Extrait de l'arrêt n° 150/2019 du 24 octobre 2019 Numéro du rôle : 6922 En cause : le recours en annulation de la loi du 19 septembre 2017 « modifiant l'article 39/73-1 de la loi du 15 décembre 1980

Extrait de l'arrêt n° 150/2019 du 24 octobre 2019

Numéro du rôle : 6922

En cause : le recours en annulation de la loi du 19 septembre 2017 « modifiant l'article 39/73-1 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers », introduit par l'Ordre des barreaux francophones et germanophone.

La Cour constitutionnelle,

composée des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman et M. Pâques, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président F. Daoût,

après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :

  1. Objet du recours et procédure

    Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 4 mai 2018 et parvenue au greffe le 7 mai 2018, l'Ordre des barreaux francophones et germanophone, assisté et représenté par Me S. Sarolea et Me. J. Hardy, avocats au barreau du Brabant wallon, a introduit un recours en annulation de la loi du 19 septembre 2017 « modifiant l'article 39/73-1 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers » (publiée au Moniteur belge du 6 novembre 2017).

    (...)

  2. En droit

    (...)

    B.1.1. La partie requérante prend un moyen unique de la violation, par l'article 2 de la loi du 19 septembre 2017 « modifiant l'article 39/73-1 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers » (ci-après : la loi du 19 septembre 2017), des articles 10, 11 et 191 de la Constitution, lus isolément ou en combinaison avec les articles 3, 6, 8 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec les articles 4, 7 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

    Elle reproche en substance au nouveau régime de sanction pour recours abusif devant le Conseil du contentieux des étrangers (ci-après : le Conseil) de violer le principe d'égalité et de non-discrimination garanti par les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles précités de la Convention européenne des droits de l'homme et de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, de porter une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale, au droit à un recours effectif, au droit à une procédure équitable, aux droits de la défense, ainsi qu'au droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains et dégradants.

    B.1.2. L'article 2 de la loi du 19 septembre 2017 dispose :

    L'article 39/73-1 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, inséré par la loi du 29 décembre 2010 est remplacé par ce qui suit :

    ' Lorsque des indices font apparaître que le recours introduit est manifestement abusif, le Conseil inclut d'office ce constat dans les discussions lors de l'examen de ce recours. Il permet aux parties présentes à l'audience de faire valoir leurs observations en la matière et peut, à cette fin, suspendre l'audience s'il échet. Le Conseil peut, au besoin, également se prononcer sur le recours introduit et, dans son arrêt, fixer une nouvelle date d'audience en vue de poursuivre les débats sur le caractère manifestement abusif du recours.

    Dans la notification d'une ordonnance de fixation d'audience, il est attiré l'attention sur la possible ouverture d'une enquête quant au caractère non abusif du recours par la mention du présent article.

    Le Conseil peut imposer une amende chaque fois qu'il estime qu'un recours manifestement abusif a été introduit.

    L'arrêt qui prononce l'amende est en tout cas réputé contradictoire.

    Le montant de l'amende, s'élevant au minimum à 125 euros et au maximum à 2.500 euros, est déterminé par le Conseil.

    Chaque année au 1er janvier, les montants visés à l'alinéa 5 sont adaptés de plein droit à l'évolution de l'indice des prix à la consommation selon la formule suivante: le montant de base, multiplié par le nouvel indice et divisé par l'indice de départ. Le nouvel indice est l'indice des prix à la consommation du mois de décembre de l'année précédant l'année dans laquelle les montants conformément à l'alinéa 5 sont adaptés. L'indice de départ est l'indice du mois de novembre 2017. Le résultat obtenu est arrondi à l'euro supérieur si la partie décimale est supérieure ou égale à cinquante cents. Il est arrondi à l'euro inférieur si la partie décimale est inférieure à cinquante cents.

    Le Roi fixe par arrêté délibéré en Conseil des ministres les modalités de perception de l'amende.

    L'arrêt prononçant le caractère manifestement abusif du recours et imposant éventuellement une amende est, si la partie requérante était assistée d'un avocat, également notifié au bâtonnier compétent et au président du bureau d'aide juridique

    .

    B.2.1. Le Conseil des ministres excipe de l'irrecevabilité ratione materiae du recours en ce qu'il vise les articles 3, 6, 8 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme et les articles 4, 7 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, pris isolément, dès lors que ces normes internationales ne sont pas, en soi, des normes de référence pour la Cour. Il ajoute que le moyen n'indique pas la manière dont ces dispositions seraient violées par la disposition attaquée.

    B.2.2. Il ressort de la requête et des développements dans chacune des branches du moyen unique que, d'une part, la partie requérante articule à plusieurs reprises l'examen des dispositions internationales dont elle invoque la violation avec les articles 10, 11 et 191 de la Constitution et que, d'autre part, elle expose en quoi la disposition attaquée viole les dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme et celles de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

    L'exception ratione materiae est rejetée.

    B.2.3. Le Conseil des ministres excipe également de l'irrecevabilité ratione temporis du recours en ce que la partie requérante remettrait en cause le principe même de l'amende pour recours manifestement abusif, alors que la disposition attaquée ne ferait que « réviser » les modalités de la procédure existante qui permet au Conseil d'infliger une telle amende.

    B.2.4. Il ressort expressément du texte de l'article 2, précité, de la loi du 19 septembre 2017, que la disposition attaquée « remplace » l'article 39/73-1 de la loi du 15 décembre 1980 « sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers » (ci-après : la loi du 15 décembre 1980), tel qu'il avait été inséré par la loi du 29 décembre 2010. Non seulement, en effet, le législateur a...

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