L'acquisition d'un bien immobilier et le respect des baux en cours

AuteurMarc Dogniez; Frédéric Ledain
Occupation de l'auteurAvocats au Barreau de Liège
Pages93-118

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Dans quelle mesure l'acquéreur doit-il respecter les baux portant sur le bien vendu ?

Lorsque l'immeuble faisant l'objet de la vente a été préalablement donné en location en tout ou en partie par le vendeur à un tiers locataire, se pose la question de savoir dans quelle mesure l'acquéreur doit respecter ces baux.

Une convention, notamment de bail, ne crée normalement de droits et obligations que pour les parties à cette convention.225

L'acquéreur d'un immeuble, tiers à la convention de bail passée entre l'ancien propriétaire et le locataire ne peut dès lors normalement pas se voir opposer des obligations découlant de cette convention de bail à laquelle il n'est pas partie, sauf s'il l'accepte expressément par une clause spéciale insérée dans le compromis et dans l'acte authentique de vente.

Par ailleurs, diverses dispositions légales obligent dans certains cas l'acquéreur à respecter le bail préexistant.

Quelles sont tout d'abord les règles applicables en droit commun de la location ?

Les textes légaux

En droit commun du louage de chose, il est prévu que si le bailleur vend la chose louée, l'acquéreur ne peut expulser le fermier ou le locataire qui a un bail authentique ou dont la date est certaine à moins qu'il ne se soit réservé ce droit par le contrat de bail.226

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Quand un bail a-t-il date certaine ?

Les actes sous seing privé, c'est-à-dire les actes qui ne sont pas reçus devant notaire acquièrent date certaine non seulement du jour où ils ont été enregistrés mais également du jour de la mort de celui ou de l'un de ceux qui les ont souscrits - par exemple le décès du père de l'actuel bailleur avec lequel la bail avait été conclu - ou encore à dater du jour où leur substance est constatée par un officier public, ce qui serait le cas d'un bail ayant fait l'objet d'une convention sous seing privé coulée ultérieurement dans un acte authentique reçu par un notaire.227

Les actes authentiques établis par notaires ont pour leur part date certaine au jour de leur réception par le notaire.

Attention cependant que l'effet de la date certaine du bail originaire ne s'étend normalement pas au bail renouvelé.

De même, la simple connaissance du bail par l'acquéreur n'a pas pour effet de le lui rendre opposable, de sorte qu'est sans incidence, la mention faite dans l'acte d'achat que l'acquéreur déclare avoir connaissance du bail consenti par le vendeur.

Il faut également noter que les baux de plus de neuf ans doivent faire l'objet d'une transcription auprès de la Conservation des Hypothèques, ce qui implique qu'ils doivent être reçus par notaire.228

Ainsi, en droit commun, un bail qui n'a pas date certaine est inopposable à l'acquéreur qui peut dès lors expulser le locataire.

Il devra cependant, pour ce faire, postuler du juge de paix un jugement d'expulsion.

Dans ce cadre, le juge de paix peut en fonction des circonstances, accorder un délai de grâce au locataire.229

En ce qui concerne l'enregistrement des baux, la première loi programme du 27 décembre 2006 prévoit un certain nombre de dispositions importantes.230

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Tout d'abord, les contrats de bail présentés à l'enregistrement à partir du premier janvier 2007 jusqu'au 30 juin 2007 sont enregistrés gratuitement, peu importe qu'ils soient datés d'avant ou d'après le premier janvier 2007. De même, pour ces actes, il n'est pas dû d'amende pour présentation tardive à l'enregistrement.231

Il est également prévu que sur base d'une évaluation devant être réalisée au cours du mois d'avril 2007, le Roi peut remplacer la date du 30 juin 2007 par la date du 30 septembre 2007.

Par ailleurs, à partir du premier juillet 2007 l'obligation d'enregistrement du contrat de bail repose sur le bailleur, les frais liés à un enregistrement tardif éventuel étant entièrement à charge du bailleur. Cependant, si sur base de l'évaluation susvisée, le roi remplace la date du 30 juin 2007 par celle du 30 septembre 2007, il devra également remplacer la date du premier juillet 2007 par la date du premier octobre 2007.232

Les conventions des parties : cela étant, le vendeur/bailleur et l'acquéreur peuvent parfaitement convenir dans le cadre du compromis et de l'acte de vente que l'acquéreur devra respecter le contrat de bail.

Une telle clause s'appelle une clause de respect de bail.

Le vendeur/bailleur a intérêt à prévoir une telle clause dans la mesure où, à défaut, il est susceptible d'engager sa responsabilité à l'égard du locataire qui se verrait expulsé suite à la vente de l'immeuble.

Application : sauf insertion d'une telle clause de respect du bail dans les conventions de vente, le bail d'une durée n'excédent pas neuf ans conclu par le vendeur n'est donc opposable à l'acquéreur que si le bail est un bail authentique et donc reçu par notaire ou si le bail a date certaine avant que le contrat de vente ait lui-même acquis date certaine233 et que le vendeur et le locataire n'ont pas prévu dans le contrat de bail que bien que se trouvant dans l'un de ces deux cas, l'acquéreur aura la faculté de ne pas respecter le bail en cours.

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Si le bail est d'une durée supérieure à neuf ans, c'est sa transcription234qui le rendra opposable à l'acquéreur pour toute sa durée.

Si ce bail de plus de neuf ans a bien date certaine mais qu'il n'a pas été transcrit avant que la vente ne le soit elle-même, il ne sera opposable à l'acquéreur que pour la période de neuf ans en cours au jour de la vente.235

S'il n'a été ni transcrit ni enregistré, le bail sera inopposable à l'acquéreur.

Dans tous les cas, le bailleur peut cependant réserver dans le contrat de bail la faculté d'expulser le locataire en cas de vente du bien et le locataire qui aurait accepté l'insertion d'une telle clause ne pourrait s'opposer à sa mise en oeuvre.

Quelles sont les règles applicables aux baux relatifs à la résidence principale du preneur ?

Dispositions impératives : les baux portant sur le logement que le locataire affecte dès l'entrée en jouissance à sa résidence principale et ce, de l'accord exprès ou tacite du bailleur, font l'objet de règles particulières.236

Ces règles sont impératives sauf si, pour la règle concernée, le texte en dispose autrement.

Cela veut dire que, sauf si le texte l'autorise expressément, les parties ne peuvent pas déroger à ces règles dans le cadre de leurs conventions, si ce n'est pour prévoir une protection encore plus étendue du locataire.237

Principes applicables lorsque le contrat de bail a date certaine : la règle de base prévoit que si le bail a acquis date certaine antérieurement à l'aliénation du bien loué, l'acquéreur est subrogé aux droits etPage 97 obligations du bailleur à la date de la passation de l'acte authentique, même si le bail réserve la faculté d'expulsion en cas d'aliénation.238

Cela veut donc dire qu'à partir de ce moment, l'acquéreur bénéficie automatiquement des droits, mais qu'il se voit également imposer les obligations du contrat de bail passé par le vendeur avec le locataire.

Il bénéficiera également des droits mais devra corrélativement respecter les obligations qui découlent de la loi.

Ainsi, il sera notamment en droit de percevoir les loyers et il pourra exiger du locataire à la fin du bail une indemnité pour dégâts locatifs si le bien ne lui est pas restitué en bon état locatif.

De même, s'il veut mettre fin au bail de manière anticipative, il devra respecter les dispositions impératives de la loi qui, comme nous le verrons, autorisent sous certaines conditions le bailleur à donner congé, soit pour occupation personnelle, soit pour effectuer des travaux de transformation, soit sans motif mais moyennant le payement d'une indemnité et en respectant un préavis de 6 mois.239

Principes applicables lorsque le contrat de bail n'a pas date certaine : la loi impose également à l'acquéreur de respecter le bail qui n'a pas date certaine antérieurement à l'aliénation240 si le preneur occupe le bien loué depuis 6 mois au moins.241

La preuve de cette occupation peut être rapportée par toutes voies de droit dont au premier chef par le payement des loyers.

Dans ce cas, l'acquéreur peut cependant mettre fin au bail à tout moment pour les motifs et dans les conditions visées à l'article 3 § 2, 3 et 4 de la loi242 mais moyennant un congé de trois mois seulement notifié au preneur dans les trois mois qui suivent la passation de l'acte authentique constatant la mutation de la propriété.243

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Passé ce délai, l'acquéreur devra, pour pouvoir mettre fin au bail, respecter intégralement les délais et conditions spécifiques prévus aux paragraphes 2 à 4 de l'article 3 de la loi.

Par contre, l'acquéreur ne devra pas respecter les...

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