Règles propres à la vente d' immeubles d' habitation à construire ou en voie de construction
Auteur | Marc Dogniez; Frédéric Ledain |
Occupation de l'auteur | Avocats au Barreau de Liège |
Pages | 119-144 |
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La vente d'habitations à construire ou en voie de construction est réglementée par une loi du 9 juillet 1971 appelée communément loi Breyne, du nom de l'auteur du projet de loi, alors Ministre de la famille et du logement.328
Cette loi de 1971 a subi un certain nombre de modifications apportées par une loi du 3 mai 1993.329
La loi du 3 mai 1993 étendra tout d'abord le champ d'application de la loi Breyne à certaines conventions ayant pour objet la vente d'un bien lorsque cette vente est accompagnée d'un engagement de réaliser des travaux d'agrandissement et de transformation de ce bien, ainsi qu'à certaines conventions d'études préalables et de médiation.
La loi du 3 mai 1993 apportera également certains amendements à la loi originaire afin d'accroître la protection du candidat acquéreur, principalement en terme d'information, de détermination du prix et de modalités de fixation des paiements par tranches pouvant intervenir.330
Ces dispositions légales visant à protéger les candidats acquéreurs du type d'immeubles visés par la loi sont impératives.331
Dès lors, les parties ne peuvent pas convenir d'y déroger dans le cadre de leurs conventions, sauf à prévoir des garanties plus importantes encore pour le candidat acquéreur.
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Ces dispositions impératives sont sanctionnées par un régime de nullités, le non respect des dispositions relatives aux paiements étant en outre sanctionné pénalement.332
Il s'en suit que les conventions rentrant dans le champ d'application de la loi Breyne sont régies par les dispositions du Code Civil relatives à la vente ou au louage d'ouvrage selon le type d'opération conclue, sous réserve des dérogations impératives édictées par la loi.333
La loi vise différents types de conventions portant sur des immeubles à construire ou en voie de construction334 dont certaines excèdent le cadre strict de la vente.
Sont ainsi concernées 335 :
* Les conventions ayant pour objet le transfert de la propriété d'une maison ou d'un appartement à construire ou en voie de construction.336
* Les conventions ayant pour objet un transfert de propriété et portant engagement de construire ou d'agrandir une maison ou un appartement lorsque le prix total des travaux de transformation ou d'agrandissement est supérieur à un montant fixé par arrêté royal.337
* Mais également les conventions portant engagement de construire, de faire construire ou de procurer un tel immeuble.
Ces deux dernières catégories visent les promoteurs immobiliers.
Enfin, depuis 1993, certaines conventions d'études préparatoires ou de médiation sont également régies par la loi Breyne.
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Les exceptions : plusieurs exceptions existent cependant.338
Nous retiendrons ici que la loi ne s'applique pas aux acquisitions effectuées par un professionnel de l'immobilier, c'est-à-dire par un acquéreur ou un maître de l'ouvrage dont l'activité habituelle consiste à construire ou à faire construire des maisons ou des appartements en vue de les céder à titre onéreux, étant par ailleurs précisé que toute convention conclue par cet acquéreur ou maître de l'ouvrage est censée, de manière irréfragable339, l'être dans le cadre de son activité habituelle.340
Les agents immobiliers, promoteurs immobiliers et autres entrepreneurs ne bénéficient donc pas de la protection de la loi lorsqu'ils sont eux-mêmes acheteurs ou maîtres de l'ouvrage et peu importe que l'acquisition ou la construction soit effectuée par eux à titre professionnel ou à titre particulier.
Par contre, la loi sera applicable dans l'hypothèse où un particulier achète ou fait construire avec l'idée de revendre ensuite le bien et d'effectuer de la sorte une plus-value si cette opération ne s'inscrit pas dans le cadre de l'exercice des ses activités habituelles.
A noter également que la loi ne s'applique pas non plus aux conventions ayant pour objet une étude préparatoire portant sur les travaux visés ci-dessus, à condition que la convention contienne une description des travaux sur lesquels porte l'étude ainsi qu'un relevé des besoins de l'acquéreur ou du maître de l'ouvrage.
En outre, le coût de cette étude ne doit pas être supérieur à 2 % du coût prévu de la construction et l'acquéreur ou le maître de l'ouvrage devra toujours disposer d'un délai de réflexion de sept jours au moins avant que la convention ne devienne définitive.
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Cela étant précisé, il faut insister sur le fait que la loi ne s'applique qu'aux conventions portant sur des immeubles à construire ou en voie de construction (1) et qui imposent dans leur globalité au vendeur/constructeur de mener la construction de la maison ou de l'appartement à bonne fin341 (2).
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La loi ne s'appliquera donc pas à une convention portant sur une maison ou sur un appartement achevé au jour de la conclusion de la convention.342
Cette notion d'achèvement, qui est une notion de pure fait, a fait couler beaucoup d'encre notamment quant à la question de savoir si elle se confond avec la notion d'habitabilité normale du bien343.
Ce qu'il faut retenir, c'est que sans qu'il faille nécessairement effectuer un parallèle parfait entre «achèvement» et «habitabilité normale», c'est la possibilité effective d'occuper, d'habiter le bien qui importe.
Si l'immeuble faisant l'objet de la vente est achevé et peut être occupé sous la seule réserve de menus travaux de finitions au jour de la signature de la convention, on admettra que la loi ne trouve pas à s'appliquer.
Par contre, si des travaux dont l'absence rendrait précaire l'occupation du bien doivent encore être réalisés au moment de la vente, la loi sera d'application.
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La loi ne s'appliquera également pas si la vente porte, par exemple, sur un gros oeuvre fermé et si le vendeur/constructeur ne s'est pasPage 123 engagé à achever la construction de la maison ou de l'appartement concerné en vue d'assurer son habitabilité normale.
Ainsi, si la vente porte sur un immeuble en cours de construction mais que parallèlement le vendeur ne s'engage pas à l'achever, la loi Breyne ne s'appliquera pas.
La question qu'il faut se poser pour savoir si la loi Breyne est d'application est donc de savoir si la convention, au moment où elle est conclue, porte sur la construction d'un immeuble alors inachevé mais344 pouvant être habité à l'issue des travaux faisant l'objet de la convention.
Ce principe doit cependant être appliqué raisonnablement.
Ainsi, la loi restera-t-elle applicable en cas de vente d'un immeuble en construction pour laquelle le vendeur s'est parallèlement engagé à réaliser la majeure partie des travaux devant encore être exécutés, tandis que l'acquéreur s'est réservé la réalisation de certains travaux de parachèvement tel la pose de carrelage ou de tapis et la réalisation de menuiseries intérieures.
Pour que la loi trouve à s'appliquer aux types de conventions énumérées ci-dessus, il faut en outre que les conditions suivantes soient rencontrées cumulativement345 :
* La convention doit tout d'abord porter sur une maison ou sur un appartement situé en Belgique.
* Ensuite, la maison ou l'appartement doivent être destinés à l'usage d'habitation ou à l'usage professionnel et d'habitation pour autant que l'usage d'habitation soit effectif.
Il ne faut donc pas que la destination d'habitation soit purement accessoire ou occasionnelle.
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Il n'est cependant pas requis que la maison ou l'appartement serve à l'habitation de l'acquéreur.
Il peut donc s'agir de l'acquisition d'un immeuble à titre d'investissement, à condition qu'il soit ensuite donné en location à un tiers à usage d'habitation ou à usage professionnel et d'habitation.
En ce qui concerne les annexes à l'appartement où à la maison faisant l'objet de la convention346, elles suivront le sort de ces derniers pour autant qu'il existe un lien entre eux découlant de la volonté des parties de les inclure dans la convention portant sur l'acquisition de la maison ou de l'appartement d'habitation.
* Enfin, la convention doit prévoir que l'acheteur ou le maître de l'ouvrage est tenu d'effectuer un ou plusieurs versements avant l'achèvement de la construction et ce, quelle que soit la qualification donnée au payement, au versement.347
Si les autres conditions d'application sont remplies, le candidat acquéreur sera donc protégé dès qu'il est prévu qu'il doit effectuer le moindre versement, le moindre payement avant l'achèvement de la construction.
Par contre, s'il ne doit rien verser avant l'achèvement de la...
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