Décision judiciaire de Conseil d'État, 23 juin 2014

Date de Résolution23 juin 2014
JuridictionXV
Nature Arrêt

CONSEIL D’ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

A R R Ê T

nº 227.802 du 23 juin 2014

187.563/XV-1153

En cause : la s.a. European Air Transport, à laquelle succède la société de droit allemand European Air Transport Leipzig ayant élu domicile chez Mes D. LINDEMANS et Ph. MALHERBE, avocats, boulevard de l’Empereur 3 1000 Bruxelles,

contre :

1. le Collège d’Environnement de la Région de Bruxelles-Capitale, 2. la Région de Bruxelles-Capitale, ayant tous deux élu domicile chez

Me Fr. TULKENS, avocat, chaussée de La Hulpe 177/6 1170 Bruxelles. ------------------------------------------------------------------------------------------------------

LE CONSEIL D’ÉTAT, XV e CHAMBRE,

Vu la requête introduite le 20 mars 2008 par la s.a. European Air Transport, à laquelle succède la société de droit allemand European Air Transport Leipzig, qui demande l’annulation de «la décision du 24 janvier 2008 du Collège d’Environnement de la Région de Bruxelles-Capitale de confirmer la décision prise par M. Hannequart le 19 octobre 2007 […], en sa qualité de fonctionnaire dirigeant de l’I.B.G.E. d’infliger à [la requérante] une amende administrative de 56.113 euros pour 48 infractions à l’arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 27 mai 1999 relatif à la lutte contre le bruit généré par le trafic aérien»;

Vu l’arrêt n° 192.103 du 31 mars 2009 rejetant la requête en intervention introduite par les s.a. Thomas Cook Airlines Belgium et Brussels Airlines et sursoyant à statuer sur le recours en annulation;

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Vu l’arrêt n° 198.671 du 8 décembre 2009 prononcé en assemblée générale, ordonnant la réouverture des débats, et renvoyant l’affaire devant la XVe

chambre;

Vu l’arrêt n° 201.373 du 26 février 2010 rejetant les deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième, treizième et quatorzième moyens, rouvrant les débats sur les autres moyens, et interrogeant la Cour constitutionnelle et la Cour de justice de l’Union européenne à titre préjudiciel;

Vu l’arrêt 44/2011 de la Cour constitutionnelle du 30 mars 2011;

Vu l’arrêt C-120/10 de la Cour de Justice de l’Union européenne du 8 septembre 2011;

Vu l’arrêt n° 217.243 du 16 janvier 2012 rejetant les premier et onzième moyens, rouvrant les débats sur les septième, huitième, neuvième, dixième et douzième moyens;

Vu le rapport complémentaire de M. D. DELVAX, auditeur au Conseil d’État;

Vu la notification du rapport aux parties et les derniers mémoires;

Vu l’ordonnance du 14 février 2014, notifiée aux parties, fixant l’affaire à l’audience du 11 mars 2014 à 9 heures 30;

Entendu, en son rapport, M. M. LEROY, président de chambre;

Entendu, en leurs observations, Me T. LEIDGENS, loco Mes D. LINDEMANS et Ph. MALHERBE avocat, comparaissant pour la partie requérante, Me Fr. TULKENS, avocat, comparaissant pour les parties adverses;

Entendu, en son avis, M. D. DELVAX, auditeur au Conseil d’État;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d’État, coordonnées le 12 janvier 1973;

Considérant que le contexte législatif, réglementaire et les faits ont été exposés dans l’arrêt n° 201.373 du 26 février 2010; que cet arrêt a rejeté les deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième, treizième et quatorzième

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moyens, rouvert les débats sur les autres moyens et posé des questions préjudicielles à la Cour constitutionnelle et à la Cour de Justice de l’Union européenne; que l’arrêt n° 217.243 du 16 janvier 2012 a rejeté les premier et onzième moyens et rouvert les débats sur les septième, huitième, neuvième, dixième et douzième moyens;

Considérant que, dans son dernier mémoire, la requérante fait état « à titre préliminaire, (du) dépassement du délai raisonnable et de l’obligation de statuer sur tous les moyens de la requérante »;

Qu’elle demande au Conseil d’État «à titre préliminaire» de constater le dépassement du délai raisonnable dans lequel elle a le droit d’être jugée, d’annuler pour ce motif la décision attaquée et de renvoyer la cause à l’I.B.G.E. pour qu’il constate qu’il n’y a plus lieu de lui infliger une amende; qu’elle soutient aussi que les droits de la défense imposent en tout état de cause au Conseil d’État de statuer sur tous les moyens de défense qu’elle soulève jusqu’à la clôture des débats; qu’à défaut, elle demande de poser à la Cour constitutionnelle les questions préjudicielles suivantes :

1. L’ordonnance du 25 mars 1999 qui, par son silence désigne le Conseil d’Etat comme juridiction de recours contre les amendes administratives infligées aux compagnies aériennes pour infraction aux normes de bruit fixées par l’arrêté Gosuin, viole-t-telle les articles 10 et 11 de la Constitution, lus seuls ou en combinaison avec l’article 6 de la CEDH qui garantit en autres les droits de la défense, en tant qu’elle instaure ainsi une différence de traitement entre les personnes poursuivies pour infraction aux normes de bruit fixées par l’arrêté Gosuin fonction qu’elles fassent l’objet de poursuites pénales ou administratives puisque :

- Lorsque le Procureur du Roi juge les faits suffisamment graves pour être poursuivis au pénal, les personnes poursuivies pour infractions aux normes de bruit fixées par l’arrêté Gosuin ont le droit d’invoquer tous leurs moyens de défense jusqu’à la clôture des débats (garanti par l’article 210 du Code d’instruction criminelle et par le principe général du respect des droits de la défense);

- Tandis que lorsque le Procureur du Roi ne juge pas opportun d’entamer des poursuites pénales, elles font l’objet d’une décision administrative, susceptible de faire l’objet d’un recours devant une autre autorité administrative (le Collège d’environnement, qui n’a pas l’obligation de statuer sur le recours dont il est saisi), dont la décision (explicite ou implicite) peut faire l’objet d’un recours devant le Conseil d’Etat, premier juge administratif à connaître de sa cause, qui rejette certains moyens comme tardifs avant la clôture des débats ?

2. Les article 33, 7°, b) à 42 de l’ordonnance du 25 mars 1999 au motif qu’ils violent les articles 10 et 11 de la Constitution lus seuls ou à la lumière de l’article 6, § 3, de la CEDH qui garantit le respect des droits de la défense en ce que :

- Au pénal, les personnes accusées d’infractions aux normes de bruit fixées par l’arrêté Gosuin et qui introduisent un recours contre l’amende qui leur a été infligée bénéficient de toutes les garanties dont bénéficie un «accusé», notamment des droits de la défense.

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- Tandis que lorsque le Procureur du Roi ne juge pas opportun d’entamer des poursuites pénales, elles font l’objet d’une décision administrative, susceptible de faire l’objet d’un recours devant une autre autorité administrative (le Collège d’Environnement, qui n’a même pas l’obligation de statuer sur le recours dont il est saisi), dont la décision (explicite ou de rejet implicite) peut faire l’objet d’un recours devant le Conseil d’Etat, premier juge administratif à connaître de sa cause, qui est enfermé dans un formalisme strict en vertu duquel il rejette certains moyens comme tardifs avant la clôture des débats, devant lequel elles ne sont pas considérées comme des «accusées» et sont donc privées des garanties dont bénéficie un accusé.

3. Les article 33, 7°, b), 35, 37, 38 et 39bis de l’ordonnance du 25 mars 1999, interprétés comme privant les personnes faisant l’objet de la procédure administrative qu’ils organisent du droit à voir immédiatement punir le dépassement du délai raisonnable alors qu’elles auraient bénéficié de l’application de l’article 21ter à tous les stades devant le juge pénal, même en dernière instance, violent-ils les articles 10, 11, 14 et 16 de la Constitution lus à la lumière de l’article 6 de la CEDH, qui consacre le droit à être jugé dans un délai raisonnable ?

4. Les articles 33, 7°, b), 35, 37, 38, 39bis et 40bis de l’ordonnance du 25 mars 1999 violent-ils les articles 10, 11, 13 et 16 de la Constitution lus en combinaison avec les articles 6 et 13 de la CEDH et le principe des droits de la défense en ce qu’ils organisent une procédure d’amende administrative qui prive une personne faisant l’objet d’une accusation en matière pénale du droit de faire valoir tous moyens de droit jusqu’à la clôture des débats et ayant droit au dernier mot?

;

que dans sa note d’audience, elle se réfère notamment à l’arrêt n° 219.156 du 3 mai 2012 pour considérer que le recours devant le Conseil d’État ne satisfait aux exigences de l’article 6 de la C.E.D.H. que si le recours en annulation permet que la cause soit entendue dans un délai raisonnable; qu’elle propose subsidiairement deux questions préjudicielles formulées comme suit :

Les articles 33, 7°, b), 35, 37, 38 et 39bis de l’ordonnance du 25 mars 1999, interprétés comme privant les personnes faisant l’objet de la procédure administrative qu’ils organisent du droit à voir immédiatement punir le dépassement du délai raisonnable alors qu’elles auraient bénéficié de l’application de l’article 21ter à tous les stades devant le juge pénal, même en dernière instance, violent-t-ils les articles 10, 11, 14 et 16 de la Constitution lus à la lumière de l’article 6 de la CEDH, qui consacre le droit à être jugé dans un délai raisonnable ?

Les articles 33, 7°, b), 35, 37, 38, 39bis et 40bis de l’ordonnance du 25 mars 1999 violent-ils les articles 10, 11, 13 et 16 de la Constitution lus en combinaison avec les articles 6 et 13 de la CEDH en ce qu’ils organisent une procédure d’amende administrative privant ceux qui font l’objet d’une "accusation en matière pénale" d’un recours de pleine juridiction, par exemple :

- en tant que le seul juge statuant sur le bien fondé de l’accusation en matière pénale dont le justifiable fait l’objet depuis plus de dix ans se déclare incompétent pour punir le dépassement du délai raisonnable; - en tant que le seul juge statuant sur le bien fondé de l’accusation en matière pénale dont le justifiable fait l’objet refuse de...

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