance relative hors de proportion avec leur participation véritable quand l'actionnariat est dispersé ou au contraire, de renforcer l'influence d'un associé.

L'article 277 du Code des sociétés dispose : «Les statuts peuvent limiter le nombre de voix dont chaque associé dispose dans les assemblées, à condition que cette limitation s'impose à tout associé quels que soient les parts pour lesquelles il prend part au vote».

La limitation doit donc être prévue dans les statuts. Pour être valable, elle doit s'imposer à tous les associés et s'appliquer à l'ensemble des parts.

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La limitation ne peut donc viser un associé particulier. Elle doit viser toutes les parts avec droit de vote ainsi que les parts sans droit de vote qui auraient, pour la circonstance, retrouvé leur droit de vote. Il n'est donc pas permis de créer des parts à puissances votales différentes.

Comment peut-on limiter statutairement le vote des associés ?

303. Plusieurs types de limitations peuvent être inscrites dans les statuts173 :

- plafonnement à un nombre déterminé de droits de vote, exprimé en termes absolus (nombre maximum de voix ou pourcentage maximum du nombre des parts);

Exemple : «Aucun associé ne peut prendre part au vote pour un nombre dépassant (x) % du nombre de voix attachées à l'ensemble des parts émises par la société»

- plafonnements tels ceux décrits ci-dessus mais variant de manière progressive ou dégressive en fonction du nombre de droits de vote attachés aux parts présentes et représentées à l'assemblée ou en fonction des voix effectivement exprimées à cette assemblée;

Exemple : «Aucun associé ne peut prendre part au vote pour un nombre de voix dépassant (x) % du nombre de voix exprimées à l'occasion d'une quelconque assemblée générale»

- plafonnement des droits de vote des associés présents ou représentés à l'assemblée, proportionnel au pourcentage des droits de vote qu'ils détiennent par rapport au total des parts conférant le droit de vote émis par la société.

Exemple : «Aucun associé ne peut prendre part au vote à l'occasion d'une assemblée générale pour un nombre de voix représentant une proportion du nombre total des voix exprimées à cette assemblée générale qui représente plus du double de la proportion que représentent les voix attachées aux parts qu'il détient par rapport au nombre de voix attachées à l'ensemble des parts émises par la société»

Il est possible de combiner ces différentes limitations et de les appliquer de manière cumulative.

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304. Il peut être utile, afin d'assurer l'efficacité de telles clauses, de prévoir que ces limitations s'appliquent aux associés liés entre eux au sens de l'article 11 du Code des sociétés174 de manière globale.

Une clause libellée de la manière suivante peut ainsi être prévue175:

Pour l'application des limitations au droit de vote prévues ci-avant, les voix exprimées par un associé sont augmentées des voix exprimées par des associés qui lui sont liés; sont considérés comme liés à cet associé :

- toute société ou personne qui lui est liée au sens de l'article 11 du Code des sociétés;

- toute personne physique ou morale qui fait partie des organes de gestion de l'associé ou d'une société visée au tiret précédent;

- tout tiers agissant en son nom propre mais pour le compte de l'associé ou d'une des personnes visées aux deux tirets précédents;

- tous associés qui ont donné procuration à cet associé ou à une personne visée aux tirets précédents en vue de les représenter à cette assemblée générale

.

Quelle sanction en cas de violation de ces limitations ?

305. Une décision prise sans que soient appliquées les limitations statutaires peut entraîner la nullité de la décision pour autant qu'il y ait eu intention frauduleuse ou que l'irrégularité commise a pu avoir une influence sur la décision prise.

Dans quelles circonstances le droit de vote est-il suspendu ?

306. Le Code prévoit différentes hypothèses dans lesquelles le droit de vote attaché aux titres est suspendu. Les statuts ne peuvent prévoir d'autres cas de suspension du droit de vote que ceux prévus par le Code. La suspension du droit de vote pourrait également être ordonnée par décision de justice.

Il convient de préciser que pour la détermination des conditions de présence et de majorité à observer dans les assemblées générales, il n'est pas tenu compte des parts dont le droit de vote est suspendu176.

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307. Les hypothèses de suspension de l'exercice du droit de vote prévues par le Code sont les suivantes :

  1. Actions non libérées

    Suivant l'article 275 alinéa 2 du Code des sociétés, l'exercice du droit de vote afférent aux parts sur lesquelles les versements n'ont pas été opérés est suspendu aussi longtemps que ces versements, régulièrement appelés et exigibles, n'auront pas été effectués.

  2. Copropriété d'un titre

    S'il existe plusieurs propriétaires d'une part, l'article 236 du Code des sociétés prévoit que la société a le droit de suspendre l'exercice des droits y afférents jusqu'à ce qu'une seule personne soit désignée comme étant, à son égard, propriétaire de la part.

  3. Souscription par la société de ses propres parts

    La souscription par une société de ses propres parts est interdite. En conséquence, l'article 325 § 2 du Code des sociétés dispose que tous les droits afférents aux parts ou certificats souscrits par la société ou sa filiale sont suspendus tant que ces parts ou certificats n'ont pas été aliénés.

  4. Cession ou rachat forcé de titres

    Le juge, saisi d'une demande de cession forcée des actions ou du droit de vote, peut ordonner la suspension des droits liés aux actions ou parts à transférer, à l'exception du droit au dividende (art. 336 CDS).

    Le juge saisi d'une demande de rachat forcé peut également ordonner la suspension des droits liés aux actions ou parts à transférer (art. 340 CDS).

  5. Contestation du droit de propriété

    Le juge des référés pourrait suspendre l'exercice du droit de vote attaché aux parts, en cas de contestation sur leur propriété177.

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    308. En cas d'exercice de droits de vote suspendus, la nullité de la décision pourra être prononcée si le demandeur en nullité établit que cette irrégularité a pu avoir une influence sur la décision prise ou en cas d'intention frauduleuse ou encore sur base de l'article 64, 4° du Code des sociétés.

    Qui peut exercer le droit de vote lorsque la propriété sur un titre est démembrée ?

    309. En ce qui concerne les parts en usufruit, rien n'empêche que l'usufruitier et le nu-propriétaire participent ensemble à l'assemblée générale pour y exercer conjointement le droit de vote attaché aux parts sur lesquelles ils exercent des droits concurrents, ni qu'ils désignent un...

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