13 JANVIER 2014. - Arrêté royal modifiant l'arrêté du Régent du 23 août 1948 déterminant la procédure devant la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat, l'arrêté royal du 5 décembre 1991 déterminant la procédure en référé devant le Conseil d'Etat et l'arrêté royal du 30 novembre 2006 déterminant la procédure en cassation devant le Conseil d'Etat, en vue d'instaurer la procédure électronique

CONSEIL D'ETAT

RAPPORT AU ROI

Sire,

L'arrêté que le Gouvernement a l'honneur de soumettre à la signature de Votre Majesté a pour objet d'organiser la procédure devant le Conseil d'Etat sous forme électronique. Il ne modifie pas les règles de fond, mais remplace l'envoi et l'échange des pièces de la procédure par le dépôt de celles-ci sur un site sécurisé géré par le Conseil d'Etat. La technologie mise en oeuvre est la même que celle qui a fait ses preuves pour le dépôt des déclarations fiscales. Etant donné que l'article 30 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat prévoit que la procédure devant la section du contentieux administratif est déterminée par arrêté royal délibéré en Conseil des ministres, aucune modification ne doit être apportée à la législation.

La procédure électronique a fait l'objet d'un essai sous la forme d'un projet pilote qui a été mené pendant un an et demi avec quelques cabinets d'avocats qui traitent habituellement des dossiers devant le Conseil d'Etat, et le présent projet a été élaboré en concertation avec des membres de ces cabinets, représentants de l'Ordre des Barreaux francophone et germanophone (OBFG) et de l'Orde van Vlaamse Balies (OVB).

Dans un premier temps au moins, la procédure traditionnelle, avec échange de pièces par voie postale sur support papier, pourra continuer à être utilisée, et elle le sera si aucune partie ne fait le choix de recourir à la procédure électronique. Mais si, au stade des mesures préalables, autrement dit avant que le dossier ne soit transmis à l'auditeur pour instruction et rapport, une des parties fait usage de la procédure électronique - et tout est mis en oeuvre pour les y inciter -, le dossier est géré sous cette forme, étant entendu que celles qui ne veulent pas utiliser ce mode de communication des pièces peuvent toujours les recevoir et les envoyer sur papier par voie postale. Les pièces du dossier administratif qui ne sont pas ou pas aisément convertibles en un format électronique (échantillons, maquettes, plans de grande dimensions, etc., voire ensemble de pièces trop volumineux) pourront toujours être déposées au greffe.

L'objet de l'arrêté est de faciliter l'envoi et la réception des actes de procédure, de même que toutes les notifications tenant compte de l'évolution des technologies en matière de communication. Le choix du système s'est porté sur un site web géré par le Conseil d'Etat, servant de plate-forme d'échange sécurisée. Pour accéder à celle-ci, il est requis de l'utilisateur qu'il s'identifie au moyen d'une carte d'identité électronique, ce qui garantit de manière fiable son authentification. Ceci implique que les personnes morales - de droit public ou de droit privé - qui souhaitent utiliser la procédure électronique désignent une ou plusieurs personnes physiques en vue d'utiliser pour leur compte la procédure électronique.

Un manuel d'utilisation figurera sur le site internet du Conseil d'Etat. Il explicitera de manière synthétique l'environnement informatique nécessaire à toute personne qui se propose de recourir à la procédure électronique. L'option retenue sur le plan légistique consiste à insérer dans le règlement général de procédure, après les articles 84 et 85 qui règlent le mode de communication des pièces de procédure, un article 85bis qui régit la manière de gérer les dossiers tenus sous forme électronique. Pour les procédures en référé, en cassation, ainsi que pour le prononcé d'astreintes, des renvois sont faits à cet article 85bis dans les différents arrêtés qui fixent ces procédures. La quasi-totalité des procédures engagées devant le Conseil d'Etat peuvent ainsi être gérées sous forme électronique. Il restera à adapter quelques règlements relatifs à des procédures spécifiques, à savoir des procédures accélérées qui sont en pratique peu utilisées, et surtout les recours en matière d'élections communales, mais comme les prochaines élections auront lieu en 2018, il a paru préférable d'attendre et de voir si la mise en oeuvre de la procédure électronique dans les contentieux les plus courants fonctionne de manière satisfaisante, et de bénéficier à ce moment des améliorations que la mise en pratique à grande échelle aura éventuellement permis d'apporter.

COMMENTAIRES DES ARTICLES

Article 1er

L'article 1er insère dans le règlement de procédure un article 85bis qui contient toutes les règles relatives à la procédure électronique. Cet article est assez long puisqu'il compte 15 paragraphes, mais il a paru préférable de laisser groupées toutes les dispositions en cause, plutôt que de les disséminer à plusieurs endroits du règlement de procédure.

Art. 85bis, § 1er

Ce paragraphe détermine quand la procédure électronique sera utilisée, à savoir dès qu'une partie choisit d'y recourir au stade des mesures préalables. Si c'est la partie adverse ou intervenante qui fait ce choix, ou le requérant au stade du mémoire en réplique ou ampliatif, les pièces qui ont été adressées sous forme papier seront scannées et placées dans le dossier électronique par les soins du greffe. Ceci ne devrait pas provoquer de surcharge de travail significative pour le greffe étant donné qu'actuellement, les requêtes et les mémoires en réponse sont systématiquement scannés et placés sur le réseau interne du Conseil d'Etat à la disposition des magistrats.

Par contre, une fois le dossier transmis pour rapport à l'auditeur, la procédure menée jusque là sous la forme traditionnelle d'envois de documents en papier communiqués par voie postale, continuera sous la même forme. Cette mesure a pour objet d'éviter que le greffe ne doive établir un dossier électronique et scanner de nombreux documents pour des dossiers dont le traitement approche de son terme.

Art. 85bis, § 2

Ce paragraphe définit les différentes notions utilisées pour désigner les personnes qui interviennent dans une procédure électronique, en allant de la plus générale à la plus restreinte. Le terme « utilisateur » désigne toute personne qui joue un rôle dans le dépôt ou la consultation des pièces. Pour jouer ce rôle, cette personne doit s'inscrire sur le site, et elle devient ainsi « titulaire d'un enregistrement ». Les titulaires d'un enregistrement peuvent être « gestionnaires de dossier » ou « délégués ». Dans l'hypothèse, la plus courante, où la procédure est diligentée par un cabinet d'avocats, la notion de gestionnaire de dossier correspond à ce qu'on appelle le dominus litis dans le monde judiciaire. Le titulaire d'un enregistrement peut être gestionnaire de plusieurs dossiers; ce sera le cas d'un avocat qui est responsable de multiples recours pendants devant le Conseil d'Etat. Cela pourrait également être le cas du fonctionnaire reponsable du contentieux d'un pouvoir public. Un avocat pourra aussi, le cas échéant, intervenir en qualité de délégué lorsqu'il intervient aux côtés d'un confrère qui est gestionnaire de dossier.

Le gestionnaire de dossier peut donner des délégations à des tiers, à condition que ceux-ci soient titulaires d'un enregistrement. Les différents membres d'un cabinet d'avocats ou du service juridique d'une administration pourront par exemple se donner réciproquement des délégations pour que l'un puisse suppléer à l'absence temporaire d'un autre. Un gestionnaire peut également donner une délégation à des membres de son secrétariat pour déposer des pièces de procédure signées électroniquement par lui ou par une autre personne habilitée à représenter la partie pour laquelle il agit, ou pour consulter des pièces. Ainsi qu'il est prévu au § 4, le gestionnaire du dossier restera maître de toutes les délégations, qu'il pourra toujours accorder, modifier ou retirer. Il est prévu que les délégations pourront être globales (valables pour tous les dossiers de ce gestionnaire) ou spécifiques (valables pour un seul dossier), qu'elles pourront être transmissibles ou non, et qu'elles pourront porter sur la gestion d'un dossier ou uniquement sur sa consultation. Cette dernière hypothèse a été prévue notamment pour le cas d'un avocat qui voudrait permettre à son client de consulter le dossier, sans pouvoir y ajouter des pièces.

La disposition ne préjuge pas de l'usage qui sera fait des différents types de délégation. Cette délégation en consultation seule répond à une demande des avocats, qui souhaitent pouvoir autoriser leur client à consulter leur dossier, mais pas à déposer des pièces à leur insu. La question, fondamentalement touche aux rapports entre l'avocat et son client, et c'est là une question dans laquelle, de manière constante, le Conseil d'Etat ne s'immisce pas. A noter qu'une délégation reste valable aussi longtemps qu'elle n'est pas révoquée ; le client qui a obtenu une délégation ne doit donc pas demander à chaque fois l'autorisation à son avocat. Un avocat peut aussi parfaitement donner à son client une délégation lui permettant de déposer des pièces. La qualité de `gestionnaire de dossier' n'est quant à elle pas partageable, vu que c'est lui qui gère les délégations. Il ne semble pas que des abus soient à craindre, vu le rapport de confiance nécessaire entre l'avocat et son client, et, à supposer qu'il y en ait, que l'avocat prive indûment son client d'un accès à son dossier, la question serait du ressort du bâtonnier.

En outre, l'article 87 du règlement général de procédure n'est pas modifié, et une partie peut toujours prendre connaissance au greffe du dossier. Il est prévu qu'un ordinateur soit disponible au greffe pour les parties qui n'ont pas opté pour la procédure électronique et qui viennent consulter les dossiers. Il pourra servir également pour les requérants qui voudraient vérifier ce que fait leur avocat. Dans le cadre de la procédure papier, s'il y a une élection de domicile chez l'avocat, ce qui est le plus souvent le cas, la situation est comparable à cette situation.

Art. 85bis, § 3

Ce paragraphe indique les conditions à remplir pour utiliser la procédure électronique. Pour l'essentiel, il faut disposer, outre d'un ordinateur...

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