Décision judiciaire de Conseil d'État, 30 juin 2020

Date de Résolution30 juin 2020
JuridictionVIII
Nature Arrêt

CONSEIL D’ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

LE PRÉSIDENT DE LA VIIIe CHAMBRE

A R R Ê T

nº 247.959 du 30 juin 2020

A. 226.780/VIII-11.010

En cause : GONZALEZ LOPEZ José Luis, ayant élu domicile à la Centrale générale des services publics (CGSP) place Fontainas, 9-11 1000 Bruxelles,

contre :

la société anonyme de droit public HR Rail,

ayant élu domicile chez

Mes Chris VAN OLMEN et Vincent VUYLSTEKE, avocats, avenue Louise 221 1050 Bruxelles.

------------------------------------------------------------------------------------------------------ I. Objet de la requête

Par une requête introduite le 26 novembre 2018, José Luis Gonzalez Lopez demande l’annulation de « la décision de date inconnue, adoptée par Monsieur [V.], conseiller en chef-chef de service, de [le] licencier […] à la date du 30 septembre 2018 ».

II. Procédure

Le dossier administratif a été déposé.

Les mémoires en réponse et en réplique ont été régulièrement échangés.

Mme Laurence Lejeune, premier auditeur au Conseil d’État, a rédigé un rapport sur la base de l’article 12 du règlement général de procédure.

Le rapport a été notifié aux parties.

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Les parties ont déposé un dernier mémoire.

Par une ordonnance du 27 mai 2020, l’affaire a été fixée à l’audience du 24 juin 2020.

M. Luc Detroux, président de chambre, a exposé son rapport.

Me Monique Detry, avocat, comparaissant pour la partie requérante, et Me Vincent Vuylsteke, avocat, comparaissant pour la partie adverse, ont été entendus en leurs observations.

Mme Laurence Lejeune, premier auditeur, a été entendue en son avis.

Il est fait application des dispositions relatives à l’emploi des langues, inscrites au titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d’État, coordonnées le 12 janvier 1973.

III. Faits

1. Le requérant est recruté par la partie adverse en qualité d’agent de maintenance spécialisé (voies) et entame son stage, au sein d’Infrabel, le 21 novembre 2016.

  1. En décembre 2017, il se voit diagnostiquer un problème cardiaque qui nécessite le placement d’un pacemaker, appareil sensible aux champs électromagnétiques présents notamment dans les voies ferrées.

  2. Le 12 juin 2018, le requérant est reconnu handicapé par le SPF Sécurité sociale.

  3. Le 28 juin 2018, il est examiné par le Centre régional de la médecine de l’administration (« CRMA ») qui le déclare définitivement inapte à l’exercice des fonctions dans lesquelles il a été recruté, en précisant que dans l’attente de la décision de licenciement à intervenir, il peut occuper un poste adapté répondant aux exigences suivantes : « activité moyenne, absence d’exposition aux champs magnétiques, non en altitude ou exposé à des vibrations ».

  4. À la suite de cette décision, le requérant est affecté à une fonction de magasinier.

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    6. Le 1er juillet 2018, le requérant introduit un recours contre la décision le déclarant inapte à l’exercice de ses fonctions auprès de la Commission d’appel de la médecine de l’administration (« CAMA »).

  5. Par un courrier du 19 juillet 2018, la partie adverse informe le requérant qu’il bénéficiera « d’un accompagnement personnalisé afin de trouver avec [lui] un nouvel emploi » et qu’il sera prochainement convoqué à cet effet pour un entretien. La date de cet entretien est fixée au 18 septembre 2018, ce dont le requérant est informé par une lettre datée du 29 août 2018.

  6. Le 3 septembre 2018, la décision d’inaptitude médicale à l’exercice des fonctions est confirmée par l’instance de recours.

  7. Par un courrier du 26 septembre 2018, I. V., conseiller en chef-chef de service, informe le requérant de son licenciement à la date du 30 septembre 2018 avec interdiction de recrutement d’une durée de 5 ans dans le grade dans lequel il a été recruté.

    Il s’agit de l’acte attaqué.

  8. Le 26 octobre 2018, le directeur général de la partie adverse fait savoir au requérant que le statut et le règlement général pour l’attribution des emplois prévoient « qu’il est mis fin au stage du membre du personnel qui est déclaré totalement et définitivement inapte lorsqu’il n'est plus en état d’exercer les attributions liées à son grade » et que, par conséquent, « la lettre qui [lui] [a] été transmise relative à l’accompagnement personnalisé pour le personnel inapte pour raisons médicales [est] sans objet ».

    IV. Compétence du Conseil d’État

    IV.1. Thèse de la partie adverse

    La partie adverse estime qu’en tant qu’il prétend qu’il aurait dû bénéficier d’un reclassement, c’est-à-dire de la possibilité d’être affecté dans une autre fonction que celle pour laquelle il a été recruté, le requérant se prévaut en réalité d’un droit subjectif. Elle fait valoir que la reconnaissance d’un tel droit ne ressortit pas à la compétence du Conseil d’État mais à celle des cours et tribunaux de l’ordre judiciaire.

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    IV.2. Appréciation

    Le recours qui tend à l’annulation de la décision de mettre fin au stage du requérant dans le grade d’agent de maintenance spécialisé (voies) et de le licencier a pour objet véritable et direct l’annulation d’une décision qui modifie la position administrative de ce dernier. Le requérant ne revendique donc pas un droit subjectif à demeurer agent de la partie adverse mais conteste la légalité de la décision prise par celle-ci à son égard et à laquelle il n’a pas intérêt dès lors qu’elle emporte une modification défavorable de sa situation administrative. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass., 8 septembre 2016, nos C.11.0455.F et C.11.0457.F) qu’un recours qui a un tel objet relève de la compétence du Conseil d’État.

    V. Recevabilité

    V.1. Thèse de la partie adverse

    La partie adverse considère que l’annulation de la décision de licencier le requérant n’est pas de nature à lui apporter le moindre avantage dans la mesure où il s’est abstenu d’attaquer la décision d’inaptitude médicale dont elle n’est que la conséquence automatique. Elle fait valoir qu’il découle du RGPS, fascicule 501, que lorsque l’agent est déclaré définitivement inapte à l’exercice de ses fonctions, il doit être licencié, ce dont elle déduit que sa compétence est, en la matière, entièrement liée.

    V.2. Appréciation

    Le second moyen du requérant conteste le fondement de l’obligation de le licencier dont se prévaut la partie adverse.

    L’exception est en conséquence liée au fond.

    VI. Premier moyen

    VI.1. Thèse de la partie requérante

    Le requérant prend un premier moyen de la « violation de l’article 36, § 2 de la loi du 23 juillet 1926 ‘relative à la S.N.C.B. Holding et à ses sociétés liées’ [lire : loi du 23 juillet 1926 ‘relative à la SNCB et au personnel des Chemins de fer belges’], de l’incompétence de l’auteur de l’acte et de l’excès de pouvoir ».

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    Il soutient que l’autorité compétente pour licencier un stagiaire est la même que celle qui est compétente pour recruter les membres du personnel. Il affirme qu’il résulte de l’article 36, § 2, invoqué, qu’il appartenait au conseil d’administration, ou au directeur général en cas de délégation de pouvoir, de le licencier et non à une personne subdéléguée par le directeur général. Il relève qu’en l’espèce, l’acte attaqué a été adopté par « [I. V.], Conseiller en chef - chef de service ». Il argue du fait qu’il n’a pas connaissance d’une délégation de pouvoir, ni même d’une subdélégation, en faveur de cette personne.

    Dans son mémoire en réplique, le requérant soutient que l’autorité compétente serait mieux à même que l’auteur de l’acte attaqué d’apprécier les dispositions statutaires qui interdisent le reclassement des stagiaires pour raisons de santé. Il persiste à soutenir que l’article 36 de la loi du 23 juillet 1926 n’autorise la délégation qu’en faveur du directeur général et que le seul fait que l’article 67 de la même loi dispose que le personnel est employé en vertu du statut du personnel et de la réglementation du personnel n’implique pas que le statut ou la réglementation pourraient être adoptés en violation de la loi.

    Dans son dernier mémoire, le requérant se réfère à son mémoire en réplique et persiste à soutenir que la considération que le personnel est employé en vertu du statut du personnel et de la réglementation du personnel, ne peut signifier que le statut et la réglementation pourraient être adoptés en violation de la loi. Il souligne que l’article 67, § 1er, de la loi du 23 juillet 1926 ne trouve pas à s’appliquer en l’espèce, que le moyen n’est pas pris de la violation de cette disposition, mais de l’article 36, § 2, de cette loi, dont il résulte, selon lui, que seul le directeur général peut recevoir délégation pour poser des actes au nom de la partie adverse, l’article 67 n'en constituant qu’une exception dans le cadre du seul recrutement.

    VI.2. Appréciation

    Le requérant invoque dans son moyen «...

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