Décision judiciaire de Conseil d'État, 16 décembre 2014

Date de Résolution16 décembre 2014
JuridictionXI
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

A R R Ê T

nº 229.577 du 16 décembre 2014

A. 213.746/XI-20.404

En cause : 1. BENHACHEM Nadia, 2. la S.P.R.L. SARIAA, ayant élu domicile chez

Me M. UYTTENDAELE, avocat, rue de la Source 68 1060 Bruxelles,

contre :

1. l’Etat belge, représenté par le Ministre de la Justice,

2. le Président du tribunal de première instance de Bruxelles, ayant élu domicile chez Me B. RENSON, avocat, rue Père Eudore Devroye 47 1040 Bruxelles.

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LE PRÉSIDENT F.F. DE LA XI e CHAMBRE SIÉGEANT EN RÉFÉRÉ,

I. OBJET DE LA REQUETE

Par une requête envoyée par courrier recommandé le 19 septembre 2014, les parties requérantes postulent la suspension de l’exécution de :

- «la décision prise le 25 juillet 2014 par le Président du tribunal de première instance de Bruxelles d’omettre [la première d’entre-elles] de la liste des traducteurs interprètes auprès du tribunal de première instance de Bruxelles» (premier acte attaqué); - «et pour autant que de besoin la décision de date inconnue prise par la même autorité de faire interdiction à des traducteurs assermentés dans un arrondissement judiciaire d’exercer leur activité dans un autre arrondissement judiciaire» (second acte attaqué).

II. PROCEDURE DEVANT LE CONSEIL D'ETAT

Le dossier administratif a été déposé.

R XI - 20.404 - 1/16

Les parties adverses ont déposé une note d’observations.

M. le premier auditeur Chr. AMELYNCK a rédigé un rapport, sur la base de l'article 12 de l’arrêté royal du 5 décembre 1991 déterminant la procédure en référé devant le Conseil d’Etat.

Ce rapport a été notifié aux parties.

Une ordonnance du 13 novembre 2014, notifiée aux parties, a fixé l'affaire à l'audience de la XIe chambre du 25 novembre 2014 à 10 heures 30. L’affaire a ensuite été remise à l’audience du 4 décembre 2014 à 11 heures par courrier du 20 novembre 2014.

M. le président de chambre f.f. Y. HOUYET a fait rapport.

Me M. UYTTENDAELE, avocat, comparaissant pour les parties requérantes, et Me B. RENSON, avocat, comparaissant pour les parties adverses, ont présenté leurs observations.

M. le premier auditeur Chr. AMELYNCK a été entendu en son avis contraire.

Les dispositions relatives à l'emploi des langues, énoncées au titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973, ont été appliquées.

III. FAITS

  1. Le 27 avril 1999, la première partie requérante demande au président du tribunal de première instance de Bruxelles à être agréée en qualité de traducteur juré.

  2. La première partie requérante est admise en cette qualité par une décision de la «commission d’agréation des traducteurs jurés du tribunal de première instance de Bruxelles» du 20 septembre 1999. Elle prête serment le 1er décembre 1999.

  3. A la suite d’une dénonciation du 4 mars 2013, le président du tribunal de première instance francophone de Bruxelles adresse à la première partie requérante une lettre rédigée comme suit, le 17 mars 2014:

    Vous êtes actuellement inscrite sur la liste des traducteurs/interprètes agréées par notre tribunal, et ce pour la langue arabe.

    En sus de votre activité de traductrice/interprète, il semblerait que vous bénéficiez d’un statut de fonctionnaire de l’Etat, puisque vous êtes apparemment employée à la R.T.B.F. en tant qu’assistante.

    R XI - 20.404 - 2/16

    Or, il nous revient que fréquemment, vos prestations en qualité de traductrice/interprète seraient dans les faits effectuées durant vos heures de services à la R.T.B.F., si ce n’est durant des périodes de congés pour maladie ou encore des congés parentaux, le tout en bénéficiant d’une rémunération complète pour ces prestations. Ces constatations méritent un mot d’explication de votre part.

    Je vous invite donc à me faire part, par retour de courrier, de vos commentaires au sujet de ce qui précède.

  4. Le 23 mars 2014, la première partie requérante répond dans les termes qui suivent :

    […] je vous confirme qu’effectivement, je suis employée à la R.T.B.F. Je vous informe tout d’abord que je suis diplômée en traduction à l’université de Mons-Hainaut (D.E.S. en traduction, arabo-français).

    Pour exercer ma fonction d’interprète, j’ai choisi de faire cela en activité complémentaire en plus de mon travail à la R.T.B.F. Pour travailler comme traductrice-interprète pour le compte de la police fédérale ou pour celui de toute instance judiciaire, je suis parfaitement consciente que je ne peux prester ces activités qu’en dehors de mes heures de service pour le compte de la R.T.B.F., raison pour laquelle j’ai déposé une demande de cumul en bonne et due forme afin de pouvoir exercer ces fonctions dans certaines plages horaires, en sus des jours de congés que je prends quand je suis sollicitée par la justice.

    Je vous informe en outre qu’à plusieurs reprises j’ai pris des congés sans solde, des congés annuels, des congés complets de pauses carrières et j’ai travaillé à mi-temps sans solde ce qui m’a permis de concilier mon travail à la R.T.B.F. et mon travail en traduction. Veuillez noter également que je travaillais dans un régime de mi-temps entre 2007 et 2011. Afin de combiner au mieux mes deux activités professionnelles, j’arrangeais mes horaires en accord avec mes supérieurs hiérarchiques de la R.T.B.F. pour que ma fonction d’interprète ne nuise pas au bon déroulement de mon travail à la R.T.B.F.

    Il m’arrivait également, lorsque je travaillais plein temps à la R.T.B.F., de travailler très tôt pour la police fédérale avant d’aller travailler de l’autre côté ou, inversement, de partir travailler après mon travail à la R.T.B.F, c’est-à-dire au-delà de 17h lorsque nécessaire.

    J’ai pris également mes congés parentaux en 2007 et 2013, en prenant bien soin de vérifier que je ne contrevienne à aucune règle. De fait, l’ONEm signale clairement qu’il n’y a aucune interdiction pour autant que certaines conditions soient remplies, je cite :

    Quels sont les revenus cumulables avec l’allocation accordée dans le cadre du congé parental ? “L’allocation d’interruption peut être cumulée, sous certaines conditions, avec les revenus provenant soit de l’exercice d’un mandat politique, soit d’une activité accessoire salariée déjà exercée durant les 3 mois qui précèdent votre congé parental. Uniquement, en cas d’interruption complète, l’allocation peut être cumulée avec les revenus provenant de l’exercice d’une activité indépendante pendant une période maximale d’un an”.

    Par contre je ne me souviens pas avoir presté pendant mes jours de congé de maladie.

    R XI - 20.404 - 3/16

    J’attire votre attention sur le fait que je suis très demandée en traduction du fait que j’ai acquis la confiance des enquêteurs avec qui je travaille par la qualité de mon travail, raison pour laquelle qu’ils font appel à moi très fréquemment.

    Enfin, permettez-moi d’ajouter que j’élève seule deux enfants, que je ne perçois aucune pension alimentaire du papa et que je me trouve par conséquent contrainte de jongler avec mes deux fonctions professionnelles pour pouvoir m’en sortir financièrement.

    D’ailleurs, à cet égard, force m’est de constater que le travail en tant qu’indépendante en traduction me permet de mieux concilier ma vie de famille et ma vie professionnelle, et c’est pour cette raison que je suis en pause carrière actuellement jusqu’au mois de septembre 2014. Au vu de cette donnée, cette interruption de carrière pourrait se voir prolongée si la R.T.B.F. m’y autorise

    .

  5. Le 25 juillet 2014, le président du tribunal de première instance francophone de Bruxelles écrit ce qui suit à la première partie requérante :

    Mettant à profit l’accalmie que procurent les “vacances” judiciaires, je réponds à votre courrier du 23 mars dernier.

    Je vous remercie d’excuser le retard mis à cette réaction.

    Les explications que vous me fournissez paraissent très nébuleuses.

    A ceci s’ajoute, d’une part, votre statut de gérante de la société à qui les prestations sont facturées et, d’autre part, la circonstance que vous habitez Liège, ce qui entraîne le paiement de frais de déplacement inutiles.

    En conséquence, il a été décidé de vous omettre de la liste des traducteurs/interprètes agréés auprès de notre tribunal. Vous ne pouvez donc plus effectuer de prestations en cette qualité

    .

    Il s’agit du premier acte attaqué.

    IV. RECEVABILITE DU RECOURS

    IV.1. Les arguments des parties

    IV.1.1. La requête

    1. Concernant la compétence du Conseil d’Etat, les parties requérantes exposent qu’il est «possible de considérer qu’en établissant [l]es listes [de traducteurs/interprètes agréés] et en omettant certains qui y figurent, le président du tribunal de première instance francophone de Bruxelles agit...

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