Décision judiciaire de Conseil d'État, 23 juin 2014
Date de Résolution | 23 juin 2014 |
Juridiction | XV |
Nature | Arrêt |
CONSEIL D’ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF
A R R Ê T
nº 227.801 du 23 juin 2014
124.749/XV-1964
En cause : la s.a. European Air Transport, à laquelle succède la société de droit allemand European Air Transport Leipzig,
ayant élu domicile chez
Mes D. LINDEMANS et Ph. MALHERBE, avocats, boulevard de l’Empereur 3 1000 Bruxelles,
contre :
1. la Région de Bruxelles-Capitale,
représentée par son Gouvernement, 2. le Collège d’Environnement de la Région de Bruxelles-Capitale, ayant tous deux élu domicile chez Me Fr. TULKENS, avocat, avenue Louise 523 1050 Bruxelles,
3. l’Institut bruxellois pour la gestion de l’environnement (I.B.G.E.), ayant élu domicile chez Me J. SAMBON, avocat, rue des Coteaux 227 1030 Bruxelles.
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LE CONSEIL D’ÉTAT, XV e CHAMBRE,
Vu la requête introduite le 31 juillet 2002 par la s.a. European Air Transport, à laquelle succède la société de droit allemand European Air Transport Leipzig, qui demande l’annulation de «la décision du 6 juin 2002 du Collège d’Environnement de la Région de Bruxelles-Capitale confirmant la décision du 9 janvier 2002 de l’Institut bruxellois pour la Gestion de l’Environnement, en la personne de son fonctionnaire dirigeant, infligeant (à la requérante) une amende administrative de 12.593 euros pour 13 [en réalité 14] prétendues infractions à l’arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 27 mai 1999 relatif à la lutte contre le bruit généré par le trafic aérien»;
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Vu les dossiers administratifs;
Vu les mémoires en réponse des parties adverses et le mémoire en réplique;
Vu le rapport de M. D. DELVAX, auditeur au Conseil d’État;
Vu la notification du rapport aux parties et les derniers mémoires de la première partie adverse et de la requérante;
Vu l’ordonnance du 14 février 2014, notifiée aux parties, fixant l’affaire à l’audience du 11 mars 2014 à 9 heures 30;
Entendu, en son rapport, Mme D. DÉOM, conseiller d’État;
Entendu, en leurs observations, Me T. LEIDGENS, loco Mes Ph. MALHERBE et D. LINDEMANS, avocat, comparaissant pour la partie requérante, Me Fr. TULKENS, avocat, comparaissant pour les deux premières parties adverses, et Me J. SAMBON, avocat, comparaissant pour la troisième partie adverse;
Entendu, en son avis contraire, M. D. DELVAX, auditeur;
Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d’État, coordonnées le 12 janvier 1973;
Contexte législatif et réglementaire
Considérant que l’ordonnance du 17 juillet 1997 relative à la lutte contre le bruit en milieu urbain charge en son article 9 le Gouvernement régional de prendre toutes mesures destinées à limiter les nuisances sonores notamment par la définition de normes d’immission maximale; que l’arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 27 mai 1999 relatif à la lutte contre le bruit généré par le trafic aérien a été adopté sur la base de cette habilitation et détermine les niveaux de bruit maximum que le passage des avions peut provoquer, mesurés à une hauteur audessus du sol comprise entre 1,5 m et 25 m; que l’ordonnance du 25 mars 1999 relative à la recherche, la constatation, la poursuite et la répression des infractions en matière d’environnement, dans le texte applicable lors de l’adoption de la décision attaquée, porte en son article 33, 7°, b), qu’«est passible d’une amende administrative de 25.000 à 2.500.000 francs toute personne qui... étant propriétaire, détenteur ou
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utilisateur d’une source sonore, crée directement ou indirectement, ou laisse perdurer une gêne sonore dépassant les normes fixées par le Gouvernement»;
Considérant que les articles 35 à 39bis de cette dernière ordonnance, dans le texte applicable lors de l’adoption de l’acte attaqué, sont rédigés comme suit:
Article 35. Les infractions énumérées aux articles 32 et 33 font l’objet soit de poursuites pénales, soit d’une amende administrative.
L’amende administrative est infligée par le fonctionnaire dirigeant de l’Institut, de l’ARP ou de l’administration compétente du Ministère ou, en cas d’absence, de congé ou d’empêchement de celui-ci, par le fonctionnaire dirigeant adjoint.
Elle est versée au Fonds pour la protection de l’environnement visé à l’article 2, 9° de l’ordonnance du 12 décembre 1991 créant des fonds budgétaires.
Article 36. Tout procès-verbal constatant notamment une infraction visée à l’article 32 ou 33 est transmis dans les dix jours de la constatation de l’infraction en un exemplaire au fonctionnaire dirigeant de l’Institut, de l’ARP ou de l’administration compétente du Ministère selon le cas ainsi qu’au procureur du Roi.
Article 37. Le procureur du Roi notifie au fonctionnaire dirigeant de l’Institut, de l’ARP ou de l’administration compétente du Ministère selon le cas, dans les six mois de la date d’envoi du procès-verbal sa décision de poursuivre ou de ne pas poursuivre l’auteur présumé d’une infraction visée à l’article 32 ou 33.
La décision du procureur du Roi de poursuivre le contrevenant exclut l’application d’une amende administrative.
La décision du procureur du Roi de ne pas poursuivre le contrevenant ou l’absence de décision dans le délai imparti en vertu de l’alinéa 1er permet l’application d’une amende administrative.
Article 38. Le fonctionnaire dirigeant de l’Institut, l’ARP ou de l’administration compétente du Ministère décide, après avoir mis la personne passible de l’amende administrative en mesure de présenter ses moyens de défense, s’il y a lieu d’infliger une amende administrative du chef de l’infraction.
La décision d’infliger une amende administrative fixe le montant de celle-ci et invite le contrevenant à acquitter l’amende dans un délai de trente jours à dater de la notification de la décision par versement au compte de l’Institut mentionné dans la formule qui y est jointe.
La décision d’infliger une amende administrative ou, le cas échéant, la décision de ne pas infliger une amende administrative est notifiée dans les dix jours par lettre recommandée à la poste:
1° à la personne passible de l’amende administrative;
2° au procureur du Roi.
Article 39. Le paiement de l’amende administrative éteint l’action publique.
;
Article 39bis. Un recours est ouvert devant le Collège d’environnement à toute personne condamnée au paiement d’une amende administrative. Le recours est introduit, à peine de forclusion, par voie de requête dans les deux mois de la notification de la décision.
Le Collège d’environnement entend, à leur demande, le requérant ou son conseil, de même que l’agent ayant pris la mesure.
Le Collège d’environnement notifie sa décision dans les deux mois de la date d’envoi de la requête. Ce délai est augmenté d’un mois lorsque les parties demandent à être entendues.
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En l’absence de décision dans le délai prescrit à l’alinéa précédent, la décision ayant fait l’objet d’un recours est censée confirmée.»;
Quant aux faits
La requérante est une compagnie aérienne opérant au départ et à destination de l’aéroport de Zaventem.
Le 24 avril 2001, deux inspecteurs de l’IBGE dressent un constat d’infraction, fondé sur le constat d’immission, en plusieurs occurrences, dans le courant du mois de mars 2001, de bruits excédant les seuils fixés par l’arrêté du 27 mai 1999 par une station de mesure permanente placée dans l’enceinte d’un commissariat de la police de Bruxelles à Haren ou par une station de mesure permanente placée sur le toit d’une maison d’habitation à Evere. Ces constats d’infraction reposent sur des graphiques établis par des sonomètres et par des données fournies par Belgocontrol et par BIAC.
Par un courrier du 3 mai 2001, l’I.B.G.E. adresse, sous la signature de ses fonctionnaires dirigeants, à la requérante une copie du procès-verbal précité et l’informe qu’il a également été transmis au procureur du Roi.
Le 23 novembre 2001, le fonctionnaire dirigeant de l’IBGE informe la requérante que le procureur du Roi a notifié sa décision de ne pas entamer de poursuites à raison des faits constatés dans le procès-verbal précité, qu’une amende administrative peut donc lui être infligée, qu’elle peut faire part de ses moyens de défense par écrit ou faire part de son souhait d’être entendue, et qu’à défaut, il sera considéré qu’elle n’a aucune remarque ou argumentation à faire valoir, de sorte que la procédure sera poursuivie sur la base des informations en possession de l’IBGE.
Le 20 décembre 2001, la requérante adresse à l’IBGE un mémoire dans lequel elle présente ses moyens de défense.
Le 9 janvier 2002, le fonctionnaire dirigeant de l’IBGE inflige une amende de 12.593 € à la requérante.
Le 6 mars 2002, la requérante introduit un recours devant le Collège d’environnement contre la décision du fonctionnaire dirigeant de l’IBGE.
Après avoir entendu la requérante le 23 mai, le Collège d’Environnement décide le 6 juin 2002 de confirmer la décision prise par le fonctionnaire dirigeant de l’IBGE.
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Cette décision, qui constitue l’acte attaqué, est motivée comme suit :
[…] I. Antécédents
Une amende administrative de 12.593 euros a été infligée à la s.a. EAT pour des infractions à l’article 33, 7°, b) de l’ordonnance du 25 mars 1999 sur la recherche, la constatation, la poursuite et la répression des infractions en matière d’environnement, ci-après dénommée l’Ordonnance 1999, à savoir « étant propriétaire, détenteur ou utilisateur d’une source sonore », avoir créé « directement ou indirectement, ou laisser perdurer une gène sonore dépassant les normes fixées par le Gouvernement », c’est-à-dire les « valeurs limites » de l’arrêté du Gouvernement du 27 mai 1999 relatif à la lutte contre le bruit généré par le trafic aérien que ne peuvent dépasser les avions lorsqu’ils survolent le territoire de la Région;
L’I.B.G.E. a dressé le 24 avril 2001 un procès-verbal […]
. Il en résulte que la s.a. EAT a commis 14 infractions aux valeurs limites...
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