Extrait de l'arrêt n° 27/2020 du 20 février 2020 Numéro du rôle : 7023 En cause : le recours en annulation de la loi du 21 mars 2018 « modifiant la loi sur la fonction de police

Extrait de l'arrêt n° 27/2020 du 20 février 2020

Numéro du rôle : 7023

En cause : le recours en annulation de la loi du 21 mars 2018 « modifiant la loi sur la fonction de police, en vue de régler l'utilisation de caméras par les services de police, et modifiant la loi du 21 mars 2007 réglant l'installation et l'utilisation de caméras de surveillance, la loi du 30 novembre 1998 organique des services de renseignement et de sécurité et la loi du 2 octobre 2017 réglementant la sécurité privée et particulière », introduit par l'ASBL « Liga voor Mensenrechten ».

La Cour constitutionnelle,

composée des présidents A. Alen et F. Daoût, et des juges L. Lavrysen, J.-P. Moerman, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman et M. Pâques, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président A. Alen,

après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :

  1. Objet du recours et procédure

    Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 15 octobre 2018 et parvenue au greffe le 16 octobre 2018, l'ASBL « Liga voor Mensenrechten », assistée et représentée par Me D. Pattyn, avocat au barreau de Flandre occidentale, a introduit un recours en annulation de la loi du 21 mars 2018 « modifiant la loi sur la fonction de police, en vue de régler l'utilisation de caméras par les services de police, et modifiant la loi du 21 mars 2007 réglant l'installation et l'utilisation de caméras de surveillance, la loi du 30 novembre 1998 organique des services de renseignement et de sécurité et la loi du 2 octobre 2017 réglementant la sécurité privée et particulière » (publiée au Moniteur belge du 16 avril 2018).

    (...)

  2. En droit

    (...)

    Quant aux dispositions attaquées

    B.1. La partie requérante demande l'annulation de la loi du 21 mars 2018 « modifiant la loi sur la fonction de police, en vue de régler l'utilisation de caméras par les services de police, et modifiant la loi du 21 mars 2007 réglant l'installation et l'utilisation de caméras de surveillance, la loi du 30 novembre 1998 organique des services de renseignement et de sécurité et la loi du 2 octobre 2017 réglementant la sécurité privée et particulière » (ci-après : la loi du 21 mars 2018).

    Il ressort du contenu de la requête que les griefs sont uniquement dirigés contre les articles 6, 9, 11, 12, 28, 35, 48, 49, 50, 60, 61, 69, 70, 71, 75, 80, 84, 85 et 86 de la loi attaquée. La Cour limite son examen à ces dispositions.

    S'il devait apparaître de l'examen plus approfondi des moyens que seuls certains des articles précités ou seules certaines parties de ces dispositions sont critiqués, l'examen sera, le cas échéant, limité à ces dispositions.

    B.2.1. La loi du 21 mars 2018 modifie la réglementation sur l'utilisation et l'installation de caméras de surveillance. La loi tente « de garantir au mieux la vie privée des citoyens, tout en maintenant un équilibre avec les réalités et les besoins pratiques du terrain » (Doc. parl., Chambre, 2017-2018, DOC 54-2855/001, p. 5).

    Ainsi qu'il ressort de l'intitulé, la loi attaquée modifie quatre autres lois.

    B.2.2. La loi du 21 mars 2018 modifie en premier lieu la loi du 5 août 1992 « sur la fonction de police » (ci-après : la loi du 5 août 1992). Elle tend à retirer les caméras des services de police du champ d'application de la loi du 21 mars 2007 « réglant l'installation et l'utilisation de caméras de surveillance » (ci-après : la loi du 21 mars 2007) afin de régler leur utilisation dans la loi du 5 août 1992 et entend ainsi « élaborer un régime particulier pour l'utilisation de caméras par les services de police, tant dans le cadre de leurs missions de police administrative que de police judiciaire » (ibid., p. 3).

    La loi du 21 mars 2018 règle l'autorisation conférée aux services de police pour installer et utiliser des caméras ainsi que le traitement des données collectées. Elle autorise dans certains cas l'utilisation non visible de caméras et encadre l'utilisation des données recueillies par des caméras de reconnaissance automatique des plaques d'immatriculation (ANPR) (ibid., pp. 3 et 4).

    Les modifications apportées à la loi du 5 août 1992 figurent dans le chapitre 2 de la loi du 21 mars 2018 (articles 2 à 62).

    B.2.3. La loi du 21 mars 2018 modifie également la loi précitée du 21 mars 2007, d'une part, pour lever certains doutes et difficultés d'application de certaines dispositions de la loi du 21 mars 2007 et, d'autre part, pour adapter la loi aux développements au niveau européen (ibid., p. 4).

    La loi du 21 mars 2007 est applicable à l'installation et à l'utilisation de caméras de surveillance dans le but de prévenir, de constater ou de déceler des infractions contre les personnes ou les biens (article 3, alinéa 1er, 1°) ou de prévenir, de constater ou de déceler des incivilités au sens de l'article 135 de la Nouvelle loi communale, de contrôler le respect des règlements communaux ou de maintenir l'ordre public (article 3, alinéa 1er, 2°).

    La loi du 21 mars 2018 insère dans la loi du 21 mars 2007 de nouvelles règles en vue de l'utilisation de caméras de surveillance mobiles intelligentes et des mesures particulières dans des situations où elles sont justifiées par la nature des lieux et le risque pour la sécurité, notamment en vue de conserver les images durant trois mois au lieu d'un mois, de filmer le périmètre d'un lieu et de donner aux services de police accès aux images en temps réel (ibid., pp. 4 et 5).

    Les modifications de la loi du 21 mars 2007 figurent dans le chapitre 3 de la loi du 21 mars 2018 (articles 63 à 83).

    B.2.4. La loi du 21 mars 2018 modifie ensuite la loi du 30 novembre 1998 « organique des services de renseignement et de sécurité » (ci-après : la loi du 30 novembre 1998). Dans l'intérêt de l'exercice de leurs missions et sous certaines conditions, les services de renseignement et de sécurité peuvent avoir accès aux caméras que peuvent utiliser les services de police et aux banques de données contenant les données à caractère personnel et les informations de celles-ci (ibid., p. 5).

    Les modifications de la loi du 30 novembre 1998 figurent dans le chapitre 4 de la loi du 21 mars 2018 (articles 84 à 86).

    B.2.5. Enfin, la loi du 21 mars 2018 modifie la loi du 2 octobre 2017 « réglementant la sécurité privée et particulière », en réglant la compétence des agents de gardiennage pour visionner les images des caméras installées sur la voie publique (ibid., p. 5).

    Ces modifications figurent dans le chapitre 5 de la loi du 21 mars 2018 (article 87), qui n'est pas visé par la requête.

    Quant à la recevabilité

    B.3.1. Le Conseil des ministres conteste la recevabilité du recours en annulation en ce que la Cour est invitée à se prononcer sur la compatibilité de la loi attaquée avec des articles de la Convention européenne des droits de l'homme et de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et avec la loi du 30 juillet 2018 « relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel ».

    B.3.2. Les dispositions internationales au regard desquelles la Cour ne peut exercer un contrôle direct sont invoquées en combinaison avec des dispositions constitutionnelles au regard desquelles la Cour peut exercer un contrôle direct, de sorte que toutes ces dispositions doivent être lues conjointement.

    B.3.3. La Cour n'est toutefois pas compétente pour contrôler des dispositions législatives au regard d'autres dispositions législatives qui ne sont pas des règles répartitrices de compétences.

    Le grief pris de la violation la loi du 30 juillet 2018 « relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel » est irrecevable.

    Quant au fond

    B.4.1. Le premier moyen est pris de la violation des articles 10, 11 et 22 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, avec les articles 7, 8 et 52 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et avec les articles 4, 5, 6 et 7 de la directive (UE) 2016/680 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 « relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d'enquêtes et de poursuites en la matière ou d'exécution de sanctions pénales, et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la décision-cadre 2008/977/JAI du Conseil » (ci-après : la directive (UE) 2016/680).

    B.4.2. Le second moyen est pris de la violation des articles 10, 11, 12, 14 et 22 de la Constitution, lus ou non en combinaison avec les articles 6, 7 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, avec les articles 7, 8, 47, 48 et 52 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, avec les articles 4, 5, 6 et 7 de la directive (UE) 2016/680, avec le principe général du droit à un procès équitable et du droit de défense et avec le principe de légalité en matière pénale.

    B.4.3. Les deux moyens portent en substance sur le droit au respect de la vie privée. Ils visent les délais de conservation des informations et des données à caractère personnel enregistrées (premier moyen) et le traitement de ces informations et données (première et deuxième branches du second moyen).

    Le second moyen (troisième et quatrième branches) porte en outre sur le principe de légalité et sur le principe d'égalité et de non-discrimination.

    Quant au droit au respect de la vie privée

    B.5. Selon la partie requérante, la possibilité prévue par la loi du 21 mars 2018 de conserver durant douze mois les informations et données à caractère personnel recueillies par les caméras de police et de conserver durant trois mois les images enregistrées par des caméras de surveillance constitue une ingérence disproportionnée dans le droit au respect de la vie privée (premier moyen). Le traitement des informations et données à caractère personnel recueillies, prévu par la loi...

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