Décision judiciaire de Conseil d'État, 24 mai 2018

Date de Résolution24 mai 2018
JuridictionXV
Nature Arrêt

CONSEIL D’ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

A R R Ê T

nº 241.601 du 24 mai 2018

210.667/XV-2389

En cause : la société de droit coréen

KOREAN AIR LINES Co Ltd,

ayant élu domicile chez

Mes Dirk LINDEMANS et Philippe MALHERBE, avocats, boulevard de l’Empereur 3 1000 Bruxelles,

contre :

1. la Région de Bruxelles-Capitale, 2. le Collège d’Environnement de la Région de Bruxelles-Capitale, ayant élu domicile chez Me François TULKENS, avocat, chaussée de la Hulpe 120 1000 Bruxelles.

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LE CONSEIL D’ÉTAT, XV e CHAMBRE,

I. Objet du recours

Vu la requête introduite le 4 novembre 2013 par la société de droit coréen KOREAN AIR LINES Co Ltd qui sollicite l’annulation de la décision du Collège d’Environnement du 3 septembre 2013 confirmant la décision de l’Institut bruxellois pour la Gestion de l’Environnement (I.B.G.E.) du 28 mai 2013 de lui infliger une amende administrative de 1.190 € pour des infractions à l’arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 27 mai 1999 relatif à la lutte contre le bruit généré par le trafic aérien, prétendument commises en juillet 2012;

II. Procédure

Vu le dossier administratif;

Vu les mémoires en réponse et en réplique régulièrement échangés;

Vu le rapport de M. Denis DELVAX, auditeur au Conseil d’État; Vu la notification du rapport aux parties et les derniers mémoires;

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Vu l’ordonnance du 1er mars 2016, notifiée aux parties, fixant l’affaire à l’audience publique du 22 mars 2016 à 9 heures 30;

Entendu, en son rapport, M. Imre KOVALOVSZKY, conseiller d’État;

Entendu, en leurs observations, Me Tamara LEIDGENS, loco Mes Dirk LINDEMANS et Philippe MALHERBE, avocat, comparaissant pour la partie requérante, et Me François TULKENS, avocat, comparaissant pour la partie adverse;

Entendu, en son avis conforme, M. Denis DELVAX, premier auditeur;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d’État, coordonnées le 12 janvier 1973;

III. Faits

Considérant que les faits utiles à l’examen de la cause sont décrits dans l’acte attaqué, qui se présente comme suit :

Vu l’ordonnance du 17 juillet 1997 relative à la lutte contre le bruit en milieu urbain, et spécialement son article 20, 4°, ci-après dénommée “l’ordonnance de 1997”;

Vu l’ordonnance du 25 mars 1999 relative à la recherche, la constatation, la poursuite et la répression des infractions en matière d’environnement, et spécialement, les articles 32 à 42, ci-après dénommée “l’ordonnance de 1999”;

Vu l’arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 27 mai 1999 relatif à la lutte contre le bruit généré par le trafic aérien, ci-après dénommé “l’arrêté du 27 mai 1999”;

Vu l’arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 21 novembre 2002 fixant la méthode de contrôle et les conditions de mesure de bruit, ci-après dénommé “l’arrêté du 21 novembre 2002”;

Vu le dossier administratif, et particulièrement : - le procès-verbal d’infraction n° 120912[…] – juillet 2012; - l’avis du 19 septembre 2012 par lequel le procureur du Roi de

Bruxelles signale à l’I.B.G.E. qu’il classe l’affaire sans suite; - la lettre de l’I.B.G.E. du 4 mars 2013 invitant KOREAN AIR à lui faire part de ses moyens de défense; - le courrier de KOREAN AIR comportant ses moyens de défense, réceptionné par l’I.B.G.E. le 3 mai 2013; - la décision du fonctionnaire dirigeant de l’I.B.G.E. du 28 mai 2013 infligeant une amende administrative de 1.190 euros à KOREAN AIR, décision notifiée le jour-même; - le recours introduit le 5 juillet 2013 par KOREAN AIR.

Entendu le rapport de Madame HAEGEMAN en séance du 6 août 2013. 1. Antécédents

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Le 12 septembre 2012, l’I.B.G.E. dresse à charge de KOREAN AIR un procès-verbal portant la référence 120912[…] - juillet 2012.

Il en résulte que KOREAN AIR aurait commis 2 infractions à l’arrêté du 27 mai 1999.

Ce procès-verbal et le rapport de mesure y afférant ont été portés à la connaissance de KOREAN AIR le 13 septembre 2012 en lui indiquant que ces documents étaient aussi envoyés au procureur du Roi de Bruxelles.

Ce dernier ayant notifié sa décision de ne pas exercer de poursuites le 19 septembre 2012, l’I.B.G.E. a écrit à KOREAN AI, le 4 mars 2013, qu’il était en droit de lui infliger une amende administrative en se référant à l’article 37 de l’ordonnance 1999.

Une amende d’un montant de 1.190 euros a été infligée par une décision du 28 mai 2013 à KOREAN AIR pour des infractions à l’article 33, 7°, b) de l’ordonnance 1999, à savoir avoir créé “directement ou indirectement, ou laisser perdurer une gêne sonore dépassant les normes fixées par le Gouvernement”, c’est-à-dire les “valeurs limites” de l’arrêté du 27 mai 1999 qui ne peuvent être dépassées par les avions lorsqu’ils survolent le territoire de la Région.

Le fonctionnaire dirigeant de l’I.B.G.E. constate, dans ladite décision, qu’en raison de l’unicité d’infractions, il n’y avait pas lieu de tenir compte d’un dépassement constaté sur un total de deux sur la période de référence. Il y précise n’avoir tenu compte que des dépassements des normes de 9 dB et plus le jour et de 6 dB et plus la nuit.

Le 5 juillet 2013, KOREAN AIR a introduit son recours. 2. Au fond 2.1. Compétence de l’auteur de l’acte - exigence de la double signature

La requérante invoque la violation de l’article 2, § 2, de l’arrêté royal du 8 mars 1989 créant l’Institut bruxellois pour la Gestion de l’Environnement, qui prévoit que :

“La gestion journalière de l’Institut est assurée par un fonctionnaire dirigeant et un fonctionnaire dirigeant adjoint, qui sont désignés par l’Exécutif et qui appartiennent à des rôles linguistiques différents.

Toutes les décisions du fonctionnaire dirigeant, tant internes qu’externes, sont consignées par écrit; elles doivent porter les signatures du fonctionnaire dirigeant et du fonctionnaire dirigeant adjoint. L’Exécutif détermine les délégations de pouvoirs qui leur sont accordées et arrête les cas dans lesquels leur signature conjointe n’est pas exigée”.

Selon la requérante, si la décision devait être prise par le fonctionnaire dirigeant de l’I.B.G.E., elle devait être cosignée par le fonctionnaire dirigeant et par le fonctionnaire dirigeant adjoint.

La distinction opérée par la requérante est artificielle. La question de la signature et de la prise des décisions portant sur des infractions environnementales est réglée par l’article 35, alinéa 2, de l’ordonnance de 1999, qui prévoit que : “L’amende administrative est infligée par le fonctionnaire dirigeant de l’Institut, de l’ARP ou de l’administration compétente du Ministère ou, en cas d’absence, de congé ou d’empêchement de celui-ci, par le fonctionnaire dirigeant adjoint”. Cette disposition, qui institue une habilitation spéciale au profit du fonctionnaire dirigeant en

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matière d’amende administrative, a été respectée en l’espèce puisque la décision entreprise a été signée par celui-ci.

L’article 2, § 2, de l’arrêté royal du 8 mars 1989 porte sur la gestion journalière de l’Institut, ce dont ne relève pas la décision infligeant amende administrative. L’article 35, alinéa 2, de l’ordonnance de 1999 concerne quant à lui spécifiquement les décisions par lesquelles une amende administrative est infligée, et en fait une compétence spéciale du fonctionnaire dirigeant. À titre surabondant, on relèvera que cette dernière disposition est postérieure à l’arrêté royal vanté au moyen.

Dès lors, le moyen n’est pas fondé. 2.2. Prescription de l’action publique

La requérante constate que l’article 20 de l’ordonnance de 1997 sanctionne le dépassement des normes de bruit d’une amende pénale d’un montant de 75 euros pour chacune des infractions qui lui sont reprochées, soit 450 euros en tenant compte des décimes additionnels. Elle relève que l’article 41bis, § 1er, du Code pénal qualifie de peine de police l’amende pénale infligée aux personnes morales et dont le montant n’excède pas 250 euros, soit 1.500 euros en tenant compte des décimes additionnels. Elle note ensuite qu’en vertu de l’article 21 du Titre préliminaire du Code d’instruction criminelle, l’action publique pour les contraventions est prescrite par un délai de six mois. La requérante estime que ce délai aurait été dépassé pour chacune des infractions en cause. Elle déduit au surplus des articles 22 et 25, § 2, combinés, du Titre préliminaire du Code d’instruction criminelle, que les contraventions sont toujours prescrites après un délai d’un an maximum, compte tenu des éventuelles interruptions. En conclusion, elle demande au Collège d’environnement de constater la prescription des faits.

Contrairement à ce que soutient la requérante, les règles de prescription de l’action publique de la procédure pénale figurant aux articles 21 et suivants du Titre préliminaire du Code d’instruction criminelle ne s’appliquent pas à la procédure administrative qui a conduit à la décision entreprise.

En matière de sanctions administratives, c’est la règle du délai raisonnable prévue à l’article 6, § 1er, de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) qui trouve à s’appliquer. Il n’apparaît pas que le délai raisonnable ait été excédé en l’espèce. Les infractions en cause ne sont dès lors pas prescrites.

Le principe selon lequel, sauf exceptions légales, l’autorité ne peut poursuivre indéfiniment un fait infractionnel, qui se traduit en droit pénal par l’article 21 précité, est donc respecté, en manière telle que la requérante ne subit pas une discrimination par comparaison avec une personne qui ferait l’objet des poursuites pénales prévues par l’ordonnance de 1997.

Le moyen n’est pas fondé. 2.3. Absence de recours en pleine juridiction

La requérante avance qu’elle a été privée de son droit à un “recours de pleine juridiction” consacré par les articles 6, § 1er, et 13 de la CEDH. Le Collège d’environnement reconnaîtrait “ne pas disposer...

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