Décision judiciaire de Conseil d'État, 24 mai 2018

Date de Résolution24 mai 2018
JuridictionXV
Nature Arrêt

CONSEIL D’ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

A R R Ê T

nº 241.596 du 24 mai 2018

208.703/XV-2262

En cause : la société de droit coréen

SINGAPORE AIRLINES CARGO,

ayant élu domicile chez

Me Tamara LEIDGENS, avocat, avenue Louise 65, bte 11 1050 Bruxelles,

contre :

1. la Région de Bruxelles-Capitale, 2. le Collège d’Environnement de la Région de Bruxelles-Capitale, ayant élu domicile chez Me François TULKENS, avocat, chaussée de la Hulpe 120 1000 Bruxelles.

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LE CONSEIL D’ÉTAT, XV e CHAMBRE,

I. Objet du recours

Vu la requête introduite le 29 avril 2013 par la société de droit singapourien SINGAPORE AIRLINES CARGO qui sollicite l’annulation de la décision du Collège d’Environnement du 25 février 2013 confirmant la décision de l’Institut bruxellois pour la Gestion de l’Environnement (I.B.G.E.) du 30 octobre 2012 de lui infliger une amende administrative de 28.874 € pour des infractions à l’arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 27 mai 1999 relatif à la lutte contre le bruit généré par le trafic aérien, prétendument commises entre janvier 2012 et juin 2012;

II. Procédure

Vu le dossier administratif;

Vu les mémoires en réponse et en réplique régulièrement échangés;

Vu le rapport de M. Denis DELVAX, auditeur au Conseil d’État;

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Vu la notification du rapport aux parties et les derniers mémoires;

Vu l’ordonnance du 1er mars 2016, notifiée aux parties, fixant l’affaire à l’audience publique du 22 mars 2016 à 9 heures 30;

Entendu, en son rapport, M. Imre KOVALOVSZKY, conseiller d’État;

Entendu, en leurs observations, Me Tamara LEIDGENS, avocat, comparaissant pour la partie requérante, et Me François TULKENS, avocat, comparaissant pour la partie adverse;

Entendu, en son avis, M. Denis DELVAX, premier auditeur;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d’État, coordonnées le 12 janvier 1973;

III. Faits

Considérant que les faits utiles à l’examen de la cause sont décrits dans l’acte attaqué, qui se présente comme suit :

[…] 1. Antécédents

Les 29 février, 3 avril, 29 mai, 20 juin et 24 juillet 2012, l’I.B.G.E. dresse à charge de SINGAPORE AIRLINES CARGO Pte Ltd, ci-après dénommée SINGAPORE AIRLINES, cinq procès-verbaux portant respectivement les références : 120229[…] - janvier 2012, 120403[…] -février 2012, 120529[…] - avril 2012, 120620[…] - mai 2012 et 120724[…] -juin 2012.

Il en résulte que SINGAPORE AIRLINES aurait commis 27 infractions à l’arrêté du 27 mai 1999.

Ces procès-verbaux et les rapports de mesure y afférant ont été portés à la connaissance de SINGAPORE AIRLINES respectivement les 7 mars, 10 avril, 4 juin, 27 juin et 25 juillet 2012 en lui indiquant que ces documents étaient aussi envoyés au procureur du Roi de Bruxelles.

Ce dernier ayant notifié ses décisions de ne pas exercer de poursuites les 8 mars, 12 avril, 12 juin, 3 juillet et 2 août 2012, l’I.B.G.E. a écrit à SINGAPORE AIRLINES le 10 septembre 2012, qu’il était en droit de lui infliger une amende administrative en se référant à l’article 37 de l’ordonnance 1999.

Une amende d’un montant de 28.874 euros a été infligée par une décision du 30 octobre 2012 à SINGAPORE AIRLINES pour des infractions à l’article 33, 7°, b) de l’ordonnance 1999, à savoir avoir créé “directement ou indirectement, ou laisser perdurer une gêne sonore dépassant les normes

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fixées par le Gouvernement”, c’est-à-dire les “valeurs limites” de l’arrêté du 27 mai 1999 qui ne peuvent être dépassées par les avions lorsqu’ils survolent le territoire de la Région.

Le fonctionnaire dirigeant de l’I.B.G.E. constate, dans ladite décision, qu’en raison de l’unicité d’infractions, il n’y avait pas lieu de tenir compte de deux dépassements constatés sur un total de vingt-sept sur la période de référence. Il y précise n’avoir tenu compte que des dépassements des normes de 9 dB et plus le jour et de 6 dB et plus la nuit. Il constate également qu’un évènement sonore, considéré dans le procès-verbal de janvier 2012 comme commis en période de nuit, a en réalité été commis en période de jour. Cette infraction dépassant la norme fixée par l’article 2 de l’arrêté du 27 mai 1999, mais ne dépassant pas le seuil de tolérance appliqué par l’I.B.G.E. pour la période de jour, elle n’a pas été retenue comme infraction dans la décision. Enfin, il y précise que se constate, pour les mois de février, avril, mai et juin 2012 une augmentation d’au moins 20 % du nombre des infractions commises par rapport au nombre d’infractions commises le même mois d’une des trois années précédentes, de sorte que l’élément de récidive est pris en considération pour ces quatre mois visés par les procès-verbaux.

Le 31 décembre 2012, SINGAPORE AIRLINES introduit son recours. 2. Au fond 2.1. Compétence de l’auteur de l’acte – signature

La requérante invoque que la décision attaquée n’aurait pas été prise par l’auteur compétent, et cela même si la signature sur l’acte correspond bien à celle de Monsieur Jean-Pierre HANNEQUART, fonctionnaire dirigeant de l’I.B.G.E. et dès lors compétent à prendre la décision conformément à l’article 38 de l’ordonnance.

Le Collège d’environnement constate que la requérante ne s’inscrit pas en faux contre cette signature.

La requérante estime pouvoir tirer argument d’une reconnaissance supposée de Monsieur Jean-Pierre HANNEQUART lors d’une audition du 26 novembre 2012 devant le Collège dans un autre dossier. Elle déduit cette reconnaissance implicite de ne pas avoir pris la décision alors attaquée d’une méconnaissance du fond du dossier que Monsieur Jean-Pierre HANNEQUART aurait manifestée dans ce dossier.

Tout d’abord, le Collège relève que la requérante soutient elle-même qu’à cette audience Monsieur Jean-Pierre HANNEQUART aurait affirmé que “en tous les cas, il assume ces décisions” et que le Collège n’avait pas estimé que ce n’était pas lui qui aurait pris la décision attaquée. Bien au contraire, le Collège a retenu dans la décision concernée : “Que Monsieur HANNEQUART, présent à l’audience et assisté de son conseil, affirme que c’est bien lui qui a pris la décision attaquée...”.

Le Collège voit dès lors mal comment elle pourrait déduire d’une simple affirmation faite par la requérante, tiers à la procédure qu’elle invoque et où elle n’était pas présente à l’audience, que Monsieur Jean-Pierre HANNEQUART aurait implicitement reconnu ne pas prendre les décisions en matière de bruits d’avion, alors que précisément dans sa décision sur ce recours, le Collège a estimé ne pas devoir mettre en doute le fait que Monsieur Jean-Pierre HANNEQUART avait pris la décision attaquée.

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Ensuite, il y a lieu de constater qu’une éventuelle méconnaissance de Monsieur Jean-Pierre HANNEQUART du dossier traité à l’audience du 26 novembre 2012, n’implique en rien que Monsieur Jean-Pierre HANNEQUART n’aurait pas pris la décision actuellement attaquée.

Il n’est dès lors pas établi que l’acte n’aurait pas été pris par l’auteur compétent. 2.2. L’exigence de la double signature

La requérante invoque la violation de l’article 2, § 2, de l’arrêté royal du 8 mars 1989 créant l’Institut bruxellois pour la gestion de l’environnement, qui prévoit que :

“La gestion journalière de l’Institut est assurée par un fonctionnaire dirigeant et un fonctionnaire dirigeant adjoint, qui sont désignés par l’Exécutif et qui appartiennent à des rôles linguistiques différents.

Toutes les décisions du fonctionnaire dirigeant, tant internes qu’externes, sont consignées par écrit; elles doivent porter les signatures du fonctionnaire dirigeant et du fonctionnaire dirigeant adjoint. L’Exécutif détermine les délégations de pouvoirs qui leur sont accordées et arrête les cas dans lesquels leur signature conjointe n’est pas exigée”.

Selon la requérante, si la décision devait être prise par le fonctionnaire dirigeant de l’I.B.G.E., elle devait être cosignée par le fonctionnaire dirigeant et par le fonctionnaire dirigeant adjoint.

La distinction opérée par la requérante est artificielle. La question de la signature et de la prise des décisions portant sur des infractions environnementales est réglée par l’article 35, alinéa 2, de l’ordonnance de 1999, qui prévoit que : “L’amende administrative est infligée par le fonctionnaire dirigeant de l’Institut, de l’ARP ou de l’administration compétente du Ministère ou, en cas d’absence, de congé ou d’empêchement de celui-ci, par le fonctionnaire dirigeant adjoint”. Cette disposition a été respectée en l’espèce puisque la décision entreprise a été signée par le fonctionnaire dirigeant.

L’article 2, § 2, de l’arrêté royal du 8 mars 1989 porte sur la gestion journalière de l’Institut, ce dont ne relève pas la décision infligeant amende administrative. L’article 35, alinéa 2, de l’ordonnance 1999 concerne quant à lui spécifiquement les décisions par lesquelles amende administrative est infligée, et en fait une compétence spéciale du fonctionnaire dirigeant. À titre surabondant, on relèvera que cette dernière disposition est postérieure à l’arrêté royal vanté au moyen.

Dès lors, le moyen n’est pas fondé. 2.3. Date de la décision

La requérante avance également que la date aurait été ajoutée postérieurement à la signature.

Le fait que la date a été apposée à l’aide d’un cachet ne suffit nullement à établir que la décision n’aurait pas été datée au moment de la signature.

Ce moyen manque en fait.

2.4. Prescription de l’action publique

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La requérante constate que l’article 20 de l’ordonnance de 1997 sanctionne le dépassement des normes de bruit d’une amende pénale d’un montant de 75 euros pour chacune des infractions qui lui sont reprochées, soit 450 euros en tenant compte des décimes additionnels. Elle relève que l’article 41bis, § 1er, du Code pénal qualifie de peine de police l’amende pénale infligée aux personnes morales et dont le montant...

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