Décision judiciaire de Conseil d'État, 3 mai 2012

Date de Résolution 3 mai 2012
JuridictionXV
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

A R R Ê T

nº 219.156 du 3 mai 2012

  1. 102.199/XV-1775

    En cause : la s.a. European Air Transport, ayant élu domicile chez Mes D. LINDEMANS & Ph. MALHERBE, avocats, boulevard de l'Empereur 3 1000 Bruxelles,

    contre :

    1. l'Institut Bruxellois pour la Gestion de l'Environnement, 2. le fonctionnaire dirigeant de l'Institut Bruxellois pour la Gestion de l'Environnement. ayant élu domicile chez Me J. SAMBON, avocat, rue des Coteaux 227 1030 Bruxelles. ------------------------------------------------------------------------------------------------------

    LE CONSEIL D'ÉTAT, XV e CHAMBRE,

    Vu la requête introduite le 23 mars 2001, par la s.a. European Air Transport, qui demande l’annulation de «la décision de l’Institut Bruxellois pour la Gestion de l’Environnement, en la personne de son fonctionnaire dirigeant, du 22 janvier 2001, infligeant à E.A.T. une amende administrative de 777.000 FB pour 26 infractions à l’arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 27 mai 1999 relatif à la lutte contre le bruit généré par le trafic aérien»;

    Vu le dossier administratif;

    Vu les mémoires en réponse et en réplique régulièrement échangés;

    Vu le rapport de M. D. DELVAX, auditeur au Conseil d'État;

    Vu la notification du rapport aux parties et les derniers mémoires;

    Vu l'ordonnance du 22 mars 2012, notifiée aux parties, fixant l'affaire à l'audience du 17 avril 2012 à 9 heures 30;

    XV - 1775 - 1/31

    Entendu, en son rapport, M. M. LEROY, président de chambre;

    Entendu, en leurs observations, Mes Ph. MALHERBE et T. LEIDGENS, avocats, comparaissant pour la partie requérante et Me J. SAMBON, avocat, comparaissant pour les parties adverses;

    Entendu, en son avis conforme, M. D. DELVAX, auditeur;

    Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973;

    Contexte législatif et réglementaire

    Considérant que l’ordonnance du 17 juillet 1997 relative à la lutte contre le bruit en milieu urbain charge en son article 9 le Gouvernement régional de prendre toutes mesures destinées à limiter les nuisances sonores notamment par la définition de normes d’immission maximale; que l’arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 27 mai 1999 relatif à la lutte contre le bruit généré par le trafic aérien a été adopté sur la base de cette habilitation et détermine les niveaux de bruit maximum que le passage des avions peut provoquer, mesurés à une hauteur au dessus du sol comprise entre 1,5 m et 25 m; que l’ordonnance du 25 mars 1999 relative à la recherche, la constatation, la poursuite et la répression des infractions en matière d’environnement, dans le texte applicable à l’époque de la décision attaquée, porte en son article 33, 7°, b, qu’«est passible d’une amende administrative de 25 000 à 2 500 000 francs toute personne qui... étant propriétaire, détenteur ou utilisateur d’une source sonore, créée directement ou indirectement, ou laisse perdurer une gêne sonore dépassant les normes fixées par le Gouvernement»;

    Considérant que les articles 35 à 39 de cette dernière ordonnance, dans le texte applicable lors de l’adoption de l’acte attaqué, sont rédigés comme suit:

    Article 35. Les infractions énumérées aux articles 32 et 33 font l’objet soit de poursuites pénales, soit d’une amende administrative.

    L’amende administrative est infligée par le fonctionnaire dirigeant de l’Institut, de l’ARP ou de l’administration compétente du Ministère ou, en cas d’absence, de congé ou d’empêchement de celui-ci, par le fonctionnaire dirigeant adjoint.

    Elle est versée au Fonds pour la protection de l’environnement visé à l’article 2, 9° de l’ordonnance du 12 décembre 1991 créant des fonds budgétaires.

    Article 36. Tout procès-verbal constatant notamment une infraction visée à l’article 32 ou 33 est transmis dans les dix jours de la constatation de l’infraction en un exemplaire au fonctionnaire dirigeant de l’Institut, de l’ARP ou de l’administration compétente du Ministère selon le cas ainsi qu’au procureur du Roi.

    XV - 1775 - 2/31

    Article 37. Le procureur du Roi notifie au fonctionnaire dirigeant de l’Institut, de l’ARP ou de l’administration compétente du Ministère selon le cas, dans les six mois de la date d’envoi du procès-verbal sa décision de poursuivre ou de ne pas poursuivre l’auteur présumé d’une infraction visée à l’article 32 ou 33.

    La décision du procureur du Roi de poursuivre le contrevenant exclut l’application d’une amende administrative.

    La décision du procureur du Roi de ne pas poursuivre le contrevenant ou l’absence de décision dans le délai imparti en vertu de l’alinéa 1er permet l’application d’une amende administrative.

    Article 38. Le fonctionnaire dirigeant de l’Institut, l’ARP ou de l’administration compétente du Ministère décide, après avoir mis la personne passible de l’amende administrative en mesure de présenter ses moyens de défense, s’il y a lieu d’infliger une amende administrative du chef de l’infraction.

    La décision d’infliger une amende administrative fixe le montant de celle-ci et invite le contrevenant à acquitter l’amende dans un délai de trente jours à dater de la notification de la décision par versement au compte de l’Institut mentionné dans la formule qui y est jointe.

    La décision d’infliger une amende administrative ou, le cas échéant, la décision de ne pas infliger une amende administrative est notifiée dans les dix jours par lettre recommandée à la poste:

    1° à la personne passible de l’amende administrative; 2° au procureur du Roi.

    Article 39. Le paiement de l’amende administrative éteint l’action publique.

    ;

    Quant aux faits

    La requérante est une compagnie aérienne opérant au départ et à destination de l’aéroport de Zaventem.

    Le 7 avril 2000, deux inspecteurs de l’Institut bruxellois de gestion de l’environnement (I.B.G.E.) établissent neuf rapports de mesures constatant l’immission, les 8, 11, 12, 13, 14, 19, 20, 22 et 25 février de bruits excédant les seuils fixés par l’arrêté du 27 mai 1999 dans des stations de mesure permanente placées dans l’enceinte d’un commissariat de la Police de Bruxelles à Haren et sur le toit d’une habitation à Evere. Le même jour, ils dressent un procès-verbal d’infraction à charge de la requérante pour dépassement des normes fixées par le Gouvernement en y indiquant que «sur base des mesures exécutées pendant la période du 8 au 29 février et des données fournies par Belgocontrol et Biac, nous constatons que neuf infractions (voir rapports en annexe) à l’arrêté précité ont été commises par la compagnie European Air Transport s.a. […]». Le 17 avril, l’I.B.G.E. adresse, sous la signature de son fonctionnaire dirigeant, à la requérante une copie du procès-verbal d’infraction du 7 avril et l’informe qu’il a également été communiqué au procureur du Roi.

    Le 28 juin, les mêmes inspecteurs établissent quatorze rapports de mesures constatant l’immission, les 4, 5, 12, 15, 18, 21, 23 (en trois occurrences), 25 (en deux

    XV - 1775 - 3/31

    occurrences), 26, 27 et 31 mars 2000, de bruits excédant les mêmes seuils dans les mêmes stations de mesure. Ils dressent un second procès-verbal à charge de la requérante, portant sur quatorze infractions. Le 5 juillet, l’I.B.G.E. adresse à la requérante une copie du procès-verbal du 28 juin et l’informe qu’il a également été communiqué au procureur du Roi.

    Le 17 novembre, le fonctionnaire dirigeant de l’I.B.G.E. informe la requérante qu’en l’absence d’initiative du procureur du Roi à l’égard des faits constatés dans le procès-verbal du 7 avril 2000, il peut lui infliger une amende administrative, qu’elle peut faire part de ses moyens de défense par écrit ou faire part de son souhait d’être entendue, et qu’à défaut, il considérera que la partie requérante n’a aucune remarque ou argumentation à faire valoir, de sorte que la procédure sera poursuivie sur la base des informations en sa possession. Le 27 novembre, le conseil de la requérante informe la partie adverse de son souhait d’être entendu pour exposer ses arguments de défense. Le 18 décembre, la requérante dépose un mémoire auprès de la partie adverse, dans lequel elle indique qu’il n’appartient pas à l’I.B.G.E. de lui infliger une sanction, que les procès-verbaux sont irréguliers, que l’arrêté du 27 mai 1999 est nul, que le simple dépassement des normes fixées dans cet arrêté n’est pas incriminé, que les infractions ne sont pas prouvées et qu’elle peut faire valoir des causes de justification ou des circonstances atténuantes. Le 11 janvier 2001, le conseil de la requérante relève que le procureur du Roi n’a pas entamé de poursuites à l’égard des faits visés par le procès-verbal du 28 juin 2000, qui peuvent dès lors faire l’objet d’une sanction administrative, et qu’il y a lieu de les joindre à ceux visés par le procès-verbal du 7 avril 2000. Le 16 janvier 2001, un représentant de la requérante et son conseil sont entendus par un agent de la partie adverse. Le 22 janvier, le fonctionnaire dirigeant de la partie adverse inflige une amende de 777.000 FB à la requérante. Cette décision est communiquée à la requérante par un courrier envoyé le jour même; elle est rédigée comme suit:

    Vu qu’en date du 17/04/2000 et du 05/07/2000 deux procèsverbaux à charge de la compagnie aérienne European Air Transport, à savoir respectivement le procès-verbal n° 07 04 00/avions/vca/ktr/European air transport et le procès-verbal n° 00 07 05/avions/vca/ktr/European Air Transport, ont été envoyés au Procureur du Roi, conformément à l’article 36 de l’ordonnance du 25/03/99 relative à la recherche, la constatation, la poursuite et la répression des infractions en matière d’environnement (MB du 24.06.1999);

    Vu le fait que le Procureur du Roi n’a pris, dans les six mois de la date d’envoi de ces deux procès-verbaux, aucune décision concernant les suites pénales qu’il donnerait à l’affaire en cause, et que de ce fait une amende administrative peut être infligée en vertu de l’article 37 de...

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