Conclusions du Ministère public, Cour de Cassation de Belgique, 2021-02-24

JurisdictionBélgica
Judgment Date24 février 2021
ECLIECLI:BE:CASS:2021:CONC.20210224.2F.20
Link to Original Sourcehttps://juportal.be/content/ECLI:BE:CASS:2021:CONC.20210224.2F.20
CourtCour de Cassation de Belgique
Docket NumberP.20.0965.F

P.20.0965.F

Conclusions de M. l'avocat général D. Vandermeersch:

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 7 septembre 2020 par la cour d'appel de Liège, chambre correctionnelle.

Le défendeur est poursuivi pour ne pas avoir respecté les conditions fixées par les plans de tir pour la chasse à tir aux espèces de gibier durant quatre saisons cynégétiques, à savoir les années 2014-2015 (prévention A de la cause 63.M1.300000/2015), 2015-2016 (prévention B de la cause 63.M1.300000/2015), 2016-2017 (prévention C de la cause 63.M1.300000/2015) et 2017-2018 (prévention A de la cause 63.M1.536051/2018).

L'arrêt attaqué acquitte le défendeur de l'ensemble des préventions, à défaut de base légale déterminant les années cynégétiques et, partant, fondant les poursuites.

Examen du pourvoi

Le demandeur invoque un moyen unique dans le cadre de son pourvoi dirigé contre la décision d'acquittement pour les préventions C de la cause 63.M1.300000/2015 et A de la cause 63.M1.536051/2018. Il invoque deux moyens à l'appui de son pourvoi dirigé contre la décision d'acquittement pour les préventions A et B de la cause 63.M1.300000/2015.

I. En tant que le pourvoi dirigé contre la décision qui acquitte le défendeur du chef des préventions C du dossier 63.M1.300000/2015 (année cynégétique 2016-2017) et A du dossier 63.M1.536051/2018 (année cynégétique 2017-2018)

Le moyen est pris de la violation de l'article 159 de la Constitution, de l'article 14ter des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, des articles 1er, § 1er, 2°, et 1erquater de la loi du 28 février 1882 sur la chasse, de l'article 1er de l'arrêté du Gouvernement wallon du 22 avril 1993 relatif au plan de tir pour la chasse au cerf et de l'article 1er de l'arrêté du Gouvernement wallon du 24 mars 2016 fixant les dates de l'ouverture, de la clôture et de la suspension de la chasse du 1er juillet 2016 au 30 juin 2021.

Le demandeur reproche aux juges d'appel d'avoir écarté l'application des dispositions de l'arrêté du Gouvernement wallon du 24 mars 2016 en vertu de l'article 159 de la Constitution en raison d'une illégalité constatée par un arrêt du Conseil d'Etat du 25 octobre 2019, alors que, faisant application de l'article 14ter des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, cet arrêt a maintenu les effets de la norme annulée jusqu'au 30 juin 2020. Le moyen soutient que l'article 159 de la Constitution, dont la portée a été précisée par la Cour constitutionnelle dans son arrêt n° 18/2012 du 9 février 2012, ne permet pas d'écarter les effets d'un acte réglementaire annulé lorsque ces effets ont été maintenus temporairement dans le temps par le Conseil d'Etat en application de l'article 14ter précité.

Le moyen pose la question de l'autorité de la chose jugée envers les cours et tribunaux de l'ordre judiciaire des arrêts rendus par le Conseil d'Etat dans le cadre du contentieux d'annulation relevant de sa compétence.

L'article 14, § 1er, alinéa 1er, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat dispose ce qui suit:

« Si le contentieux n'est pas attribué par la loi à une autre juridiction, la section statue par voie d'arrêts sur les recours en annulation pour violation des formes soit substantielles, soit prescrites à peine de nullité, excès ou détournement de pouvoir, formés contre les actes et règlements:

1° des diverses autorités administratives;

2° des assemblées législatives ou de leurs organes, en ce compris les médiateurs institués auprès de ces assemblées, de la Cour des comptes et de la Cour constitutionnelle, du Conseil d'Etat et des juridictions administratives ainsi que des organes du pouvoir judiciaire et du Conseil supérieur de la Justice, relatifs aux marchés publics, aux membres de leur personnel, ainsi qu'au recrutement, à la désignation, à la nomination dans une fonction publique ou aux mesures ayant un caractère disciplinaire. »

En disposant de la sorte, l'article 14 consacre l'existence d'un contentieux visant à permettre l'annulation des actes administratifs unilatéraux adoptés par les autorités que cette disposition énumère(1).

Par ailleurs, aux termes de l'article 159 de la Constitution, les cours et tribunaux n'appliqueront les arrêtés et règlements généraux, provinciaux et locaux, qu'autant qu'ils seront conformes aux lois.

Suivant la Cour, cette disposition constitutionnelle constitue l'application aux actes de l'administration du principe général du droit suivant lequel le juge ne peut appliquer une disposition qui viole une norme supérieure(2). Les juridictions contentieuses ont, en vertu de cette disposition et de ce principe général du droit, le pouvoir et le devoir de vérifier la conformité à la Constitution et à la loi de tout arrêté ou règlement sur lequel est fondée une demande, une défense ou une exception(3). Ce contrôle de légalité en vue d'un refus éventuel d'application des actes administratifs porte à la fois sur la légalité externe ou formelle de ces actes et sur leur légalité interne(4).

Comme l'annulation pure et simple d'un acte par le Conseil d'Etat fait disparaître cet acte, de façon rétroactive, de l'ordonnancement juridique, un arrêt qui prononce une telle sanction est revêtu de l'autorité absolue de la chose jugée qui vaut erga omnes(5). Dès lors, les cours et tribunaux ne sauraient appliquer cet acte, puisqu'il est censé n'avoir jamais existé. Cette autorité de la chose jugée s'attache non seulement au dispositif de l'arrêt d'annulation, mais aussi aux motifs qui y sont indissociablement liés, autrement dit à ceux qui en constituent le soutien et le fondement nécessaire(6).

En revanche, le contrôle de légalité négatif imposé aux juridictions en vertu de l'article 159 de la Constitution à l'égard des règlements et des actes individuels s'oppose à toute invocation par une partie de l'autorité de la chose jugée d'un arrêt de rejet de la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat(7). Suivant la Cour, un arrêt de rejet du Conseil d'Etat d'un recours en annulation pour violation des formes, soit substantielles, soit prescrites à peine de nullité, excès ou détournement de pouvoir, formé contre les actes et les règlements des autorités administratives, n'implique pas que l'acte litigieux est dépourvu de toute illégalité ou que son adoption est dénuée de faute; l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard des mêmes faits appréciés en fonction de la même norme juridique(8). C'est logique puisqu'un arrêt de rejet du Conseil d'Etat implique que l'acte attaqué demeure dans l'ordonnancement juridique et que, dès lors, il peut faire l'objet d'autres recours fondés soit sur des moyens que le recours rejeté n'invoquait pas, soit sur des moyens identiques, mais formulés...

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