Extrait de l'arrêt n° 85/2021 du 10 juin 2021 Numéros du rôle : 7387, 7388 et 7389 En cause : les recours en annulation partielle de la loi du 20 décembre 2019 « modifiant diverses législations

Extrait de l'arrêt n° 85/2021 du 10 juin 2021

Numéros du rôle : 7387, 7388 et 7389

En cause : les recours en annulation partielle de la loi du 20 décembre 2019 « modifiant diverses législations, en ce qui concerne les pénuries de médicaments » (ajout ou modification des articles 6, § 1ersexies, 12septies et 12quinquies de la loi du 25 mars 1964 « sur les médicaments »), introduits par l'ASBL « Belgian Association of Parallel Importers and Exporters » et autres et par Mukendi Kabeya et autres.

La Cour constitutionnelle,

composée des présidents L. Lavrysen et F. Daoût, et des juges P. Nihoul, T. Giet, J. Moerman, T. Detienne et D. Pieters, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président L. Lavrysen,

après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :

  1. Objet des recours et procédure

    1. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 29 avril 2020 et parvenue au greffe le 30 avril 2020, un recours en annulation des articles 2, 3 et 4 de la loi du 20 décembre 2019 « modifiant diverses législations, en ce qui concerne les pénuries de médicaments » (ajout ou modification des articles 6, § 1ersexies, 12septies et 12quinquies de la loi du 25 mars 1964 « sur les médicaments »), publiée au Moniteur belge du 3 février 2020, a été introduit par l'ASBL « Belgian Association of Parallel Importers and Exporters », la SPRL « BELDIMED », la SA « DISTRIPHAR », la SPRL « ECO.PHARMA.SUPPLY », la SA « EURO-MEDIC », la SPRL « GRACOPA », la SRL « NADIMED », la SPRL « TOBUFAR » et Frank Bels, assistés et représentés par Me P. Vande Casteele, avocat au barreau d'Anvers, et Me D. Vandenbulcke, avocat au barreau de Bruxelles.

    2. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 29 avril 2020 et parvenue au greffe le 30 avril 2020, un recours en annulation des articles 2 et 3 de la même loi a été introduit par Mukendi Kabeya, Annic Gryson, Giancarlo Davite, la société de droit rwandais « Kipharma Ltd », Georges Munguakonkwa Mutombo et Gauthier Unzola Bangala, assistés et représentés par Me P. Vande Casteele et Me D. Vandenbulcke.

    3. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 29 avril 2020 et parvenue au greffe le 30 avril 2020, un recours en annulation de l'article 4 de la même loi a été introduit par Mukendi Kabeya, Annic Gryson, Giancarlo Davite, la société de droit rwandais « Kipharma Ltd », Georges Munguakonkwa Mutombo, Gauthier Unzola Bangala, Christiane Bellens et Frank Bels, assistés et représentés par Me P. Vande Casteele et Me D. Vandenbulcke.

    Par la même requête ou par requête séparée, les parties requérantes demandaient également la suspension partielle de la loi attaquée. Par l'arrêt n° 111/2020 du 16 juillet 2020, publié au Moniteur belge du 27 janvier 2021, la Cour a rejeté les demandes de suspension.

    Ces affaires, inscrites sous les numéros 7387, 7388 et 7389 du rôle de la Cour, ont été jointes.

    (...)

  2. En droit

    (...)

    Quant à l'étendue des recours en annulation

    B.1.1. Les parties requérantes dans l'affaire n° 7387 demandent l'annulation des articles 2, 3 et 4 de la loi du 20 décembre 2019 « modifiant diverses législations, en ce qui concerne les pénuries de médicaments » (ci-après : la loi du 20 décembre 2019). Les parties requérantes dans l'affaire n° 7388 demandent l'annulation des articles 2 et 3 de la même loi. Les parties requérantes dans l'affaire n° 7389 demandent l'annulation de l'article 4 de cette loi.

    B.1.2. La Cour doit déterminer l'étendue du recours en annulation à partir du contenu de la requête et en particulier sur la base de l'exposé des moyens. La Cour limite dès lors son examen aux dispositions contre lesquelles des moyens sont dirigés.

    B.1.3. Il ressort de l'exposé des moyens que les parties requérantes dans les affaires nos 7387 et 7388 ne visent pas l'intégralité de l'article 2, mais exclusivement l'article 2, 2°, de la loi du 20 décembre 2019. La Cour limite dès lors l'examen des recours aux articles 2, 2°, 3 et 4 de cette loi.

    Quant à la recevabilité des moyens

    B.2.1. Le Conseil des ministres conteste la recevabilité de plusieurs moyens, à défaut d'exposer en quoi certaines normes seraient violées. En outre, les moyens ne seraient pas recevables en ce qu'ils sont pris de la violation de normes qui ne relèvent pas de la compétence de la Cour.

    B.2.2. La Cour est compétente pour contrôler des normes de nature législative au regard des règles répartitrices de compétences entre l'Etat fédéral, les communautés et les régions, ainsi qu'au regard des articles du titre II (« Des Belges et de leurs droits ») et des articles 143, § 1er, 170, 172 et 191 de la Constitution.

    Tous les griefs sont pris de la violation d'une ou de plusieurs règles dont la Cour garantit le respect.

    En ce que les parties requérantes invoquent en outre des dispositions conventionnelles et des actes législatifs de l'Union européenne, la Cour ne les examine que pour autant que les parties requérantes dénoncent la violation des dispositions constitutionnelles précitées, lues en combinaison avec les dispositions et actes visés. Dans cette mesure, les griefs sont recevables.

    B.2.3. Pour satisfaire aux exigences de l'article 6 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, les moyens de la requête doivent faire connaître, parmi les règles dont la Cour garantit le respect, celles qui seraient violées ainsi que les dispositions qui violeraient ces règles et exposer en quoi ces règles auraient été transgressées par ces dispositions.

    Les moyens invoqués par les parties requérantes dans les affaires nos 7387, 7388 et 7389 ne répondent que partiellement à ces exigences, dès lors que certains griefs sont très sommaires et ambigus.

    La Cour examine les moyens pour autant qu'ils répondent aux exigences précitées.

    Quant aux dispositions attaquées

    B.3.1. Les articles 2, 3 et 4 de la loi du 20 décembre 2019, qui modifient ou complètent la loi du 25 mars 1964 « sur les médicaments » (ci-après : la loi du 25 mars 1964), disposent :

    Art. 2. A l'article 6, § 1ersexies, de la loi du 25 mars 1964 sur les médicaments, les modifications suivantes sont apportées :

    1° l'alinéa 2 est complété par ce qui suit :

    ', et contient également la cause exacte de l'arrêt temporaire. Toute notification mentionnant une cause ou une durée manifestement inexacte ou toute notification incomplète est assimilée à la non-exécution de la notification visée au présent alinéa. ';

    2° un alinéa rédigé comme suit est inséré entre les alinéas 2 et 3 :

    ' La notification visée à l'alinéa 2 a lieu également lorsque les livraisons visées à l'article 12quinquies, alinéa 2, aux grossistes-répartiteurs ou aux personnes habilitées à délivrer des médicaments au public sont interrompues ou lorsque les quantités demandées dans le cadre de l'obligation de livraison visée à l'article 12quinquies, alinéa 2, ne sont pas ou pas complètement livrées. Cette situation est assimilée à un arrêt temporaire. '.

    Art. 3. L'article 12septies de la même loi est complété par un alinéa 2 rédigé comme suit :

    ' Le Roi fixe la procédure et les conditions selon lesquelles il peut être décidé de limiter temporairement, voire d'interdire les exportations d'un médicament à la suite d'un arrêt notifié ou constaté conformément à l'article 6, § 1ersexies. '.

    Art. 4. A l'article 12quinquies de la même loi, inséré par la loi du 1er mai 2006, les modifications suivantes sont apportées :

    1° un alinéa rédigé comme suit est inséré entre les alinéas 1er et 2 :

    ' Dans le cadre de l'obligation visée à l'alinéa 1er, en ce qui concerne les médicaments à usage humain, les distributeurs en gros d'un médicament visés à l'alinéa 1er livrent tous les médicaments dans les trois jours ouvrables aux grossistes-répartiteurs, pour autant que cette livraison s'inscrive dans le cadre du respect de leurs obligations de service public, et aux personnes habilitées à délivrer des médicaments au public. ';

    2° l'alinéa 2, qui devient l'alinéa 3, est complété par la phrase suivante :

    ' Le Roi fixe au moins les modalités de l'obligation de livraison visée à l'alinéa 2 et les modalités de contrôle du respect de cette obligation. '

    .

    B.3.2. Les dispositions attaquées portent sur l'organisation de la chaîne de distribution des médicaments, prévue par la loi du 25 mars 1964. Par cette loi, le législateur tend à régler strictement la distribution de médicaments dans le but de protéger la santé des patients en Belgique. Cette protection procède du souci de veiller à satisfaire les besoins en médicaments des patients en Belgique.

    B.3.3. La loi du 25 mars 1964 soumet les acteurs de l'ensemble de la chaîne de production, jusqu'à la délivrance de médicaments, à un régime d'autorisation strict et à des conditions, de manière à ce qu'ils ne puissent pas distribuer de médicaments en dehors de l'organisation légale de la chaîne. Les entreprises pharmaceutiques qui fabriquent des médicaments en Belgique doivent disposer d'une autorisation de fabrication (article 12bis de la loi du 25 mars 1964). Les fabricants ne peuvent mettre des médicaments sur le marché belge que moyennant une autorisation : une autorisation belge de mise sur le marché, en abrégé l'AMM, ou une autorisation européenne équivalente. Le lien légal entre le fabricant (titulaire de l'AMM) des médicaments mis sur le marché et le pharmacien (fournisseur final) qui délivre finalement les médicaments au patient (utilisateur final) est en principe constitué par un grossiste.

    B.3.4. Le grossiste en médicaments à usage humain exerce une activité qui consiste à se procurer, à détenir, à livrer ou à exporter des médicaments, à l'exclusion de la délivrance de médicaments au public. Cette activité est réalisée avec des fabricants ou leurs dépositaires, des importateurs, d'autres distributeurs en gros ou avec les pharmaciens et les autres personnes habilitées à délivrer des médicaments au public (article 1er, § 1er, 17), de la loi du 25 mars 1964). Ce grossiste doit disposer d'une autorisation pour la...

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