Arrêt n° 16/2003 du 28 janvier 2003 Numéro du rôle : 2332 En cause : le recours en annulation des articles 495, 496, 501, 502 et 611 du Code judiciaire, tels qu'ils ont été remplacés par les articl

Arrêt n° 16/2003 du 28 janvier 2003

Numéro du rôle : 2332

En cause : le recours en annulation des articles 495, 496, 501, 502 et 611 du Code judiciaire, tels qu'ils ont été remplacés par les articles 14 et 15 de la loi du 4 juillet 2001 (structures du barreau), introduit par J.-M. Arnould et autres.

La Cour d'arbitrage,

composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges L. François, P. Martens, R. Henneuse, M. Bossuyt, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman et E. Derycke, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior,

après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :

I. Objet du recours

Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 24 janvier 2002 et parvenue au greffe le 25 janvier 2002, J.-M. Arnould, demeurant à 7000 Mons, rue de la Biche 18, E. Balate, demeurant à 7190 Ecaussinnes, avenue de la Déportation 31, J.-P. Brilmaker, demeurant à 4000 Liège, rue Rouveroy 5, J.-M. Dermagne, demeurant à 5580 Rochefort, rue de Ciney 105, J.-L. Dessy, demeurant à 4520 Wanze, place Faniel 13, M. Ellouze, demeurant à 4000 Liège, rue de la Préfecture 34, J. Pierre, demeurant à 4000 Liège, quai Van Hoegaerden 2/146F, et M. Uyttendaele, demeurant à 1200 Bruxelles, avenue de Broqueville 127, ont introduit un recours en annulation des articles 495, 496, 501, 502 et 611 du Code judiciaire, tels qu'ils ont été remplacés par les articles 14 et 15 de la loi du 4 juillet 2001 (structures du barreau) (publiée au Moniteur belge du 25 juillet 2001).

II. La procédure

Par ordonnance du 25 janvier 2002, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé qu'il n'y avait pas lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Le recours a été notifié conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 11 mars 2002.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 23 mars 2002.

Par ordonnance du 23 avril 2002, le président M. Melchior a prorogé de quinze jours le délai pour l'introduction d'un mémoire, à la suite de la demande du Conseil des ministres du 22 avril 2002.

Cette ordonnance a été notifiée au Conseil des ministres par lettre recommandée à la poste le 23 avril 2002.

Des mémoires ont été introduits par :

- l'a.s.b.l. Syndicat des avocats pour la démocratie, dont le siège social est établi à 1060 Bruxelles, rue Berckmans 83, par lettre recommandée à la poste le 22 juin 2002;

- l'Ordre des barreaux francophones et germanophone, rue Washington 40, 1050 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 22 juin 2002;

- le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 8 mai 2002.

Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 15 mai 2002.

Des mémoires en réponse ont été introduits par :

- les parties requérantes, par lettre recommandée à la poste le 14 juin 2002;

- l'a.s.b.l. Syndicat des avocats pour la démocratie, par lettre recommandée à la poste le 14 juin 2002.

Par ordonnances des 27 juin 2002 et 19 décembre 2002, la Cour a prorogé respectivement jusqu'aux 24 janvier 2003 et 24 juillet 2003 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 7 novembre 2002, le président M. Melchior a soumis l'affaire à la Cour réunie en séance plénière.

Par ordonnance du même jour, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 27 novembre 2002.

Cette dernière ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 8 novembre 2002.

A l'audience publique du 27 novembre 2002 :

- ont comparu :

. Me K. Zidelmal loco Me G.-H. Beauthier, avocats au barreau de Bruxelles, Me L. Misson et Me S. Bredael, avocats au barreau de Liège, qui comparaissaient également loco Me P. Mayence, avocat au barreau de Charleroi, et loco Me M. Preumont, avocat au barreau de Namur, pour les parties requérantes;

. Me V. Letellier, qui comparaissait également loco Me A. Schaus, avocats au barreau de Bruxelles, pour l'a.s.b.l. Syndicat des avocats pour la démocratie;

. Me P. Legros et Me F. Gosselin loco Me J. Sohier, avocats au barreau de Bruxelles, pour l'Ordre des barreaux francophones et germanophone;

. Me P. Hofströssler, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Conseil des ministres;

- les juges-rapporteurs J.-P. Snappe et A. Alen ont fait rapport;

- les avocats précités ont été entendus;

- l'affaire a été mise en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

III. En droit

- A -

Quant au premier moyen

La requête

A.1.1. Après avoir rappelé les faits qui ont précédé l'adoption de la loi du 4 juillet 2001, dont l'objet principal est le remplacement de l'Ordre national des avocats par l'Ordre des barreaux francophones et germanophone, d'une part, et l'Orde van Vlaamse balies , d'autre part, et après avoir démontré l'intérêt qu'elles avaient à agir en annulation de l'article 495 nouveau du Code judiciaire, qui délègue à ces deux institutions la compétence de régir le stage et la formation professionnelle des avocats-stagiaires, les parties requérantes, qui sont toutes des avocats inscrits dans un barreau relevant de l'Ordre des barreaux francophones et germanophone, prennent un premier moyen dirigé contre les articles 495 et 496 nouveaux du Code judiciaire tiré de la violation par les dispositions précitées de l'article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 6°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, du principe de la liberté de commerce et d'industrie, de l'article 23 de la Constitution et des articles 10 et 81 du Traité C.E., combinés avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

Selon les parties requérantes, un ordre professionnel ne peut, de sa propre initiative, restreindre l'accès à la profession qu'il est censé chapeauter. Les conditions de formation permettant l'exercice d'une profession libérale réglementée par la loi doivent reposer sur une habilitation du législateur qui est, en l'occurrence, exorbitante dans la mesure où les pouvoirs publics ne disposent d'aucun contrôle sur le contenu des exigences qui peuvent être édictées par les autorités du barreau.

Or, en ce qui concerne les autres professions libérales, comparables à celles d'avocat, les conditions sont fixées, estiment les parties requérantes, dans le cadre d'une habilitation précise par ou sous le contrôle étroit des pouvoirs publics. Ainsi, pour les médecins, existe-t-il de nombreux arrêtés royaux d'agréation relatifs au cadre et aux conditions du stage. Les dispositions entreprises établissent une différence de traitement injustifiée entre les avocats-stagiaires et les stagiaires d'autres professions libérales, violant ainsi les articles 10 et 11 de la Constitution.

En outre, la délégation excessive consentie en l'espèce par le législateur viole les articles 10 et 81 du Traité C.E., lesquels, compte tenu de leur interprétation par la Cour de justice de Luxembourg, exigent, pour que la délégation d'un pouvoir d'autorégulation aux ordres des professions libérales soit admissible, que deux conditions soient remplies :

- les autorités publiques doivent se réserver le pouvoir de fixer elles-mêmes directement ou indirectement le contenu des règles essentielles de la profession via un contrôle en amont ou en aval;

- les membres de la profession doivent disposer d'un recours effectif contre les décisions des organes de l'ordre devant les juridictions de droit commun, et non uniquement devant les autorités ordinales, pour dénoncer les violations du droit de la concurrence tant à l'égard des décisions individuelles qu'à l'égard des mesures de portée générale.

Position du Conseil des ministres

A.1.2. Tout d'abord, estime le Conseil des ministres, les requérants ne justifient pas de l'intérêt requis pour soutenir le premier moyen. Ils ne démontrent pas qu'ils sont effectivement maîtres de stage alors qu'en réalité ils agissent comme gardiens des intérêts des futurs stagiaires. Les normes attaquées n'ont donc pas d'incidence directe et défavorable sur leur situation.

Par ailleurs, le premier moyen est aussi irrecevable à défaut de préciser suffisamment en quoi les dispositions invoquées sont violées.

Sur le fond, le Conseil des ministres estime que le premier moyen ne peut pas être accueilli. D'abord, les avocats ne sont pas comparables aux titulaires d'autres professions libérales. A cet égard, le Conseil des ministres rappelle les motifs de l'arrêt de la Cour n° 23/97 d'où il découle, selon lui, que le législateur a pu instaurer un régime particulier de formation et d'accès à la profession pour les avocats. A supposer que la profession d'avocat puisse être comparée aux autres professions libérales, le critère de distinction est objectif et pertinent car il repose sur les particularités des missions relevant du ministère du barreau.

Le moyen ne peut pas non plus être admis, poursuit le Conseil des ministres, en tant qu'il invoque la violation de l'article 23 de la Constitution, cette disposition n'ayant pas d'effet direct. Quant à la liberté de commerce et d'industrie, il ne s'agit pas d'une liberté absolue, si l'on s'appuie notamment sur l'arrêt n° 100/2001 rendu par la Cour le 13 juillet 2001. Enfin, la violation alléguée des articles 10 et 81 du Traité C.E. manque également en droit. Pour le Conseil des ministres, la Cour n'est pas compétente pour connaître de cette partie du moyen, celle-ci supposant que la Cour constate une éventuelle infraction à la législation européenne.

Le Conseil des ministres termine son exposé sur le premier moyen en soutenant que le but poursuivi par le législateur est légitime et pertinent, à savoir assurer la qualité des services de l'avocat et garantir son indépendance, et...

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