Décision judiciaire de Conseil d'État, 16 septembre 2015

Date de Résolution16 septembre 2015
JuridictionXIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ETAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R E T

nº 232.220 du 16 septembre 2015

A. 209.824/XIII-6712

En cause : 1. la Commune de Momignies, 2. GUERIN Dimitri, 3. BOUILLON Réjeane, ayant tous élu domicile chez Mes Jean BOURTEMBOURG et Nathalie FORTEMPS, avocats, rue de Suisse 24 1060 Bruxelles,

contre :

la Région wallonne, représentée par son Gouvernement, ayant élu domicile chez Me Bénédicte HENDRICKX, avocat, rue de Nieuwenhove 14 A 1180 Bruxelles.

Partie intervenante :

la Société anonyme

WINDVISION, ayant élu domicile chez Me Pierre MOËRYNCK, avocat, avenue de Tervueren 34/27 1040 Bruxelles. ------------------------------------------------------------------------------------------------------ LE PRESIDENT F.F. DE LA XIIIe CHAMBRE,

Vu la requête introduite le 19 août 2013 par la commune de Momignies, Dimitri GUERIN et Réjeane BOUILLON en ce qu'ils demandent l'annulation du "permis unique délivré par le Ministre de l'Environnement, de l'Aménagement du territoire et de la Mobilité, le 21 juin 2013, à la S.A. WINDVISION BELGIUM, visant à construire et à exploiter un parc de cinq éoliennes (éoliennes 1, 2, 3, 5 et 6) sur un bien sis aux lieux-dits «Fayi» et «La Plaine par delà l'Arbre» à 6591 Macon/Momignies, l'éolienne 4 étant refusée";

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Vu la requête introduite le 9 septembre 2013 par laquelle la société anonyme (S.A.) WINDVISION demande à être reçue en qualité de partie intervenante;

Vu l'arrêt nº 226.219 du 27 janvier 2014, accueillant la requête en intervention introduite par la S.A. WINDVISION, ordonnant la suspension de l'exécution de l'acte attaqué et réservant les dépens;

Vu la notification de l'arrêt aux parties;

Vu la demande de poursuite de la procédure introduite le 7 février 2014 par la partie adverse;

Vu l'ordonnance du 29 avril 2014 accueillant la requête en intervention introduite par la S.A. WINDVISION dans la procédure au fond;

Vu les mémoires en réponse et en réplique régulièrement échangés;

Vu le mémoire en intervention;

Vu le rapport de Mme VANDERHELST, auditeur au Conseil d'Etat, établi sur la base de l'article 12 du règlement général de procédure;

Vu la notification du rapport aux parties et les demandes de poursuite de la procédure des parties adverse et intervenante ainsi que le dernier mémoire des parties requérantes;

Vu l'ordonnance du 18 mars 2015, notifiée aux parties, les informant que l'affaire sera traitée par une chambre composée d'un membre et fixant celle-ci à l'audience du 20 avril 2015 à 10 heures, date à laquelle l'affaire a été remise à l'audience du 18 juin 2015 à 09.30 heures;

Entendu, en son rapport, M. PAQUES, conseiller d'Etat;

Entendu, en leurs observations, Me N. FORTEMPS, avocat, comparaissant pour les parties requérantes, Me C. HECQ, loco Me B. HENDRICKX, avocat, comparaissant pour la partie adverse, et Mes P. MOËRYNCK et N. DIERCKX, avocats, comparaissant pour la partie intervenante;

Entendu, en son avis conforme, Mme VANDERHELST, auditeur;

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Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973;

Considérant que les faits utiles à l'examen du recours en annulation ont été exposés dans l'arrêt n° 226.219 du 27 janvier 2014 par lequel le Conseil d'Etat a suspendu l'exécution de l'acte attaqué; qu'il convient de s'y référer;

Considérant que les parties requérantes prennent un premier moyen "du défaut de motivation, de l'erreur manifeste d'appréciation, de la violation des principes de bonne administration de précaution et de minutie, de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs, et de l'excès de pouvoir";

qu'elles estiment que ces principes et dispositions ont été violés en ce que les éoliennes autorisées par l'acte attaqué doivent s'implanter et surplomber des terrains appartenant à des personnes privées ou des personnes publiques, tandis que de nombreux chemins d'accès doivent être aménagés et créés et des câbles de raccordement placés sur des terrains privés; qu'elles relèvent que le complément d'étude d'incidences se borne à mentionner que le bénéficiaire de l'acte attaqué dispose d'une promesse de droit de superficie pour les six éoliennes et a conclu des servitudes de passage pour les chemins d'accès et les câbles de raccordement électrique et que ces conventions n'étaient pas produites au dossier de la demande de permis; qu'elles allèguent que si un permis d'urbanisme peut être délivré sous réserve des droits des tiers, à défaut de titre évident, la demande de permis doit contenir une justification de la possibilité effective pour le demandeur de mettre en œuvre le permis qu'il sollicite et que faute pour le bénéficiaire de l'acte attaqué d'avoir joint à la demande de permis la copie des conventions effectivement conclues, la partie adverse ne pouvait pas avoir la certitude que le bénéficiaire de l'acte attaqué aurait bien la possibilité de mettre en œuvre celui-ci; que dans ces circonstances, elles considèrent que le permis ne pouvait manifestement pas être délivré;

Considérant que, dans le mémoire en réplique, les parties requérantes soutiennent que si l'étude d'incidences fait état de ce que la société WINDVISION disposerait d'une promesse de droit de superficie pour implanter les éoliennes, que des servitudes de passage auraient été conclues avec les propriétaires de parcelles traversées par les chemins d'accès et par les câbles de raccordement électrique, ou encore de ce que la société WINDVISION aurait signé des conventions de droit de surplomb pour les parcelles survolées par les pales, il s'agit d'éléments qui n'ont pas été personnellement constatés par l'auteur de l'étude d'incidences, le bureau CSD INGENIEURS s'étant borné à reprendre les affirmations de WINDVISION; qu'elles

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constatent que ces conventions n'étaient pas annexées à l'étude d'incidences, pas plus qu'elles n'ont été déposées au dossier de la demande de permis, comme le reconnaît la Région wallonne elle-même dans son mémoire en réponse;

qu'elles ajoutent que le Conseil d'Etat a déjà considéré qu'une demande de permis n'a de sens que si elle émane ou est introduite au nom du propriétaire, titulaire d'un droit réel ou d'un droit de bâtir et que, si l'autorité compétente n'est pas tenue de vérifier l'exactitude de la qualité indiquée par le demandeur sur le formulaire de permis, elle peut, en cas de doute, exiger que lui soit présenté un titre attestant de la qualité indiquée; qu'elles affirment que lorsque l'autorité sait ou doit savoir que la qualité indiquée ne correspond pas à la réalité, elle ne peut délivrer le permis;

qu'elles estiment enfin justifier d'un intérêt au moyen dénonçant ces irrégularités dès lors que celles-ci sont bien fondées et de nature à entraîner l'annulation du permis attaqué; qu'elles ajoutent que la nécessaire vérification, à l'occasion de l'instruction de la demande de permis, des droits qu'aurait effectivement le demandeur pour mettre celui-ci en œuvre, permet de s'assurer qu'aucune difficulté d'exécution ne surviendra à l'occasion de cette mise en œuvre (chantier entamé mais arrêté, réalisation partielle et méconnaissance du permis du parc éolien...);

Considérant que le rapport final de l'étude d'incidences, tel qu'établi au 14 août 2009, indique ce qui suit (page 15) :

" Les six éoliennes seront toutes implantées sur des parcelles agricoles privées pour lesquelles WINDVISION dispose d'une promesse de droit de superficie pour une durée de 20 ans prolongeable.

WINDVISION a également signé des conventions de droit de surplomb pour les parcelles survolées par les pales des éoliennes, à savoir les parcelles situées dans un rayon de 50 m autour des pieds des éoliennes.

Enfin, des servitudes de passage ont également été conclues avec les propriétaires des parcelles traversées par des chemins d'accès et par les câbles de raccordement électrique";

Considérant que le rapport final du complément d'études, établi au 10 mai 2012, indique également ce qui suit (pages 5-6) :

" Les six éoliennes seront toutes implantées sur des parcelles agricoles privées pour lesquelles WINDVISION dispose d'une promesse de droit de superficie pour une durée de 20 ans prolongeable.

Des servitudes de passage ont également été conclues avec les propriétaires des parcelles traversées par des chemins d'accès et par les câbles de raccordement électrique";

Considérant qu'en vertu de l'article 144 de la Constitution, une contestation portant sur des droits civils, telle une question relative à la propriété d'un bien ou l'étendue d'une servitude, relève de la compétence exclusive des

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tribunaux de l'ordre judiciaire, de sorte que le Conseil d'Etat n'est pas compétent pour en connaître; que le Conseil d'Etat est uniquement compétent pour déterminer si l'autorité a commis une erreur en délivrant un permis d'urbanisme malgré sa connaissance d'un problème concernant des limites de propriétés ou de servitude; qu'un litige de droit civil ne doit être pris en compte par l'administration saisie d'une demande d'autorisation que dans la mesure où il est connu de celle-ci au moment où elle statue et qu'elle peut estimer que son enjeu est de nature à entraver la mise en œuvre d'un projet conforme au bon aménagement des lieux; que le contrôle exercé dans ce cadre par le Conseil d'Etat est limité à l'erreur manifeste d'appréciation et à la qualité de la motivation formelle;

Considérant que les parties requérantes ne prétendent pas être propriétaires d'une parcelle sur laquelle viendrait s'implanter le projet; que les parties requérantes procèdent par pures suppositions et n'apportent pas le moindre début d'indication de ce qu'un litige touchant aux questions de servitudes et de propriété pourrait effectivement surgir;

Considérant que le premier moyen n'est pas fondé;

Considérant que les parties requérantes prennent un deuxième moyen "de la violation de l'article D.29-5 du Code de l'environnement, du défaut de...

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