Décision judiciaire de Conseil d'État, 24 avril 2015

Date de Résolution24 avril 2015
JuridictionVIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R Ê T

nº230.971 du 24 avril 2015

  1. 215.612/VIII-9674

En cause : MAHIYacob, ayant élu domicile chez Me Laure DEMEZ, avocat, avenue Winston Churchill 253/40 1180 Bruxelles,

contre :

la Communauté française, représentée par son Gouvernement, ayant élu domicile chez Me Marc UYTTENDAELE, avocat, rue de la Source 68 1060 Bruxelles.

------------------------------------------------------------------------------------------------------ LE PRÉSIDENT F.F.DE LA VIIIe CHAMBRE DES RÉFÉRÉS,

Vu la requête introduite le 17 avril 2015 par Yacob MAHI tendantà la suspension,selon la procédure d'extrême urgence, de l'exécution de"l'arrêté du Ministre des Sports du 8 avril 2015 décidant la suspension préventive de ses fonctions conformément à l'article 157bis, § 2, de l'Arrêté royal du 22 mars 1969 fixant le statut des membres du personnel directeur et enseignant, du personnel auxiliaire d'éducation, du personnel paramédical des établissements d'enseignement, gardien, primaire, spécialisé, moyen, technique, de promotion sociale et artistique de l'État, des internats dépendant de ces établissements et des membres du personnel du service d'inspection chargé de la surveillance de ces établissements";

Vu l'ordonnance du 17 avril 2015 convoquant les parties à l'audience publique du 23 avril 2015;

Vu la note d'observations et le dossier administratif;

VIIIexturg - 9674 - 1/23

Entendu, en son rapport, Pascale VANDERNACHT, conseiller d'État;

Entendu, en leurs observations, MeLaure DEMEZ, avocat, comparaissant pour la partie requérante, et MeMarc UYTTENDAELE, avocat, comparaissant pour la partie adverse;

Entendu, en son avis conforme, Gabrielle JOTTRAND, premier auditeur au Conseil d'État;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973;

Considérant que les faits utiles à l'examen du recours se présentent résumés comme suit :

  1. Le requérant est enseignant de cours en religion islamique dans des établissements d'enseignement de la Communauté française dans le primaire et le secondaire, tant inférieur que supérieur, depuis le mois d'octobre 1987, soit depuis 28 ans.

    Il exerce actuellement cette fonction, dans le degré secondaire supérieur et inférieur, au sein de l'athénée royal "Leonardo da Vinci" à Anderlecht, depuis le 8 septembre 1995.

  2. À la date du 1erseptembre 2004, il a été nommé à titre définitif à cette fonction.

  3. Par un arrêt n° 226.594 du 28 février 2014, le Conseil d'État a rejeté un recours introduit par le requérant dans le cadre de la procédure d'extrême urgence dirigé contre une mesure d'écartement sur-le-champ prise le 13 février 2014 par la Communauté française en raison d'agissements présumés incompatibles avec sa fonction d'enseignant. Cette mesure d'écartement a été levée le 18 mars 2014. Si les faits reprochés, à ce moment-là, au requérant sont aujourd'hui repris dans une plainte déposée au pénal, ils ne sont cependant pas à l'origine de la mesure ici attaquée.

  4. À la suite d'incidents qui se sont déroulés à l'athénée royal "Leonardo da Vinci" en janvier 2015, un rapport de mission d'enquête administrative a été établi, le 13 mars 2015, par les préfets coordonnateurs. Il ressort de ce rapport déposé à l'audience par la partie adverse que "Monsieur MAHI ne peut être accusé

    VIIIexturg - 9674 - 2/23

    d'avoir incité à une quelconque forme de violence envers l'élève Amadou Oury DIALLO".

  5. Le requérant ayant été mis en cause par la presse, il dit avoir souhaité réagir par la publication d'une lettre ouverte, le 4 février 2015. En raison notamment de certains propos tenus dans cette publication, la partie adverse a décidé d'engager à son égard une procédure disciplinaire qui est cependant indépendante de la présente procédure de suspension préventive et ne concerne pas les mêmes griefs.

  6. Le 20 mars 2015, la ministre ayant l'Éducation, la Culture et l'Enfance dans ses attributions a rencontré la préfète des études f.f. de l'athénée précité pour faire le point sur les tensions régnant au sein de l'établissement.À la suite de cette entrevue, la préfète lui a adressé un courriel,le 23 mars 2015, dans lequel elle rapporte des propos d'élèves et d'une ancienne secrétaire selon lesquels le requérant aurait fait preuve de brutalité envers certains étudiants.

  7. Par un exploit d'huissier notifié le 25 mars 2015, le requérant est convoqué à l'audition préalable en vue d'une éventuelle suspension préventive fixée le lundi 30 mars 2015 au bureau de Didier LETURCQ, directeur général adjoint de la Communauté française, et se voit remettre les documents suivants :

    - La convocation datée du 24 mars 2015 émanant de la Fédération Wallonie-Bruxelles;

    - Le courriel du 23 mars 2015 de Madame ISMAILI, préfète des études f.f. à l'Athénée Royal "Leonardo da Vinci", à Madame la ministre de l'Éducation, de la Culture et de l'Enfance;

    - La lettre du 24 mars 2015 du directeur général adjoint expert de la Communauté française au juge d'instruction en vue du dépôt d'une plainte avec constitution de partie civile;

    - Une copie libre du procès-verbal de constitution de partie civile daté du 24 mars 2015;

    - Le procès-verbal d'audition du professeur de français Madame HANSET du 3 mars 2015 concernant les faits qui se sont produits au sein et aux abords de l'Athénée les 26 et 27 janvier 2015.

    Dès réception de cette convocation, le requérant est en incapacité de travail pour dépression, du 30 mars au 19 avril 2015.

    Les faits justifiant la convocation sont ceux énoncés dans le courriel de la préfète des études f.f. de l'athénée royal "Leonardo da Vinci" à la ministre du 23 mars 2015 à savoir :

    VIIIexturg - 9674 - 3/23

    " - un élève de 6 Géco raconte qu'il avait marre de se faire frapper par M. MAHI. Il n'a jamais osé se plaindre auprès de ses parents parce qu'il s'agissait de M. MAHI.

    - un autre raconte que M. MAHI lui avait dit que s'il continue à fumer des joints, il deviendra homosexuel.

    - une élève de DASPA dit qu'elle ne comprend pas pourquoi un professeur de religion islamique frappe des élèves alors qu'elle a quitté son pays d'origine pour fuir la violence physique.

    - notre ancienne secrétaire raconte que M. MAHI lui aurait avoué qu'il reconnaissait avoir frappé des élèves mais pas les avoir touchés …".

    La convocation mentionne encore ce qui suit :

    " Ces éléments constituent des indices d'infractions. S'ils sont avérés, ils pourraient, en effet, être constitutifs d'infraction au sens des articles 398 ou 563, 3° du Code pénal.

    L'autorité a décidé de déposer plainte avec constitution de partie civile afin qu'une instruction indépendante, à charge et à décharge, permette de déterminer si ces faits peuvent effectivement vous être reprochés ou si au contraire ils sont dénués de tout fondement.

    Par ailleurs, l'autorité a été interpellée par les propos qui vous sont, à tort ou à raison, prêtés selon lesquels si vous auriez «frappé des élèves», vous ne les auriez pas «touchés». Référence semble ainsi faite à des faits de mœurs qui vous ont, à tort ou à raison, été reprochés en février 2014. L'autorité n'est évidemment pas en mesure de déterminer la crédibilité des accusations ainsi portées. Elle estime, cependant que, dans l'intérêt des élèves comme de vous-même, il est indispensable que la clarté soit faite sur les accusations portées à votre encontre. La plainte avec constitution de partie civile concerne donc également ces faits.

    À la suite des accusations portées à votre encontre en février 2014, vous avez fait l'objet d'une mesure d'écartement sur-le-champ, laquelle a été levée le 18 mars 2014. Il n'est donc plus question de vous suspendre préventivement à ce propos.

    Par contre, se pose la question de savoir si l'intérêt de l'enseignement ou du service peut être garanti si est maintenu en fonction un enseignant qui, à tort ou à raison, se voit reprocher des faits de violence à l'encontre de certains élèves (…)".

  8. Par un courrier notifié de la main à la main le 26 mars 2015, le requérant est informé du report de son audition au mardi 31 mars 2015 à 13h.

  9. La veille de l'audition, le 30 mars 2015, le conseil du requérant adresse par télécopie et par courriel à Didier LETURCQ une note de défense accompagnée de 14 annexes.

  10. Le même jour, Didier LETURCQ adresse un courriel au conseil du requérant auquel sont joints trois témoignages d'élèves transmis par la préfète et versés au dossier.

    VIIIexturg - 9674 - 4/23

    Ce courriel est libellé comme il suit :

    " J'ai bien reçu votre note de défense et ses annexes. Compte tenu de votre note de défense, la question se posera également de savoir si la présence de Monsieur MAHI dans l'établissement scolaire n'est pas un obstacle à ce que les élèves témoignent en toute liberté dans le cadre de la procédure répressive et si la cohésion de l'équipe éducative ne risque pas d'être ébranlée par la présence simultanée dans le service de la préfète et d'un professeur qui vous mettent en cause, d'une part, et de vous-même, d'autre part.

    Par ailleurs, la préfète nous a adressé ce jour des témoignages d'élèves qui méritent d'être versés au dossier.

    Vous en trouverez copie sous ce couvert. Je vous remercie d'en informer votre client dont je ne dispose pas de l'adresse courriel.

    Il va de soi que si vous souhaitez bénéficier d'une remise pour pouvoir préparer votre défense relative à ces éléments nouveaux ou compléter votre note de défense, celle-ci vous sera aussitôt accordée. (…)".

  11. Le 31 mars 2015, le requérant et son conseil sont entendus par Didier LETURCQ.

  12. Par un courrier du 31 mars 2015, le procès-verbal consécutif à cette audition est soumis au requérant.

  13. Par un courriel et un courrier du 2 avril 2015, le conseil du requérant a renvoyé à Didier LETURCQ l'original du procès-verbal dûment complété et signé par son client, ainsi que de nouveaux extraits de presse, des témoignages de l'élève ArmendADILI et de son frère aîné ArtanADILI, des témoignages d'anciens élèves et un courriel de l'ancienne...

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