Décision judiciaire de Conseil d'État, 13 novembre 2020

Date de Résolution13 novembre 2020
JuridictionXI
Nature Arrêt

CONSEIL D’ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

LE PRÉSIDENT DE LA XIe CHAMBRE SIÉGEANT EN RÉFÉRÉ

A R R Ê T

nº 248.905 du 13 novembre 2020

  1. 232.162/XI-23.287

En cause : BRUGGER Emily, ayant élu domicile chez

Me Jean BOURTEMBOURG, avocat, rue de Suisse 24 1060 Bruxelles,

contre :

la Communauté française, représentée par son Gouvernement, ayant élu domicile chez

Me Philippe LEVERT, avocat, rue Defacqz 78-80 1060 Bruxelles.

------------------------------------------------------------------------------------------------------

I. Objet de la requête

Par une requête introduite le 4 novembre 2020, Emily Brugger demande, d’une part, la suspension selon la procédure d’extrême urgence, de l’exécution de la décision du 30 octobre 2020 prise par le délégué du Gouvernement de la Communauté française auprès de l’Université libre de Bruxelles confirmant la décision prise par l’Université libre de Bruxelles de refuser l’admission d’Emily Brugger à la suite du programme du premier cycle en sciences vétérinaires et, d’autre part, l’annulation de la même décision.

II. Procédure

Par une ordonnance du 4 novembre 2020, l’affaire a été fixée à l’audience du 10 novembre 2020.

La partie adverse a déposé une note d’observations et le dossier administratif. M. Yves Houyet, président de chambre, a exposé son rapport.

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Me Jean Bourtembourg, avocat, comparaissant pour la partie requérante, et Me Khalid Ermilate, loco Me Philippe Levert, avocat, comparaissant pour la partie adverse, ont été entendus en leurs observations.

Mme Valérie Michiels, premier auditeur au Conseil d’État, a été entendue en son avis conforme au présent arrêt.

Il est fait application des dispositions relatives à l’emploi des langues, inscrites au titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d’État, coordonnées le 12 janvier 1973.

III. Faits

Durant l’année académique 2019-2020, la requérante était inscrite en bloc 1 du bachelier en médecine vétérinaire.

En juin 2020, la requérante a présenté le concours du bloc 1 du bachelier en médecine vétérinaire.

À l’issue de l’année académique, elle a obtenu 60 crédits.

La requérante n’a pas obtenu d'attestation d'accès à la suite du programme du cycle visée à l’article 4 du décret du 13 juillet 2016 relatif aux études de sciences vétérinaires.

La requérante relève qu’à la fin de l’année académique 2019-2020, l’article 12 du décret du 13 juillet 2016 relatif aux études de sciences vétérinaires prévoyait que : « Le présent décret entre en vigueur pour l'année académique 2016-2017, à l'exception des articles 2 et 4 qui entrent en vigueur pour l'année académique 2017-2018. Le présent décret produit ses effets jusqu'à l'année académique 2019-2020 incluse. Il fera l'objet d'une évaluation, par le Gouvernement, au plus tard durant l'année académique 2019-2020 ».

L’Université libre de Bruxelles a refusé l’inscription de la requérante en bloc 2 du bachelier en médecine vétérinaire pour l’année académique 2020-2021.

Dans un courriel du 7 octobre 2020, l’Université libre de Bruxelles a expliqué à la requérante que : « En juin 2019, les universités ont décidé d'organiser le concours relatif aux études de sciences vétérinaires, selon les modalités prévues par le décret du 13 juillet 2016 relatif aux études des sciences vétérinaires. L'article 12 de ce décret prévoit en effet qu'il ″produit ses effets jusqu'à l'année académique 2019-

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2020 incluse″. Ce concours a donc été organisé valablement et les attestations qui en découlent permettent dès lors aux étudiants qui en bénéficient de s'inscrire à la suite du programme du cycle pour l'année académique 2020-2021. Le décret du 13 juillet 2016 prévoit par ailleurs qu'il devait faire l'objet d'une évaluation au plus tard pour l'année académique 2019-2020, évaluation qui a été retardée en raison de la crise sanitaire. Renseignements pris, il apparaît que dans l'attente de cette évaluation, une disposition modificative a été insérée dans un avant-projet de décret portant des dispositions diverses en matière d'enseignement supérieur et d'enseignement de promotion sociale, afin de prolonger les effets du décret du 13 juillet 2016 pour l'année académique 2020-2021. Cet avant-projet de décret devrait être adopté par le Parlement tout prochainement. Dès l'adoption de cette disposition, à supposer que nous autorisions l'inscription de votre cliente, celle-ci ne sera plus valable et nous nous verrions contraints de procéder à sa désinscription pour nous conformer au prescrit légal. C'est la raison pour laquelle, nous refusons d'inscrire en poursuite de cursus, les étudiants qui ne sont pas en possession de l'attestation requise ».

Saisi par la requérante, le président du Tribunal de première instance francophone de Bruxelles, siégeant en référé, a ordonné, le 22 octobre 2020, à l’Université libre de Bruxelles d’inscrire provisoirement la requérante en bloc 2 des études de bachelier en médecine vétérinaire pour l'année académique 2020-2021, tout en précisant que l'ordonnance cessera ses effets lors de l’adoption de la décision du commissaire du Gouvernement de la Communauté française, saisi le 29 septembre 2020, du recours introduit par la requérante quant à son inscription.

L’Université libre de Bruxelles a inscrit provisoirement la requérante en bloc 2 des études de bachelier en médecine vétérinaire.

Le 22 octobre 2020, la Communauté française a adopté un décret modifiant le décret du 13 juillet 2016 relatif aux études de sciences vétérinaires qui prévoit, avec entrée en vigueur le 1er juillet 2020, que le décret du 13 juillet 2016 produira ses effets jusqu'à l'année académique 2020-2021 incluse. Ce décret a été publié au Moniteur belge du 29 octobre 2020.

Le 30 octobre 2020, le délégué du Gouvernement de la Communauté française auprès de l’Université libre de Bruxelles a statué sur le recours que la requérante avait formé, sur la base de l’article 95, § 1er, alinéa 2, du décret du 7 novembre 2013 définissant le paysage de l'enseignement supérieur et l'organisation académique des études et a adopté l’acte attaqué par lequel il a confirmé la décision prise par l’Université libre de Bruxelles de refuser l'admission de la requérante à la suite du programme du premier cycle en sciences vétérinaires.

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IV. Recevabilité de la demande de suspension

Thèses des parties

La requérante soutient qu’elle « saisit le Conseil d’État dès le mercredi 4 novembre, l'acte attaqué ayant été pris le 30 octobre 2020 », que « le délai mis pour saisir le Conseil d’État ne dément pas l'extrême urgence alléguée », qu’il « est incontestable que l'exécution immédiate de la décision empêche la poursuite par l'étudiante de ses études et entraîne la perte nécessaire d'une année d'études au moins, ce qui établit l'existence de l'urgence », qu’il « est, en outre, incontestable que le recours à la procédure en référé ordinaire ne permettra pas l'obtention d'un arrêt en temps opportun », qu’il « a déjà été jugé que même si le temps passant, la perspective d'une réussite complète de l'année demeure aléatoire, un étudiant peut escompter une réussite de certaines unités d'enseignement ce qui permet incontestablement de relancer son cursus académique », que « la perte d'une année d'études correspond à une situation préjudiciable justifiant l'urgence pour saisir le Conseil d'Etat en référé ; lorsque l'année est déjà entamée, il importe qu'il soit statué sur un tel recours au plus vite » et qu’il « existe donc une extrême urgence incompatible avec le délai de traitement de la demande de suspension selon la procédure ordinaire ».

La partie adverse ne conteste pas la recevabilité du recours.

Appréciation

La compétence, attribuée au délégué du Gouvernement par l’article 95, § 1er, alinéa...

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