Jugement/arrêt, Cour constitutionnelle (Cour d'arbitrage), 2021-06-03

JurisdictionBélgica
Judgment Date03 juin 2021
ECLIECLI:BE:GHCC:2021:ARR.082
Link to Original Sourcehttps://juportal.be/content/ECLI:BE:GHCC:2021:ARR.082
CourtCour constitutionnelle (Cour d'arbitrage)
Docket Number82/2021

Numéro du rôle : 7473
Arrêt n° 82/2021
du 3 juin 2021
En cause : la question préjudicielle concernant les articles 1er et 2 du décret de la Communauté française du 22 octobre 2020 « modifiant le décret du 13 juillet 2016 relatif aux études de sciences vétérinaires », posée par le Conseil d’État.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents F. Daoût et L. Lavrysen, et des juges T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache et T. Detienne, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président F. Daoût,
après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :
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I. Objet de la question préjudicielle et procédure
Par l’arrêt n° 248.905 du 13 novembre 2020, dont l’expédition est parvenue au greffe de la Cour le 7 décembre 2020, le Conseil d’État a posé la question préjudicielle suivante :
« Les articles 1er et 2 du décret du 22 octobre 2020 modifiant le décret du 13 juillet 2016
relatif aux études de sciences vétérinaires qui modifient avec effet au 1er juillet 2020 les conditions d’accès au bloc 2 des études de baccalauréat en sciences vétérinaires qui, jusque-là, étaient en vigueur pour l’année académique 2020-2021 méconnaissent-ils les articles 10, 11, 24, §§ 1er et 3, de la Constitution, les principes de la non-rétroactivité de la loi et de la sécurité juridique, de la séparation des pouvoirs en ce que sans qu’existent des circonstances exceptionnelles ou des motifs impérieux d’intérêt général justifiant l’intervention du législateur, il est porté atteinte au préjudice d’une catégorie de citoyens, qui ont obtenu du pouvoir judiciaire une injonction d’inscription, aux garanties juridictionnelles, qu’ils modifient après le début d’une année académique les conditions d’accès à des études telles qu’elles étaient en vigueur au début de cette année, portent atteinte à la sécurité juridique et restreignent les conditions d’accès à l’enseignement ? ».
Des mémoires ont été introduits par :
- Emily Brugger, assistée et représentée par Me J. Bourtembourg, avocat au barreau de Bruxelles;
- la Communauté française (représentée par son Gouvernement, poursuites et diligences de la ministre en charge de l’Enseignement supérieur), assistée et représentée par Me P. Levert, avocat au barreau de Bruxelles.
Emily Brugger a également introduit un mémoire en réponse.
Par ordonnance du 3 mars 2021, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs J.-P. Moerman et J. Moerman, a décidé que l’affaire était en état, qu’aucune audience ne serait tenue, à moins qu’une partie n’ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de la notification de cette ordonnance, à être entendue, et qu’en l’absence d’une telle demande, les débats seraient clos le 17 mars 2021 et l’affaire mise en délibéré.
À la suite de la demande d’une partie à être entendue, la Cour, par ordonnance du 17 mars 2021, a fixé l’audience au 21 avril 2021.
À l’audience publique du 21 avril 2021 :
- ont comparu :
. Me J. Bourtembourg, pour Emily Brugger;
. Me P. Levert, pour la Communauté française;
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- le juge T. Giet, rapporteur en remplacement du juge-rapporteur J.-P. Moerman, légitimement empêché, et la juge J. Moerman ont fait rapport;
- les avocats précités ont été entendus;
- l’affaire a été mise en délibéré.
Par lettre du 18 mai 2021, la Communauté française a introduit une demande de réouverture des débats. Par ordonnance du 26 mai 2021, la Cour a rejeté cette demande.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
II. Les faits et la procédure antérieure
Lors de l’année académique 2019-2020, Emily Brugger entame des études supérieures à l’Université libre de Bruxelles (ULB), en vue d’obtenir le grade académique de bachelier en sciences vétérinaires. Elle acquiert alors les 60 crédits du premier bloc du programme de ce cycle d’études. À la fin du deuxième quadrimestre de cette année académique, elle participe au concours organisé par l’ULB, en vue d’obtenir l’une des « attestations d’accès à la suite du programme du cycle » que cet établissement est en droit de délivrer à ses étudiants. Ce concours est organisé en application de l’article 6 du décret de la Communauté française du 13 juillet 2016 « relatif aux études de sciences vétérinaires » (ci-après : le décret du 13 juillet 2016). L’article 4 de ce décret subordonne la poursuite des études qu’il vise à la détention de l’une de ces attestations. Faute d’avoir été classée en ordre utile à l’issue du concours organisé lors de l’année académique 2019-2020, Emily Brugger n’obtient pas d’attestation.
L’année académique 2020-2021 commence le 14 septembre 2020. Le 17 septembre 2020, Emily Brugger constate qu’aux termes de l’article 12 du décret du 13 juillet 2016, les règles prévues par ce décret n’étaient applicables que jusqu’au dernier jour de l’année académique 2019-2020 et elle informe l’ULB de son souhait de s’inscrire aux activités d’apprentissage de la deuxième année du cycle d’études entamé l’année précédente.
Le 29 septembre 2020, n’ayant pas reçu de réaction à sa demande d’inscription, Emily Brugger saisit d’un recours le délégué du Gouvernement de la Communauté française auprès de l’ULB. Le 7 octobre 2020, l’université refuse cette inscription, au motif qu’Emily Brugger n’a pas obtenu d’« attestation d’accès à la suite du programme du cycle » et que le Gouvernement de la Communauté française va prochainement inviter le Parlement à voter un texte prolongeant les effets du décret du 13 juillet 2016 au-delà de l’année académique 2019-2020. Le 22 octobre 2020, le président du Tribunal de première instance francophone de Bruxelles, statuant en urgence à la demande d’Emily Brugger, ordonne à l’ULB d’inscrire provisoirement l’étudiante aux activités d’apprentissage de la deuxième année du premier cycle d’études de sciences vétérinaires, en précisant toutefois que son ordonnance ne produira plus d’effets lorsque le délégué du Gouvernement auprès de l’ULB aura statué sur le recours introduit le 29 septembre. Le 23 octobre 2020, l’ULB procède à cette inscription, à titre provisoire.
Le 30 octobre 2020, le délégué du Gouvernement auprès de l’ULB confirme le refus d’inscrire Emily Brugger, au motif que l’article 1er du décret du 22 octobre 2020 « modifiant le décret du 13 juillet 2016
relatif aux études de sciences vétérinaires » (ci-après : le décret du 22 octobre 2020), publié la veille, a prolongé les effets du décret du 13 juillet 2016 pour l’année académique 2020-2021.
Le 4 novembre 2020, Emily Brugger demande au Conseil d’État la suspension en extrême urgence et l’annulation de la décision du délégué du Gouvernement. Le Conseil d’État considère que le décret du 13 juillet 2016, tel qu’il était rédigé avant sa modification par le décret du 22 octobre 2020, ne permettait pas de refuser à Emily Brugger l’inscription qu’elle demandait, puisqu’il disposait alors que ses effets cessaient au-delà de l’année académique 2019-2020. Le Conseil d’État juge que le décret du 22 octobre 2020, en ce qu’il fonde le refus 4
d’inscrire Emily Brugger, est une norme rétroactive qui a pour effet d’influencer l’issue de la procédure juridictionnelle engagée par l’étudiante devant le Tribunal de première instance francophone de Bruxelles. Il estime que cette...

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