26 NOVEMBRE 2021. - Arrêté royal modifiant l'arrêté royal du 11 juillet 2003 fixant la procédure devant le commissariat général aux réfugiés et aux apatrides ainsi que son fonctionnement

RAPPORT AU ROI

Sire,

L'organisation d'un entretien personnel par le Commissaire général, lors duquel chaque demandeur a l'occasion d'exposer en quoi consiste sa demande de protection internationale, est un volet fondamental de la procédure d'asile. De préférence, cet entretien personnel se déroule en la présence physique des parties prenantes. La pandémie de COVID-19 a cependant révélé qu'il est nécessaire de prévoir des alternatives à l'entretien en présence physique d'un demandeur de protection internationale. Les diverses mesures prises par le gouvernement afin de prévenir et d'endiguer la diffusion du virus à l'origine de la COVID-19 ont eu un impact direct sur la mission centrale du Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides. Bien que les activités des services en charge de l'asile et de la migration aient été considérées comme essentielles, le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides a été contraint de suspendre temporairement en mars 2020 les entretiens personnels afin de pouvoir mettre en place les dispositions préventives requises, de sorte qu'ils puissent se dérouler dans des conditions sanitaires nécessaires. Le 8 juin 2020, le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides a pu reprendre les entretiens personnels. Les conditions toujours en vigueur, comme le respect d'une distance suffisante, le respect des mesures en matière d'hygiène et la limitation des déplacements, ont néanmoins un impact permanent sur le fonctionnement quotidien du Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides. Pour qu'un entretien personnel puisse se dérouler dans des conditions sanitaires nécessaires, plusieurs mesures de sécurité ont été prises. Ainsi les demandeurs sont-ils convoqués selon des horaires différents, et les locaux d'audition doivent être désinfectés en profondeur et aérés avant d'être utilisés à nouveau. Ces mesures ont pour effet une réduction considérable du nombre de demandeurs qui peuvent être entendus chaque jour au siège du Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides et ce dernier n'est pas en mesure de traiter toutes les demandes de protection internationale dans les délais imposés par le législateur. Autres conséquences, l'arriéré de traitement des dossiers auquel est confronté le Commissariat général ne peut être résorbé; les demandeurs doivent attendre plus longtemps une décision quant à leur demande de protection internationale; le nombre de sorties des centres d'accueil est limité. En raison des mesures en vigueur, il n'est pas possible d'entendre les demandeurs qui ne peuvent pas se déplacer au siège du Commissariat général, ou ne peuvent le faire que difficilement, telles que les personnes présentant un risque élevé d'endurer une forme sévère de la COVID-19. La situation actuelle a clairement révélé la nécessité de développer une façon alternative de mener les entretiens personnels, parallèlement au système existant des entretiens personnels en présentiel. L'entretien à distance permet de garantir la continuité du service public à l'égard des demandeurs de protection internationale et d'assurer le fonctionnement efficace du Commissariat général en des temps où, compte tenu de circonstances particulières, l'organisation d'entretiens en présentiel n'est pas possible.

L'entretien à distance n'est pas seulement utile dans le cadre de la pandémie actuelle liée à la COVID-19. En envisageant la possibilité d'entendre les demandeurs à distance, l'on peut davantage tenir compte des besoins de ceux des demandeurs qui, en raison d'une limite physique, ne peuvent pas se déplacer, ou ne peuvent le faire que difficilement, ou de ceux qui résident dans un centre d'accueil éloigné de Bruxelles, ou dont l'accès est plus compliqué. Le projet d'arrêté royal donne également une base réglementaire à l'entretien à distance des demandeurs qui, conformément aux articles 74/5 et 74/6 de la loi, sont maintenus ou sont détenus dans un établissement pénitentiaire.

Ce projet d'arrêté royal a pour objet de modifier l'arrêté royal du 11 juillet 2003 fixant la procédure devant le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides ainsi que son fonctionnement, afin de permettre d'entendre les demandeurs à distance. Bien que l'entretien à distance constitue une alternative innovante et de qualité à l'entretien en présentiel, l'entretien en présence de toutes les parties intervenantes conserve la préférence. L'entretien en présentiel restera la règle et un entretien à distance n'aura lieu que lorsque celui-ci est souhaitable, en tenant compte des besoins procéduraux spéciaux du demandeur, des motifs d'asile du demandeur, de la complexité du dossier, du délai dans lequel le législateur attend que le CGRA prenne une décision sur la demande de protection internationale et du contexte opérationnel. Les entretiens à distance sont dès lors intégrés au fonctionnement quotidien du Commissariat général mais ce, parallèlement et en complément au système existant d'entretiens en présentiel, à moins que ces entretiens à distance ne soient la seule possibilité d'organiser encore des entretiens en raison d'une situation exceptionnelle rendant les entretiens en présentiel impossible.

Pour mémoire, l'on signale que ni la directive 2013/32/EU du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale (refonte) ni la loi du 15 décembre 1980 ne contiennent de dispositions qui excluent ou interdisent d'avance les entretiens à distance. Au contraire, conformément aux articles 57/5ter, § 1er, alinéa 2, et 57/6/7, § 4, alinéa 1er, de la loi du 15 décembre 1980, c'est au Roi qu'il revient de déterminer les conditions dans lesquelles doit se dérouler l'entretien personnel.

Le projet d'arrêté s'inscrit dans le droit fil des orientations de la Commission européenne relatives à la mise en oeuvre des dispositions pertinentes de l'UE régissant les procédures d'asile et de retour et à la réinstallation du 17 avril 2020 (Communication 2020/C126/02 de la Commission européenne relative à la COVID-19 : orientations relatives à la mise en oeuvre des dispositions pertinentes de l'UE régissant les procédures d'asile et de retour et à la réinstallation, J.O., 17 avril 2020, 126, 12-27.). Dans la mesure du possible, la Commission européenne recommande de procéder à l'entretien à distance en utilisant la technologie de la visioconférence. Dans son guide pratique contenant des recommandations pour l'organisation d'un entretien personnel à distance, l'EASO souligne que les entretiens personnels à distance ne sont pas seulement une alternative réaliste dans des circonstances exceptionnelles, comme la pandémie actuelle, mais que ce type d'entretien peut aussi représenter un modus operandi efficace pour la procédure d'asile dans des conditions normales (EASO, « Practical recommendations on conducting the personal interview remotely », mai 2020). L'UNHCR a lui-même déjà procédé à des interviews à distance de demandeurs et ce, tant pendant la pandémie actuelle qu'avant cette pandémie. Tant dans ses « Practical Recommendations and Good Practice to Address Protection Concerns in the Context of the COVID-19 Pandemic » du 9 avril 2020 que dans sa note thématique intitulée « Remote Interviewing: Practical Considerations for States in Europe » du 9 juin 2020, le Haut-Commissariat considère les entretiens à distance par vidéoconférence ou par téléphone comme une alternative aux entretiens en présentiel et comme une mesure recommandée pour maintenir la procédure d'asile et gérer l'arriéré.

Dans leurs recommandations, la Commission européenne, l'UNHCR et l'EASO n'excluent a priori aucune catégorie de demandeurs de la possibilité d'un entretien à distance et ne recommandent pas non plus de renoncer automatiquement à cette façon d'auditionner en fonction du motif invoqué pour introduire une demande de protection internationale. Au contraire, ils conseillent de toujours évaluer au cas par cas si l'entretien à distance est adéquat ou indiqué, compte tenu des besoins procéduraux spéciaux du demandeur, du contexte opérationnel et de la complexité du dossier. A cet égard, l'on souligne qu'en juin et juillet 2020, le Commissariat général a lancé, en collaboration avec la Croix-Rouge, un projet-pilote dans le cadre duquel douze demandeurs mineurs non accompagnés ont été entendus à distance. Afin de sonder l'expérience des intervenants et la qualité de l'entretien personnel mené à distance, un questionnaire a ensuite été envoyé au demandeur mineur, à son tuteur, à son avocat, à l'agent et à l'interprète. Il ressort des résultats de cette enquête que, de manière générale, l'entretien à distance est considéré comme une bonne alternative à un entretien en présentiel, à condition de procéder à quelques adaptions et de respecter certaines conditions. Lors de la rédaction du présent projet d'arrêté, il a été tenu compte des remarques formulées par les participants. Le fait que l'ensemble des répondants aient indiqué que l'entretien personnel à distance est certainement indiqué dans certains cas, et donc aussi quand le demandeur est un étranger mineur non accompagné, confirme qu'il n'est pas judicieux d'exclure a priori l'entretien à distance pour certaines catégories de demandeurs.

L'on souligne que, conformément à l'article 48/9 de la loi, le Commissariat général est tenu de vérifier s'il existe dans le chef du demandeur des besoins procéduraux spéciaux impliquant que des mesures de soutien adéquates doivent être prises pour lui permettre de participer pleinement à sa procédure d'asile, de façon fonctionnelle et autonome. Avant que le demandeur soit convoqué à l'entretien personnel, le Commissariat général vérifiera dès lors s'il présente des besoins procéduraux spéciaux en fonction, notamment, de son âge, de son sexe, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son handicap, d'une maladie grave, de troubles psychiques ou des conséquences de...

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