Décision judiciaire de Conseil d'État, 13 septembre 2016

Date de Résolution13 septembre 2016
JuridictionXI
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

A R R ÊT

nº 235.746 du 13 septembre 2016

A. 216.320/XI-20.717

En cause : la s.a. ROCOLUC, ayant élu domicile chez Mes Fr. TULKENS & M. VANDERSTRAETEN, avocats, chaussée de la Hulpe 120 1000 Bruxelles,

contre :

la Commission des Jeux de Hasard,

ayant élu domicile chez

Mes Ph. LEVERT et M. VELGHE, avocats, rue Defacqz 78-80 1060 Bruxelles.

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LE CONSEIL D'ÉTAT, XI e CHAMBRE,

OBJET DE LA REQUÊTE

Par une requête, recommandée à la poste le 30 juin 2015, la société anonyme ROCOLUC demande l’annulation « de la décision de la Commission des jeux de hasard, de date inconnue, d’octroyer au Casino de Namur le droit d’exploiter, sous la licence A+20635, un casino virtuel au moyen de l’URL www.circus.be ».

PROCEDURE DEVANT LE CONSEIL D’ETAT

La partie adverse a déposé le dossier administratif.

En l’absence de mémoire en réponse, la partie requérante a déposé un mémoire ampliatif.

M. le Premier auditeur chef de section E. THIBAUT a rédigé un rapport, sur la base de l’article 12 de l’arrêté du Régent du 23 août 1948 déterminant la procédure devant la section du contentieux administratif du Conseil d'État.

XI - 20.717 - 1/17

Ce rapport a été notifié aux parties.

Les parties ont chacune déposé un dernier mémoire.

Une ordonnance du 7 juin 2016, notifiée aux parties, a fixé l'affaire à l'audience de la XIe chambre du 28 juin 2016 à 10 heures.

M. le Conseiller d’Etat Y. HOUYET a fait rapport.

Me M. VANDERSTRAETEN, avocat, comparaissant pour la partie requérante, et Me M. VELGHE, avocat, comparaissant pour la partie adverse, ont présenté leurs observations.

M. le Premier auditeur chef de section E. THIBAUT a été entendu en son avis.

Il est fait application du titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973.

LES FAITS

La S.A. Rocoluc est une société anonyme de droit belge qui a pour objet l’exploitation de jeux de hasard. Elle exploite un établissement de classe II et dispose, pour ce faire, d’une licence de classe B (licence n°B3892). Elle est également titulaire d’une licence supplémentaire B+3892 qui l’autorise à exploiter des jeux de hasard de classe II sur le site www.casinobelgium.be.

Le Casino de Namur, exploité par la S.A. Gambling Management, est l’un des 9 établissements de classe I autorisés en Belgique. Il est titulaire d’une licence A20635.

Le 10 novembre 2011, la S.A. Circus Belgium demande à la Commission des jeux de hasard l’octroi d’une licence de classe B+ en vue d’exploiter des jeux de hasard de classe II au moyen de l’URL www.circus.be.

Le même jour, la S.A. Gambling Management demande à la Commission des jeux de hasard l’octroi d’une licence de classe A+ en vue d’exploiter des jeux de hasard de classe I au moyen de l’URL www.pokerstars.be.

Le 8 février 2012, la Commission des jeux de hasard octroie à la S.A. Gambling

Management la licence A+20635.

XI - 20.717 - 2/17

Le 28 mars 2012, la Commission des jeux de hasard octroie à la S.A. Circus Belgium la licence B+4031.

Le 15 septembre 2014, la Commission des jeux de hasard autorise la S.A. Gambling Management à utiliser une seconde URL (www.atomik.be) pour offrir d’autres jeux de casino que le poker en plus de l’URL www.pokerstars.be qui offre uniquement le jeu de poker.

Le 27 avril 2015, la S.A. Gambling Management demande le changement d’URL pour la licence A+20635 en substituant l’URL www.circus.be à l’URL www.atomik.be.

Le 5 juin 2015, la Commission des jeux de hasard autorise le changement d’URL sollicité. Il s’agit de l’acte attaqué.

Le 8 juin 2015, la S.A. Rocoluc constate, sur le site de la Commission des jeux de hasard, l’octroi au Casino de Namur du droit d’exploiter sa licence A+20635 non seulement au moyen de l’URL www.pokerstars.be mais également par le biais de l’URL www.circus.be.

Par un courrier du 8 juin 2015, la S.A. Rocoluc interpelle la Commission des jeux de hasard à propos de l’exploitation par le Casino de Namur de cette nouvelle URL et demande à ce que lui soit communiquée une copie de certains documents.

Ce courrier étant resté sans réponse, la S.A. Rocoluc adresse un rappel le 17 juin 2015 au Président de la Commission des jeux de hasard.

Ce dernier n’y réservant aucune suite, la S.A. Rocoluc introduit, le 30 juin 2015, le présent recours.

Le 8 juillet 2015, le conseil de la partie adverse a communiqué aux conseils de la partie requérante trois documents (formulaire de demande d’une licence supplémentaire en vue de l’utilisation de l’URL, licence A+20635 et rapport sur la demande de changement d’URL avec extrait de procès-verbal de la Commission des jeux de hasard).

LE MOYEN UNIQUE

Les arguments des parties

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La requérante soulève un moyen unique pris de la violation « des articles 10 et 11 de la Constitution, de la loi du 7 mai 1999 sur les jeux de hasard, les paris, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs, notamment ses articles 4, 6, 26, 28, 29, 34, 43/3, 43/4, 43/8, de l’arrêté royal du 19 juillet 2001 établissant la liste de jeux de hasard de classe I, de l'arrêté royal du 26 avril 2004 établissant la liste des jeux de hasard automatiques dont l'exploitation est autorisée dans les établissements de jeux de hasard de classe II, de l'arrêté royal du 22 décembre 2010 établissant la liste des jeux de hasard automatiques dont l'exploitation est autorisée dans les établissements de jeux de hasard de classe IV, de l'arrêté royal du 22 décembre 2010 concernant la forme de la licence de classe F2, les modalités d'introduction et d'examen des demandes de licence de classe F2 ainsi que les obligations auxquelles doivent satisfaire les titulaires d'une licence de classe F2 en matière d'administration et de comptabilité, notamment son article 4, du principe général de motivation interne selon lequel tout acte administratif doit reposer sur des motifs exacts, pertinents et admissibles, des articles 2 et 3 de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs, de l'erreur manifeste d'appréciation et de l'excès de pouvoir ».

Dans une première branche, la requérante expose que le Casino de Namur était déjà autorisé, sous la même licence A+20635, à exploiter un autre établissement de classe I virtuel via l’URL www.pokerstars.be, de sorte que l’acte attaqué octroie de facto deux licences A+ à un même titulaire, en violation de l’article 43/8 de la loi du 7 mai 1999.

La requérante soutient que les travaux préparatoires de la loi de 2010 portant modification de la législation relative aux jeux de hasard soulignent les risques accrus que posent les jeux de hasard offerts sur Internet et la nécessité de canaliser et de restreindre cette offre, que la réforme de 2010 entend par conséquent « lutter contre l’expansion des jeux de hasard en ligne » en autorisant notamment une « offre limitée et contrôlée », que le régime de licences supplémentaires a pour conséquence que seuls les exploitants qui bénéficient d’une licence pour l’exploitation de jeux réels peuvent offrir leurs jeux en ligne et que chaque titulaire d’une licence « réelle » ne peut obtenir au maximum qu’une seule licence « virtuelle ».

Elle ajoute qu’il ressort de la liste des titulaires de licences A+ que le casino de Namur n’est formellement porteur que d’une licence A+20635, que cette liste fait cependant apparaître que la partie adverse a autorisé le Casino de Namur à utiliser deux sites Internet distincts, que par l’acte attaqué, la partie adverse a donc autorisé l’exploitation de deux établissements virtuels de classe I sous une même licence, que ce faisant, la partie adverse a octroyé, de facto, deux licences A+ au titulaire de la

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licence physique A20635 alors que l’article 43/8, §1er, de la loi du 7 mai 1999 précité n’autorise la délivrance que d’une seule licence supplémentaire A+ au titulaire d’une licence A. Elle indique que ce dédoublement des sites Internet proposant des jeux de casino est contraire à la volonté explicite du législateur de limiter quantitativement l’offre de jeux de casinos en ligne et qu’en outre, le dédoublement de cette licence A+ du Casino de Namur revient également à autoriser une cession partielle de cette licence par son titulaire (casino de Namur) à un tiers (Pokerstars) alors que l’article 26 de la loi précitée interdit de céder une licence octroyée.

Dans une seconde branche, la requérante expose que l’URL www.circus.be est utilisée à la fois par le Casino de Namur aux fins de l’exploitation d’un établissement de classe I virtuel, par la S.A. Circus Belgium aux fins de l’exploitation d’un établissement de classe II virtuel et par la S.A. Circus Belgium aux fins de l’exploitation d’un établissement de classe IV virtuel. Elle estime qu’un tel cumul est exclu par les dispositions visées au moyen.

La requérante indique que la licence supplémentaire « ne peut porter que sur l’exploitation de jeux de même nature que ceux offerts dans le monde réel », que dans le monde réel, les établissements de classe II « sont des établissements dans lesquels sont exploités exclusivement les jeux de hasard autorisés par le Roi », que dans le monde réel, les établissements de jeux de hasard de classe IV « sont des établissements exclusivement destinés à engager des paris autorisés...

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