Décision judiciaire de Conseil d'État, 17 avril 2018

Date de Résolution17 avril 2018
JuridictionXIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

XIIIe CHAMBRE

A R R Ê T

nº 241.245 du 17 avril 2018

A. 222.083/XIII-7989

En cause : la Société privée à responsabilité limitée

MONSERA, ayant élu domicile chez M. Philippe COLLE, gérant, rue Frédérique Lenger 19 6700 Arlon,

contre :

la Ville d'Arlon,

ayant élu domicile chez

Me Etienne ORBAN de XIVRY, avocat, boulevard du Midi 29 6900 Marche-en-Famenne. ------------------------------------------------------------------------------------------------------ I. Objet de la requête

Par une requête introduite le 28 avril 2017, la société privée à responsabilité limitée (S.P.R.L.) MONSERA demande une indemnité réparatrice de 24.602,68 euros à la charge de la ville d'Arlon, à la suite de l'arrêt du Conseil d'État nº 237.742 du 22 mars 2017 annulant le certificat d'urbanisme nº 2 du 23 janvier 2015 de la ville d'Arlon avec appréciation "défavorable", relatif à un bien sis à Arlon, cadastré 3ème division, Autelbas, section A, nº 18g et situé à l'angle de la route de Luxembourg et de la rue du Birel, pour un projet de construction de huit maisons et d'un immeuble d'une dizaine d'appartements.

II. Procédure

Le dossier administratif a été déposé.

Les mémoires en réponse et en réplique ont été régulièrement échangés.

Mme Vinciane FRANCK, premier auditeur au Conseil d'État, a rédigé un rapport sur la base de l'article 25/3 du règlement général de procédure.

Le rapport a été notifié aux parties.

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La partie requérante a déposé un dernier mémoire.

Par une ordonnance du 26 janvier 2018, l'affaire a été fixée à l'audience du 1er mars 2018 à 09.30 heures.

Mme Simone GUFFENS, président de chambre, a exposé son rapport.

M. Philippe COLLE, gérant, comparaissant pour la partie requérante, et Me Natacha DIERCKX, loco Me Etienne ORBAN de XIVRY, avocat, comparaissant pour la partie adverse, ont été entendus en leurs observations.

Mme Valérie MICHIELS, auditeur au Conseil d'État, a été entendue en son avis conforme.

Il est fait application des dispositions relatives à l'emploi des langues, inscrites au titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973.

III. Faits

1. Le 24 février 2011, le Ministre wallon ayant l'Aménagement du territoire dans ses compétences refuse un permis d'urbanisme demandé par la S.P.R.L. MONSERA pour la construction de huit maisons et d'un immeuble de seize appartements sur un bien sis à l'angle de la rue du Birel et de la route du Luxembourg à Arlon.

Par un arrêt nº 225.866 du 17 décembre 2013, le Conseil d'État rejette le recours en annulation introduit par la S.P.R.L. MONSERA contre cette décision (A. 200.056/XIII-5881).

  1. Par un arrêt nº 237.742 du 22 mars 2017 (A. 215.206/XIII-7257), le Conseil d'État annule le certificat d'urbanisme nº 2 défavorable délivré par le collège communal de la ville d'Arlon le 23 janvier 2015 pour un projet de construction de huit maisons et d'un immeuble d'une dizaine d'appartements sur un bien situé à l'angle de la route de Luxembourg et de la rue du Birel. L'annulation est motivée par le dépassement du délai raisonnable pour prendre la décision attaquée.

  2. Une nouvelle demande de certificat d'urbanisme nº 2 introduite par la S.P.R.L. MONSERA est entre-temps réceptionnée le 3 novembre 2016 pour la construction d'un immeuble de neuf appartements, d'une résidence de six appartements et de cinquante et un emplacements de parking, sur le même bien.

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    Une autre demande de certificat nº 2 est introduite le même jour cette fois par la S.P.R.L. LOGEMENT PHILIPPE COLLE pour la construction d'un immeuble de dix-huit appartements et d'un rez de services, toujours sur le même bien.

  3. Le 18 mai 2017, deux décisions implicites de rejet sont acquises en conséquence du silence du collège communal d'Arlon dans les quatre mois suivant les mises en demeure de statuer lui notifiées le 18 janvier 2017.

  4. La S.P.R.L. MONSERA introduit alors un recours en annulation assorti d'une demande d'indemnité réparatrice contre la première décision implicite de rejet (A. 222.370/XIII-8032). Ce recours est toujours pendant devant le Conseil d'État.

    La S.P.R.L. LOGEMENT PHILIPPE COLLE introduit aussi un recours en annulation également assorti d'une demande d'indemnité réparatrice contre la seconde décision implicite de rejet (A. 222.371/XIII-8033). Ce recours est toujours pendant devant le Conseil d'État.

  5. Un certificat d'urbanisme nº 2 défavorable est finalement délivré le 31 mai 2017 par le collège communal d'Arlon contre le projet d'une résidence pour neuf appartements, d'une résidence pour six appartements et de cinquante et un emplacements de parking. Ce certificat, notifié le 7 juin 2017, est attaqué en annulation, recours accompagné d'une demande d'indemnité réparatrice, par la S.P.R.L. MONSERA (A. 222.741/XIII-8079). Ce recours est toujours pendant devant le Conseil d'État.

    Un certificat d'urbanisme nº 2 défavorable est finalement également délivré le 31 mai 2017 par le collège communal contre le projet d'une résidence de dix-huit appartements et un rez de services sur la même parcelle. Ce certificat, notifié le 7 juin 2017, est attaqué en annulation, recours également accompagné d'une demande d'indemnité réparatrice, par la S.P.R.L. LOGEMENT PHILIPPE COLLE (A. 222.742/XIII-8080). Ce recours est toujours pendant devant le Conseil d'État.

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    IV. La demande d'indemnité réparatrice

    IV.1. Thèses des parties

    A. La requête

    La partie requérante avance que le préjudice qu'elle a subi du fait de l'illégalité de l'acte consiste en l'impossibilité d'exploiter le terrain et donc le capital investi. Cette impossibilité est, selon elle, incontestablement la conséquence du certificat d'urbanisme nº 2 annulé par l'arrêt nº 237.742 du 22 mars 2017 car aussi longtemps qu'il n'avait pas été annulé, ce certificat défavorable gardait sa force exécutoire vu l'absence d'effet suspensif de la requête en annulation.

    Elle considère que ce certificat avait pour effets concrets de porter un refus de permis d'urbanisme pendant les deux ans de sa délivrance et de rendre inutile le dépôt d'une nouvelle demande de certificat d'urbanisme nº 2 pour un projet identique ou ayant un lien d'identité important, dès lors que les autorités sont tenues au principe de continuité dans leur action et leurs appréciations, sauf à faire connaître les raisons de leur changement d'opinion. Elle soutient qu'elle a ainsi été empêchée d'entamer quelque démarche que ce soit pour tenter de faire avancer la réalisation de son projet.

    Elle conclut que le lien de causalité entre le préjudice subi et l'illégalité de l'acte annulé est ainsi établi.

    En conséquence, elle demande une indemnité réparatrice dont elle fixe le montant à 24.602,68 € à majorer des intérêts judiciaires.

    Selon elle, il correspond "au pourcentage minimum que rapporte l'exploitation de capitaux investis et, en l'espèce, au montant perdu du fait du capital inexploitable (la valeur du terrain majorée des frais d'acquisition)".

    Elle avance que le préjudice aurait pris cours à la fin du délai raisonnable dans lequel le certificat d'urbanisme nº 2 aurait dû être délivré, soit au 30 août 2014 qui est la date de constitution de la décision implicite de rejet, tandis qu'il se serait achevé lors du dépassement de la durée de la validité de l'appréciation formulée dans la décision explicite, soit début février 2017 (soit deux ans et cinq mois).

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    La partie requérante expose que le montant de 24.602,68 € est le fruit du calcul suivant :

    - 420.635 € (valeur indexée de la parcelle concernée acquise en 2009 par elle-même, la S.P.R.L. LOGEMENT PHILIPPE COLLE et la S.P.R.L. CITA) x 0,833 (bénéfice minimum mensuel à réaliser...

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