Jugement/arrêt, Cour constitutionnelle (Cour d'arbitrage), 2021-03-04

JurisdictionBélgica
Judgment Date04 mars 2021
ECLIECLI:BE:GHCC:2021:ARR.20210304.6
Docket Number33/2021
Link to Original Sourcehttps://juportal.be/content/ECLI:BE:GHCC:2021:ARR.20210304.6
CourtCour constitutionnelle (Cour d'arbitrage)

Numéro du rôle : 7158

Arrêt n° 33/2021

du 4 mars 2021

ARRÊT

_________

En cause : les questions préjudicielles concernant l'article 14, § 1er, alinéa 1er, 2°, des lois

sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973, et la loi du 15 juin 2006 « relative aux

marchés publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et de services », posées par le

Conseil d'État.

La Cour constitutionnelle,

composée des présidents F. Daoût et L. Lavrysen, et des juges J.-P. Moerman,

T. Merckx-Van Goey, R. Leysen, Y. Kherbache et T. Detienne, assistée du greffier

P.-Y. Dutilleux, présidée par le président F. Daoût,

après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :

I. Objet des questions préjudicielles et procédure

Par l'arrêt n° 244.049 du 28 mars 2019, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour

le 4 avril 2019, le Conseil d'État a posé les questions préjudicielles suivantes :

« 1. L'article 14, § 1er, alinéa 1er, 2°, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le

12 janvier 1973, interprété comme limitant ‘ les actes relatifs aux marchés publics ', aux actes

qui, émanant d'un pouvoir adjudicateur ou accompli pour le compte de celui-ci, visent de

manière directe ou indirecte à la conclusion d'un contrat à titre onéreux avec un ou plusieurs

entrepreneurs, fournisseurs ou prestataires de services et comme excluant de la notion ‘ d'actes

relatifs aux marchés publics ', les actes par lesquels un pouvoir adjudicateur empêche un

prestataire de services de participer à une procédure de marché public afin de conclure un

contrat à titre onéreux, tel le retrait par un chef de juridiction d'un traducteur de la liste des

personnes agréées en cette qualité auprès de son tribunal au sein de laquelle le pouvoir

adjudicateur choisit les prestataires de services avec lesquels des contrats à titre onéreux sont

conclus pour la prestation de services de traduction, viole-t-il les articles 10 et 11 de la

Constitution en [ce] que cette disposition prive le prestataire de services précité de la possibilité

de contester devant le Conseil d'État un tel acte qui l'empêche de bénéficier d'un marché public

de services de traduction alors que les actes par lesquels un pouvoir adjudicateur vise à la

conclusion d'un marché public peuvent faire l'objet d'un recours devant le Conseil d'État ?

2. La loi du 15 juillet [lire : juin] 2006 relative aux marchés publics et à certains marchés

de travaux, de fournitures et de services, viole-t-elle les articles 10 et 11 de la Constitution

créant ainsi une discrimination par le traitement différent de deux situations comparables, en

tant qu'elle serait interprétée comme s'appliquant à une autorité administrative qui est appelée

à désigner un traducteur ou un interprète ou à établir une liste de traducteurs/interprètes dans

laquelle elle peut faire choix d'un prestataire dans un cas déterminé et comme ne s'appliquant

pas à un organe du pouvoir judiciaire qui est appelé à désigner un traducteur ou interprète ou à

établir une liste de traducteurs/interprètes dans laquelle les autorités judiciaires et policières

peuvent faire choix d'un prestataire dans un cas déterminé ?

3. La loi du 15 juillet [lire : juin] 2006 relative aux marchés publics et à certains marchés

de travaux, de fournitures et de services, viole-t-elle les articles 10 et 11 de la Constitution en

tant qu'elle serait interprétée comme imposant à tous les pouvoirs adjudicateurs au sens de son

article 2, 1°, a) et d), de passer un marché de service de traduction ou d'interprétation dans le

respect des dispositions de la loi, sauf à un président de tribunal de première instance ou à tout

autre organe du pouvoir judiciaire au motif qu'ils font partie de ce pouvoir alors que l'article 2,

1°, a) et d), ne prévoit pas une telle exception ? ».

Des mémoires et mémoires en réponse ont été introduits par :

- Nadia Benhachem et la SPRL « SARIAA », assistées et représentées par

Me M. Uyttendaele et Me S. Kaisergruber, avocats au barreau de Bruxelles;

- le Conseil des ministres, assisté et représenté par Me B. Renson, avocat au barreau de

Bruxelles.

Par ordonnance du 9 décembre 2020, la Cour, après avoir entendu les rapporteurs

T. Detienne et L. Lavrysen, a décidé que l'affaire était en état, qu'aucune audience ne serait

tenue, à moins qu'une partie n'ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de

la notification de cette ordonnance, à être entendue, et qu'en l'absence d'une telle demande, les

débats seraient clos le 13 janvier 2021 et l'affaire mise en délibéré.

Aucune demande d'audience n'ayant été introduite, l'affaire a été mise en délibéré le

13 janvier 2021.

Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives

à la procédure et à l'emploi des langues ont été appliquées.

II. Les faits et la procédure antérieure

Le 25 juillet 2014, le président du Tribunal de première instance francophone de Bruxelles communique à

Nadia Benhachem la décision de l'omettre de la liste des traducteurs jurés sur laquelle elle était inscrite depuis le

20 septembre 1999. Il reprochait notamment à Nadia Benhachem d'avoir travaillé comme salariée à temps plein à

la RTBF, tout en continuant à fournir des services de traduction pour le Tribunal.

Le 19 septembre 2014, Nadia Benhachem et la SPRL « SAARIA », dont elle est administratrice, introduisent

un recours en suspension de cette décision devant le Conseil d'État. L'État belge soulève l'incompétence de la

juridiction administrative pour connaître de ce recours, dès lors que la décision de retrait de la liste des traducteurs

jurés, à défaut de pouvoir être considérée comme un acte relatif aux marchés publics, n'est pas visée, selon lui, à

l'article 14, § 1er, alinéa 1er, 2°, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973 (ci-après : les lois

coordonnées sur le Conseil d'État). Par l'arrêt n° 229.577 du 16 décembre 2014, le Conseil d'État suspend la

décision d'omettre la partie requérante de la liste des traducteurs jurés. L'État belge se pourvoit en cassation contre

cet arrêt et ce dernier est cassé par la Cour de cassation, qui juge que le Conseil d'État n'était pas compétent pour

connaître de la demande (Cass., 29 septembre 2017, C.15.0043.F).

L'affaire revient devant le juge a quo. Les parties requérantes devant le juge a quo maintiennent que le

Conseil d'État est compétent pour connaître de la contestation d'une décision de retrait de la liste des traducteurs

jurés car cette décision doit être considérée comme un acte relatif aux marchés publics au sens de l'article 14,

§ 1er, alinéa 1er, 2°, des lois coordonnées sur le Conseil d'État. Elles soutiennent en outre que le président du

Tribunal de première instance francophone de Bruxelles aurait dû organiser une procédure de mise en concurrence,

conformément à la législation relative aux marchés publics. Pour ces motifs, les parties requérantes demandent au

...

Pour continuer la lecture

SOLLICITEZ VOTRE ESSAI

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT