L’arrêt de la Cour de cassation du 10 juin 2010 : la résurgence de la théorie de la réalité économique?

AuteurMarie Bentley

On se souviendra qu’au début des années 90, suite aux arrêts Brepols et Au Vieux Saint-Martin, le législateur avait introduit, par la loi du 22 juillet 1993, une mesure générale « anti-abus » dans l’article 344, § 1er du CIR permettant à l’administration fiscale de requalifier un acte ou une opération. Selon les termes de cette disposition, la qualification juridique d’un acte ou de plusieurs actes réalisant une même opération, et non les actes eux-mêmes, n’est pas opposable à l’administration fiscale lorsque cette qualification a pour but d’éviter l’impôt, à moins que le contribuable ne prouve que cette qualification réponde à des besoins légitimes de caractère financier ou économique.

La jurisprudence de la Cour de cassation a confirmé, à plusieurs reprises, en contradiction avec la position de l’administration fiscale, que seule la qualification d’un acte pouvait être rendue inopposable à l’administration fiscale en vertu de l’article 344, § 1er du CIR. Celle-ci ne peut donc lui donner une autre qualification qu’en respectant les effets juridiques de cet acte. Elle a ainsi clairement condamné, à juste titre, la théorie de la réalité économique permettant le cas échéant de tenir compte d’une réalité économique distincte de la réalité juridique procédant de ce qui a été convenu par les parties, en l’absence de simulation.

Bien qu’écartant cette théorie, cette jurisprudence induisait néanmoins une certaine insécurité juridique. En effet, en application de l’article 344 §1er du CIR, la Cour de cassation, requérait que les effets de l’opération initialement et nouvellement qualifiée soient similaires, et non identiques. Elle laissait par ailleurs ouverte la question de savoir quels étaient les critères permettant de conclure comme étant suffisamment similaires les effets juridiques de deux actes.

La sécurité juridique ne se voit guère renforcée par l’arrêt de la Cour de cassation du 10 juin 2010.

Dans cet arrêt, la Cour affirme, et semble confirmer ainsi sa jurisprudence antérieure, que l’administration « peut requalifierdans son ensemble l'opération qui a été artificiellement décomposée en actes distincts et modifier ainsi la qualification qui a été donnée par les parties à chaque acte distinct lorsqu'elle constate que les actes visent la même opération d'un point de vue économique », tout en précisant que celle-ci « ne peut toutefois procéder à la requalification de l'opérationque si la nouvelle qualification a des effets juridiques non...

Pour continuer la lecture

SOLLICITEZ VOTRE ESSAI

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT