Circulaire destinée au pouvoirs locaux bruxellois, relative aux conséquences pour leurs marchés publics de la faillite d'un soumissionnaire ou d'un adjudicataire, de 4 juillet 2014

Article M.

  1. Introduction.

    1.1. Ces dernières années, les pouvoirs locaux bruxellois n'ont pas été épargnés par les difficultés nées de la faillite de soumissionnaire ou d'adjudicataire de leurs marchés publics. Tantôt des travaux commandés n'étaient pas entamés, un chantier tournait sans raison au ralenti ou était carrément abandonné, tantôt des actions directes étaient introduites par des sous-traitants confrontés à des difficultés de paiement dans le chef de l'adjudicataire. Face à ces événements inhabituels dont la gestion est loin d'être aisée, mon administration a dû plus d'une fois constater le désarroi de certains pouvoirs locaux bruxellois, tardant à réagir, alors que dans bien des cas, une réaction rapide et à propos s'imposait afin de préserver leurs intérêts.

    1.2. Devant cette situation et tenant compte du nouveau cadre juridique règlementant depuis le 1er juillet 2013 la passation et l'exécution des marchés publics, il m'est apparu opportun de regrouper et de synthétiser un certain nombre de recommandations destinées à conseiller les pouvoirs locaux bruxellois dans leur gestion des conséquences pour leurs marchés publics de la faillite d'un soumissionnaire ou d'un adjudicataire.

  2. Les mesures préventives à la faillite de soumissionnaire ou d'entreprise.

    Une faillite est rarement un événement inopiné. En effet, la situation financière d'une entreprise ne se dégrade généralement pas du jour au lendemain. Aussi, avant toute décision d'attribution d'un marché public, un certain nombre d'éléments et de données méritent d'être analysés afin d'évaluer la probabilité de faillite des candidats ou soumissionnaires.

    Conformément au principe de bonne administration et du principe de précaution qui en découle, il est donc de la responsabilité des pouvoirs locaux bruxellois de réaliser lors de la passation de leurs marchés publics les investigations nécessaires en vue d'éviter de conclure des marchés publics avec des entreprises potentiellement en faillite.

    2.1. Les causes d'exclusions.

    2.1.1. L'article 61, § 2, 1°, de l'arrêté royal du 15 juillet 2011 relatif à la passation des marchés publics dans les secteurs classiques permet au pouvoir adjudicateur d'exclure de la participation à un marché public un candidat ou un soumissionnaire en état de faillite. Si le libellé de cette disposition laisse à penser que le pouvoir adjudicateur reste libre de décider s'il y a lieu ou non d'exclure une entreprise en état de faillite, il convient d'attirer l'attention des pouvoirs locaux bruxellois sur le caractère extrêmement limité de leur pouvoir d'appréciation en la matière. En effet, comme le rappelle le Rapport au Roi de l'arrêté royal du 15 juillet 2011, " même si le pouvoir adjudicateur n'est pas a priori obligé d'exclure un candidat ou un soumissionnaire de la participation au marché, il faut néanmoins tenir compte du principe de bonne administration. Ce principe implique qu'un pouvoir adjudicateur ne se lie pas à un tel candidat ou soumissionnaire. Ce n'est qu'exceptionnellement, par exemple si une entreprise en difficulté détient un monopole pour la fourniture de produits destinés à compléter une installation, que le pouvoir adjudicateur pourrait justifier une décision d'admission à l'accès au marché ".

    2.1.2. L'article 61, § 2, de l'arrêté royal du 15 juillet 2011 prévoit également que " peut être exclu à l'accès au marché, [....] le candidat ou soumissionnaire qui est en état [...] de réorganisation judiciaire ou dans toute situation de même nature existant dans d'autres réglementations nationales ". Le traitement qu'il y a lieu de réserver à un soumissionnaire ou candidat en cours de réorganisation judiciaire conformément à la loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises demande une certaine réserve, le Rapport au Roi de l'arrêté royal du 15 juillet 2011 précisant à cet égard que " en ce qui concerne les points 1° et 2° visant notamment la réorganisation judiciaire ou toute situation analogue, il y a lieu de souligner que le pouvoir adjudicateur doit examiner chaque cas avec prudence afin d'éviter une application trop rigide de la disposition du paragraphe 2, tenant compte des particularités de la législation applicable à la réorganisation judiciaire, notamment dans la législation belge ". Il y a lieu de souligner la gravité pour une entreprise en cours de réorganisation judiciaire que constitue pour elle son exclusion de l'accès aux marchés publics, gravité d'autant plus accentuée si cette entreprise exerce des activités orientées principalement vers le secteur public.

    2.1.3. Le respect ou non par le candidat ou soumissionnaire de ces obligations de sécurité sociale et/ou de ces obligations fiscales professionnelles constitue aussi un indicateur non négligeable de sa situation financière. En ces points 5° et 6°, l'article 61, § 2, de l'arrêté royal du 15 juillet 2011 prévoit d'ailleurs que " peut être exclu à l'accès au marché, [....] le candidat ou soumissionnaire [...] 5° qui n'est pas en règle avec ses obligations relatives au paiement de ses cotisations de sécurité sociale conformément aux dispositions de l'article 62, 6° qui n'est pas en règle avec ses obligations relatives au paiement de ses impôts et taxes selon la législation belge ou celle du pays dans lequel il est établi, conformément aux dispositions de l'article 63 ". Ainsi est particulièrement significatif d'un état proche de la faillite, la situation d'une entreprise qui, ayant obtenu des délais pour échelonner le paiement de ses dettes de cotisations sociales et/ou de ses dettes fiscales, ne parvient pas à les respecter.

    2.2. Les critères de sélection relatifs à la capacité économique et financière.

    2.2.1. Selon les dispositions de l'article 67 de l'arrêté royal du 15 juillet 2011, la capacité financière et économique du candidat ou du soumissionnaire peut être justifiée par les comptes annuels ou les comptes annuels déposés, lorsque la législation du pays où est établi le candidat ou le soumissionnaire en prescrit le dépôt. En outre, conformément aux dispositions de l'article 58 de ce même arrêté, il appartient au pouvoir adjudicateur de fixer pour chaque critère de sélection leurs niveaux d'exigences.

    2.2.2. Ainsi sur base des comptes annuels, le pouvoir adjudicateur peut réaliser une analyse des risques de faillite des candidats ou soumissionnaires sur base d'une méthode et d'indicateurs mentionnés dans le critère de sélection. Une méthode habituellement utilisée pour analyser le risque de faillite d'une entreprise est la méthode des ratios. Cette méthode préconise traditionnellement l'utilisation de deux catégories de ratios : les ratios de solvabilité et les ratios de structure financière du passif. Il y a toutefois lieu de faire preuve de prudence dans l'utilisation de ces méthodes d'analyse de risque et il est indispensable d'en avoir la maîtrise si l'on veut y avoir recours. Le Rapport au Roi ne s'y trompe d'ailleurs pas quand il rappelle que le pouvoir adjudicateur " doit adapter sa demande en fonction des spécificités du marché et de ce qui lui paraît nécessaire ou utile pour prendre sa décision de sélection et pour pouvoir motiver celle-ci. Le pouvoir adjudicateur doit en conséquence s'abstenir de demander des données s'il ne dispose pas des compétences internes ou externes nécessaires pour les traiter. "

    2.2.3. Il y a lieu aussi de rappeler aux pouvoirs locaux bruxellois que l'examen de la santé financière des candidats ou soumissionnaires sur base des causes d'exclusion et des critères de sélection qualitative préalablement fixés n'est pas une opération unique. Il leur appartient en effet tout au long de la procédure de passation du marché de faire preuve de vigilance et de s'informer par tous les moyens qu'ils jugent utile de l'évolution de la situation de tout candidat ou soumissionnaire conformément aux dispositions de l'article 59, 2°, de l'arrêté royal du 15 juillet 2011.

    2.3. Le contrôle de la régularité des prix.

    Une entreprise dont le crédit commence à être ébranlé pourrait être tentée, pour rétablir la confiance de ces créanciers, à chercher à gonfler son chiffre d'affaires par toutes sortes de moyens. Cette entreprise pourrait par exemple prendre d'énormes risques pour remporter des marchés publics passés en adjudication et remettre des offres dont le montant ne lui assurerait aucun bénéfice voire lui procurerait une perte. Il revient donc aux pouvoirs locaux bruxellois en application des dispositions des articles 21 et 99 de l'arrêté royal du 15 juillet 2011 de procéder à une vérification minutieuse et approfondie des prix des offres introduites dans le cadre d'un marché public. Ils ne doivent pas hésiter à demander aux soumissionnaires toutes les justifications de prix qu'ils estiment nécessaires au contrôle de leur régularité.

    Le contrôle de la normalité des prix est une phase essentielle dans le cadre de l'examen de la régularité des offres. Il est donc loin d'être inutile de prévoir dans le cahier spécial des charges en application des dispositions de l'article 21, que des vérifications sur pièces comptables et des contrôles sur place pourront être effectués par les personnes désignées par le pouvoir adjudicateur.

  3. La faillite.

    3.1. Généralités.

    3.1.1. L'ouverture de la procédure de faillite...

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