Arrêt Nº 81/2008. Cour constitutionnelle (Cour d'Arbitrage), 2008-05-27
Date | 27 mai 2008 |
Docket Number | F-20080527-1 |
Court | Grondwettelijk Hof (Arbitragehof) |
COUR CONSTITUTIONNELLE
[2008/201992]F. 2008 —2168
Extrait de l’arrêtn°81/2008 du 27 mai 2008
Numérosdurôle : 4187, 4190 et 4192
En cause : les recours en annulation des articles 80, 154, 157, 175, 180, 185, 186, 189, 192 et 235 de la loi du
15 septembre 2006 réformant le Conseil d’Etat et créant un Conseil du Contentieux des Etrangers, introduits par
l’ASBL «Vluchtelingenwerk Vlaanderen », par l’Ordre des barreaux francophones et germanophone et l’« Orde van
Vlaamse balies »et par l’ASBL «Association pour le droit des Etrangers »et autres.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents M. Bossuyt et M. Melchior, et des juges P. Martens, R. Henneuse, E. De Groot,
L. Lavrysen, J.-P.Moerman, E. Derycke, J. Spreutels et T. Merckx-Van Goey, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée
par le président M. Bossuyt,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. Objet des recours et procédure
a. Par requête adresséeàla Cour par lettre recommandéeàla poste le 5 avril 2007 et parvenue au greffe
le 6 avril 2007, l’ASBL «Vluchtelingenwerk Vlaanderen », dont le siège social est établi à1030 Bruxelles,
rue Gaucheret 164, a introduit un recours en annulation des articles 80, 154, 157, 175, 180, 192 et 235 de la loi du
15 septembre 2006 réformant le Conseil d’Etat et créant un Conseil du Contentieux des Etrangers (publiéeauMoniteur
belge du 6 octobre 2006.
b. Par requête adresséeàla Cour par lettre recommandéeàla poste le 5 avril 2007 et parvenue au greffe
le 6 avril 2007, un recours en annulation des articles 154, 185, 186 et 189 de la même loi a étéintroduit par l’Ordre des
barreaux francophones et germanophone, dont le siège est établi à1060 Bruxelles, avenue de la Toison d’Or 65,
et l’« Orde van Vlaamse balies », dont le siège est établi à1000 Bruxelles, rue Royale 148.
c. Par requête adresséeàla Cour par lettre recommandéeàla poste le 5 avril 2007 et parvenue au greffe
le 6 avril 2007, un recours en annulation totale ou partielle des articles 80, 154, 185, 186, 189 et 192 de la même loi a été
introduit par l’ASBL «Association pour le droit des Etrangers », dont le siège social est établi à1000 Bruxelles, rue de
Laeken 22, l’ASBL «Coordination et Initiatives pour et avec les Réfugiés et les Etrangers »(CIRE), dont le siège social
est établi à1050 Bruxelles, rue du Vivier 80/82, l’ASBL «Service International de Recherche, d’Education et d’Action
sociale », dont le siège social est établi à1050 Bruxelles, rue de la Croix 22, l’ASBL «Ligue des Droits de l’Homme »,
dont le siège social est établi à1190 Bruxelles, Chausséed’Alsemberg 303, l’ASBL «Syndicat des Avocats pour la
Démocratie », dont le siège social est établi à1030 Bruxelles, rue des Palais 154, et l’ASBL «Mouvement contre le
Racisme, l’Antisémitisme et la Xénophobie »(MRAX), dont le siège social est établi à1210 Bruxelles, rue de la Poste 37.
Ces affaires, inscrites sous les numéros 4187, 4190 et 4192 du rôle de la Cour, ont étéjointes.
(...)
II. En droit
(...)
Quant aux dispositions attaquées
B.1. Les recours tendent àl’annulation totale ou partielle de diverses dispositions de la loi du 15 septembre 2006
réformant le Conseil d’Etat et créant un Conseil du Contentieux des Etrangers (ci-après : loi du 15 septembre 2006).
Les dispositions attaquées concernent en particulier les compétences du Conseil du contentieux des étrangers
(ci-après le Conseil) (article 80) ainsi que certains aspects de la procédure devant ce Conseil, en ce qui concerne :
-ledélai de quinze jours dans lequel un recours contre certaines dispositions du Commissaire général aux réfugiés
et aux apatrides (ci-après le Commissaire général) peut être introduit auprès du Conseil (article 154);
- le caractère écrit et oral de la procédure (article 157);
- les conditions auxquelles est subordonnél’examen des «nouveaux éléments »(article 175);
- la suspension temporaire de l’exécution forcée de certaines mesures par suite du recours en annulation introduit
auprès du Conseil du contentieux des étrangers (article 180);
- la demande de suspension en extrême urgence (article 185, en ce qu’il insère l’article 39/82, §4, alinéa2,
dans la loi du 15 décembre 1980);
-ledélai de vingt-quatre heures àl’issue duquel il peut être procédéàune exécution forcéed’une mesure
d’éloignement ou de refoulement (article 186);
- la demande de mesures provisoires (article 189).
Par ailleurs, les parties requérantes attaquent le remplacement, àl’article 51/8, alinéa2,delaloidu
15 décembre 1980, des mots «le Conseil d’Etat »par les mots «le Conseil du contentieux des étrangers »(article 192).
Les parties requérantes critiquent enfin une disposition finale en vertu de laquelle, dans l’attente de la création du
Conseil du contentieux des étrangers, la Commission permanente de recours des réfugiés peut d’ores et déjàagir selon
un certain nombre de règles applicables àce Conseil (article 235).
Quant àla recevabilité
B.2.1. Dans l’affaire n
o
4190, le Conseil des ministres conteste la recevabilitédu recours, en ce qu’il est introduit par
la deuxième partie requérante, puisque cette partie n’a pas joint en annexe àsa requête la décision d’introduire le
recours.
B.2.2. Une copie de la décision d’introduire le recours a étéremise au greffe de la Cour par la deuxième partie
requérante le 13 juillet 2007. Ce document fait apparaître que ladite décision a étéprise le 29 mars 2007, donc avant
l’introduction du recours.
L’exception est rejetée.
33554 BELGISCH STAATSBLAD —02.07.2008 —MONITEUR BELGE
B.3.1. Dans l’affaire n
o
4192, le Conseil des ministres conteste la recevabilitédu recours, en ce qu’il est introduit par
les deuxième, cinquième et sixième parties requérantes. La deuxième partie requérante n’aurait pas produit de pièces
faisant apparaîtreladécision de remplacer un administrateur.
Les cinquième et sixième parties requérantes produisent certes des extraits du procès-verbal de la réunion de leur
conseil d’administration, mais ces pièces ne permettraient pas d’établir si au moins la moitiéplus un des
administrateurs ont participéau délibérévisant àintroduire le recours.
B.3.2. Dès lors que le recours dans l’affaire n
o
4192 est recevable pour une des parties requérantes, la Cour ne doit
pas examiner s’il l’est aussi en ce qui concerne les autres.
L’exception est rejetée.
Quant au fond
En ce qui concerne le contexte des dispositions attaquées
B.4.1. Selon les travaux préparatoires, la loi du 15 septembre 2006 réformant le Conseil d’Etat et créant un Conseil
du Contentieux des Etrangers tend, d’une part, àrésorber et àcontrôler l’arriéréjuridictionnel de la section
d’administration du Conseil d’Etat et, d’autre part, àoptimaliser les procédures relatives aux étrangers en vue
d’organiser une protection juridictionnelle adéquate (Doc. parl., Chambre, 2005-2006, DOC 51-2479/001, p. 262).
Diverses mesures sont adoptées àcette fin, selon, entre autres, les axes principaux suivants :
1. «Une réforme fondamentale de la compétence du Conseil d’Etat dans le cadre du contentieux des étrangers.
Cette réforme consacre les principes suivants :
- la compétence d’annulation et de suspension du Conseil d’Etat en matière de recours introduits àl’encontre de
décisions individuelles prises ’en application des lois concernant l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et
l’éloignement des étrangers’est supprimée [...];
- cette compétence, de même que la compétence actuellement dévolue àla Commission permanente de recours des
réfugiés, sont dorénavant conférées àune nouvelle juridiction administrative, le Conseil du Contentieux des Etrangers,
également créée par [la loi du 15 septembre 2006] [...];
- le Conseil d’Etat n’est donc plus appeléàintervenir dans ce contentieux que comme juge de cassation
administrative, avec application de la procédure d’admission [...] »(ibid. p. 264).
2. Le Conseil du contentieux des étrangers est une nouvelle juridiction administrative, spécialisée en matière de
contentieux des étrangers, dont la création, les compétences, la composition, le fonctionnement et l’essentiel des règles
de procédure sont fixés par la loi attaquée.
Le Conseil du contentieux des étrangers est «une juridiction administrative, seule compétente pour connaître des
recours introduits àl’encontre de décisions individuelles prises en application des lois sur l’accès au territoire, le séjour,
l’établissement et l’éloignement des étrangers »(article 39/1 de la loi du 15 décembre 1980, insérépar l’article 79
de la loi du 15 septembre 2006).
«Cette juridiction :
- connaît, en principe en plein contentieux, des recours dirigés contre les décisions prises par le Commissaire
général aux réfugiés et aux apatrides àl’égard des demandes d’asile au sens large, c’est-à-dire tant en ce qui concerne
le statut de réfugiéqu’en ce qui concerne le nouveau statut de protection subsidiaire. Dans le cadre de cette compétence,
le Conseil du Contentieux des Etrangers peut, outre son pouvoir d’annulation avec renvoi, confirmer ou réformer la
décision du Commissaire général;
- connaît en annulation des autres décisions prises en application des lois concernant l’accès au territoire, le séjour,
l’établissement et l’éloignement des étrangers. Cette compétence s’accompagne du pouvoir de suspendre, éventuelle-
ment selon une procédure d’extrême urgence, les décisions contestées devant lui, et d’ordonner, le cas échéant, des
mesures provisoires [...], dans l’attente de la décision sur le recours en annulation pendant devant la juridiction.
La mise en place du Conseil du Contentieux des Etrangers implique la suppression de la Commission permanente
de recours des réfugiés qui connaît actuellement, en tant que juridiction administrative, des recours dirigés contre les
décisions de refus de reconnaissance de la qualitéde réfugié, prises par le Commissaire général aux réfugiésetaux
apatrides après examen au fond de la demande d’asile [...] »(ibid., pp. 264-265).
3. Concomitamment àla création du Conseil du contentieux des étrangers, la procédure d’examen des demandes
d’asile est réformée dans son ensemble. Cette procédure trouvera às’appliquer
«tant àla reconnaissance du statut de réfugiéau sens de la Convention relative au statut des réfugiésdu
28 juillet 1951 qu’à l’octroi du nouveau statut de protection subsidiaire organisépar le nouvel article 48/4, en projet,
de la loi du 15 décembre 1980 [...] »(ibid., p. 265).
La réforme de la procédure d’asile, en particulier en ce qui concerne sa phase administrative, est réglée dans une
autre loi, également du 15 septembre 2006.
B.4.2. L’exposédes motifs mentionne àpropos de l’« optimalisation des procédures dans les affaires relatives aux
étrangers »:
«La nécessitéde gérer le contentieux des étrangers et d’organiser une protection juridictionnelle adéquate ne peut
être concrétisée que par les démarches simultanées suivantes :
1
o
l’introduction d’un niveau juridictionnel généralisé, notamment par l’institution d’un Conseil du contentieux
des étrangers [...];
2
o
l’optimalisation et la rationalisation des procédures (d’asile) en matière d’étrangers en supprimant les points
problématiques dans la procédure actuelle, en agissant d’une manière plus efficace contre les abus et en améliorant la
qualitédes décisions prises, sont assurées, notamment par de meilleures garanties juridictionnelles. La réforme de la
procédure administrative consiste essentiellement àraccourcir la procédure relative aux dossiers d’étrangers en
général, en particulier, en matière d’asile (y compris la suppression de l’arriéréactuel), sans que cela porte atteinte aux
normes procédurales existantes. Ce n’est que de cette façon que l’on pourra créer un effet dissuasif et que la capacité
disponible pourra être appliquée efficacement pour le traitement des demandes individuelles. Il est évident qu’une
procédure d’asile plus rapide en particulier,prenant en considération les droits des demandeurs d’asile, ne peut qu’être
favorable aux véritables demandeurs d’asile [lire : véritables réfugiés]. Une telle procédure est par contre dissuasive
pour les étrangers qui font indûment appel àcette procédure.
Incontestablement, dans la procédure, la phase juridictionnelle en projet et les garanties procédurales qu’elle
comporte ne remettent pas en cause la réalisation de l’objectif imposépar la directive 2005/85/CE du Conseil de
l’Union européenne du 1
er
décembre 2005 relative àdes normes minimales concernant la procédure d’octroiet de retrait
du statut de réfugié, dont la transposition doit être réaliséed’ici le 1
er
décembre 2007, mais vont au contraire au devant
des normes minimales fixées dans la directive en question et en constituent une transposition.
[...]
En ce qui concerne la création de la juridiction administrative, un nouveau titre Ibis est ajoutéàla loi sur les
étrangers au sujet de la juridiction, de la composition et de la procédure du Conseil du contentieux des étrangers.
33555
BELGISCH STAATSBLAD —02.07.2008 —MONITEUR BELGE
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