Extrait de l'arrêt n° 16/2020 du 6 février 2020 Numéros du rôle : 7118 et 7120 En cause : les recours en annulation totale ou partielle de la loi du 22 juillet 2018 « modifiant le Code d'instruction

Extrait de l'arrêt n° 16/2020 du 6 février 2020

Numéros du rôle : 7118 et 7120

En cause : les recours en annulation totale ou partielle de la loi du 22 juillet 2018 « modifiant le Code d'instruction criminelle en ce qui concerne les promesses relatives à l'action publique, à l'exécution de la peine ou à la détention consenties à la suite d'une déclaration dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée et le terrorisme », introduits par N.T. et par T.S.

La Cour constitutionnelle,

composée des présidents A. Alen et F. Daoût, et des juges L. Lavrysen, J.-P. Moerman, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman et M. Pâques, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président A. Alen,

après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :

  1. Objet des recours et procédure

    1. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 7 février 2019 et parvenue au greffe le 8 février 2019, N.T., assisté et représenté par Me F. Scheerlinck, avocat au barreau de Gand, a introduit un recours en annulation de la loi du 22 juillet 2018 « modifiant le Code d'instruction criminelle en ce qui concerne les promesses relatives à l'action publique, à l'exécution de la peine ou à la détention consenties à la suite d'une déclaration dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée et le terrorisme » (publiée au Moniteur belge du 7 août 2018).

    2. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 7 février 2019 et parvenue au greffe le 11 février 2019, T.S., assisté et représenté par Me J. Van Cauter, avocat au barreau de Gand, a introduit un recours en annulation des articles 6 et 12 de la même loi.

    Ces affaires, inscrites sous les numéros 7118 et 7120 du rôle de la Cour, ont été jointes.

    (...)

  2. En droit

    (...)

    B.1.1. Les recours en annulation portent sur le régime dit des repentis, tel qu'il est prévu par la loi attaquée du 22 juillet 2018 « modifiant le Code d'instruction criminelle en ce qui concerne les promesses relatives à l'action publique, à l'exécution de la peine ou à la détention consenties à la suite d'une déclaration dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée et le terrorisme » (ci-après : la loi du 22 juillet 2018).

    Le régime a fait l'objet du nouveau chapitre IIter du titre Ier, livre II, du Code d'instruction criminelle, intitulé « Des promesses relatives à l'action publique, à l'exécution de la peine ou à la détention consenties à la suite d'une déclaration ».

    B.1.2. Selon les travaux préparatoires, un repenti est « un inculpé, un prévenu, un accusé ou un condamné pour une quelconque infraction qui fait des déclarations substantielles, révélatrices, sincères et complètes sur les formes de criminalité les plus déstabilisantes pour la société » (Doc. parl., Chambre, 2017-2018, DOC 54-3016/001, p. 3).

    Ce régime permet, dans certaines circonstances, au procureur du Roi de faire une promesse au repenti, en échange de révélations. Cette promesse peut conduire à la non-imposition de la peine, à une réduction de peine ou à l'application d'une peine alternative (ibid., p. 34).

    Il s'agit d'« une nouvelle cause d'excuse atténuante ou absolutoire légale consistant en la collaboration avec la justice dans la poursuite de la criminalité lourde et organisée par un témoignage à charge » (ibid.).

    Les révélations du repenti ne peuvent être utilisées comme preuve que si elles sont corroborées dans une mesure déterminante par d'autres éléments de preuve. Une déclaration non confirmée d'un repenti ne suffit donc pas à prouver une infraction (ibid., p. 30).

    B.1.3. Le mot « repenti » n'apparaît pas dans le régime attaqué qui fait chaque fois référence à « la personne visée à l'article 216/1 ». L'article 216/1 du Code d'instruction criminelle, tel qu'il est inséré par l'article 4 de la loi attaquée, dispose :

    Si les nécessités de l'enquête l'exigent et si les autres moyens d'investigation ne semblent pas suffire à la manifestation de la vérité, le procureur du Roi peut faire une promesse dans le cadre de l'exercice de l'action publique, de l'exécution de la peine ou de la détention à toute personne qui fait des déclarations substantielles, révélatrices, sincères et complètes concernant la participation de tiers et, le cas échéant, sa propre participation, au sujet d'infractions commises ou ayant fait l'objet d'une tentative, visées à l'article 90ter, §§ 2 à 4, et énoncées dans un mémorandum.

    La faculté visée au présent chapitre appartient aussi, pour les mêmes infractions, à l'auditeur du travail, au procureur fédéral et au procureur général en degré d'appel et, pour les personnes visées aux articles 479 et 483 au procureur général près la cour d'appel

    .

    B.1.4. Par ailleurs, la loi attaquée prévoit une réglementation plus spécifique relative au mémorandum en question (article 6), à la révocation de la promesse (article 8), à la déclaration du repenti (article 10), à la promesse consentie par le ministère public dans le cadre, respectivement, de l'action publique (article 12), de l'exécution de la peine (article 14) et de la détention préventive (article 16), ainsi que les modalités du contrôle parlementaire sur l'application de la loi attaquée (article 18).

    B.2.1. Bien que le recours dans l'affaire n° 7118 soit dirigé contre tous les articles de la loi attaquée, les griefs soulevés ne portent en réalité que sur les articles 4, 6, 8 et 12.

    Le recours dans l'affaire n° 7120 est dirigé contre les articles 6 et 12 de la loi attaquée.

    B.2.2. L'article 216/2 du Code d'instruction criminelle, tel qu'il a été inséré par l'article 6 de la loi attaquée, dispose :

    § 1er. Le procureur du Roi et la personne visée à l'article 216/1 signent un mémorandum écrit. Le mémorandum est daté et contient les mentions suivantes :

    1° les données d'identité de la personne visée à l'article 216/1;

    2° le nom de l'avocat qui assiste la personne visée à l'article 216/1 lors de la conclusion du mémorandum;

    3° le procureur du Roi de l'arrondissement judiciaire dans lequel ont été commises les infractions au sujet desquelles la personne visée à l'article 216/1 indique qu'elle fera une déclaration et le procureur du Roi de l'arrondissement judiciaire dans lequel la personne visée à l'article 216/1 est poursuivie ou est condamnée;

    4° l'indication précise et détaillée :

    a) des faits pour lesquels la personne visée à l'article 216/1 est poursuivie ou est déjà condamnée, ainsi que les peines qui, dans ce dernier cas, lui ont été infligées, et qui font l'objet de la promesse du procureur du Roi;

    b) des faits au sujet desquels la personne visée à l'article 216/1 indique qu'elle fera une déclaration;

    c) de la teneur de la promesse du procureur du Roi;

    d) des conditions liées à la promesse du procureur du Roi, qui comprennent dans tous les cas les conditions prévues à l'article 216/3, § 1er, 2° à 5°;

    e) des conditions et des modalités relatives à la déclaration de la personne visée à l'article 216/1;

    f) de la volonté d'indemniser le dommage.

    § 2. Le mémorandum ne peut être conclu que moyennant :

    1° un accord préalable des procureurs généraux compétents;

    2° un avis préalable de la commission de protection des témoins concernant la possibilité de prendre des mesures de protection, dont il pourra être décidé ultérieurement;

    3° un avis préalable du procureur fédéral;

    4° si la personne visée à l'article 216/1 fait l'objet d'une instruction ou si ses déclarations sont déposées dans le cadre d'une instruction en cours, un avis préalable du juge d'instruction sur l'état d'avancement de l'instruction.

    § 3. Les procureurs généraux compétents prennent une décision par consensus.

    § 4. Le mémorandum est conclu et signé en présence d'un avocat du choix de la personne visée à l'article 216/1 ou qui lui est désigné par le bâtonnier.

    La personne visée à l'article 216/1 peut à tout moment se concerter confidentiellement avec son avocat hors la présence du procureur du Roi.

    § 5. Le mémorandum est établi en trois exemplaires signés. Un exemplaire est remis à la personne visée à l'article 216/1, un deuxième est versé au dossier répressif relatif à l'infraction pour laquelle la personne visée à l'article 216/1 est poursuivie ou a été condamnée et un troisième est conservé par le procureur du Roi.

    Si la déclaration de la personne visée à l'article 216/1 est utilisée dans différents dossiers répressifs, une copie certifiée conforme du mémorandum est versée dans chacun de ces dossiers répressifs.

    § 6. Le procureur fédéral tient un registre de tous les mémorandums établis. Une copie certifiée conforme de chaque mémorandum signé par le procureur du Roi est transmise au procureur fédéral et inscrite au registre.

    § 7. Après signature du mémorandum, la personne visée à l'article 216/1 fait sa déclaration dans le délai fixé dans le mémorandum

    .

    B.2.3. L'article 216/3 du Code d'instruction criminelle, tel qu'il a été inséré par l'article 8 de la loi attaquée, dispose :

    La promesse peut être révoquée :

    1° si la personne visée à l'article 216/1 n'a pas respecté les conditions qu'elle avait acceptées dans le mémorandum;

    2° si la personne visée à l'article 216/1 est condamnée par un jugement ou un arrêt coulé en force de chose jugée pour des infractions commises après la date de la conclusion du mémorandum à une peine principale d'emprisonnement d'au moins six mois;

    3° si la personne visée à l'article 216/1 n'effectue pas les déclarations comme stipulé dans le mémorandum;

    4° si la personne visée à l'article 216/1 n'indemnise pas le dommage;

    5° si la personne visée à l'article 216/1 a sciemment fait des déclarations incomplètes, non sincères ou non révélatrices concernant les faits visés;

    6° si, en vue d'entraver les poursuites concernant les faits visés, la personne visée à l'article 216/1 a tenté de faire disparaître des preuves ou de s'entendre avec des tiers

    .

    B.2.4. L'article 216/5 du Code d'instruction criminelle, tel qu'il a été inséré par l'article 12 de la loi attaquée, dispose :

    § 1er. Le...

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