Décision judiciaire de Conseil d'État, 3 février 2016

Date de Résolution 3 février 2016
JuridictionXIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ETAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R E T

nº 233.720 du 3 février 2016

A. 210.538/XIII-6781

En cause : LEGRAND Alain, ayant élu domicile chez Me Benoit HAVET, avocat, allée de Clerlande 3 1340 Ottignies-Louain-la-Neuve,

contre :

la Région wallonne, représentée par son Gouvernement, ayant élu domicile chez Me Xavier DRION, avocat, rue Hullos 103-105 4000 Liège.

Partie intervenante :

la Société privée à responsabilité limitée IMOGES, ayant élu domicile chez Mes Grégory WINAND et Guillaume BURTON, avocats, boulevard de la Meuse 114 5100 Jambes. ------------------------------------------------------------------------------------------------------ LE CONSEIL D'ETAT, XIIIe CHAMBRE,

Vu la requête unique introduite le 24 octobre 2013 par Alain LEGRAND en ce qu'il demande l'annulation du permis d'urbanisme délivré le 21 août 2013 par le Ministre de l'Environnement, de l'Aménagement du Territoire et de la Mobilité relatif à un bien sis à Ecaussinnes, rue Victor Cuvelier et cadastré section A, nº 569m et ayant pour objet la construction d'un immeuble de 26 appartements et parkings;

Vu la requête introduite le 18 novembre 2013 par laquelle la société privée à responsabilité limitée (S.P.R.L.) IMOGES demande à être reçue en qualité de partie intervenante;

XIII - 6781 - 1/15

Vu l'arrêt nº 227.120 du 15 avril 2014 accueillant la requête en intervention introduite par la S.P.R.L. IMOGES, rouvrant les débats, renvoyant l'affaire à la procédure ordinaire et réservant les dépens;

Vu l'arrêt nº 227.736 du 18 juin 2014 rejetant la demande de suspension de l'exécution de l'acte attaqué et réservant les dépens;

Vu la notification de l'arrêt aux parties;

Vu la demande de poursuite de la procédure introduite le 10 juillet 2014 par la partie requérante;

Vu l'ordonnance du 28 août 2014 accueillant la requête en intervention introduite par la S.P.R.L. IMOGES dans la procédure au fond;

Vu les mémoires en réponse et en réplique régulièrement échangés;

Vu le mémoire en intervention;

Vu le rapport de M. TELLIER, auditeur au Conseil d'Etat, établi sur la base de l'article 12 du règlement général de procédure;

Vu la notification du rapport aux parties et les derniers mémoires;

Vu l'ordonnance du 19 octobre 2015, notifiée aux parties, fixant l'affaire à l'audience du 3 décembre 2015 à 9.30 heures;

Entendu, en son rapport, M. HANOTIAU, président de chambre;

Entendu, en leurs observations, Me E. MAIGRE, loco Me B. HAVET, avocat, comparaissant pour la partie requérante, Me X. DRION, avocat, comparaissant pour la partie adverse, et Me G. BURTON, avocat, comparaissant pour la partie intervenante;

Entendu, en son avis conforme, M. TELLIER, auditeur;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973;

Considérant que les faits utiles à l'examen de la cause ont été exposés dans l'arrêt nº 227.120 du 15 avril 2014 qui a rouvert les débats;

XIII - 6781 - 2/15

Considérant que le requérant prend un moyen - le cinquième de la requête - "du dépassement du délai raisonnable et de l'excès de pouvoir"; qu'il fait valoir que lorsqu'aucun délai de traitement d'un dossier n'est fixé par la législation, il n'en demeure pas moins qu'un délai raisonnable doit toujours être respecté, que ce principe du délai raisonnable est le corollaire des principes de sécurité juridique et de légitime confiance et que si le délai raisonnable est dépassé, l'autorité administrative, saisie sur recours, est considérée comme dessaisie de son recours et devient incompétente pour en connaître; qu'il ajoute que le caractère raisonnable s'apprécie en fonction de la possibilité pour l'autorité de recours de disposer de tous les éléments de fait, renseignements et avis qui lui permettent de statuer en connaissance de cause et qu'il convient également, pour apprécier le délai raisonnable, de prendre en compte ce qui a été réalisé pendant ce délai qui pourrait justifier un retard dans le traitement du recours;

Considérant qu'en l'espèce, le requérant constate que le recours contre la décision de refus de permis de la commune d'Ecaussinnes du 20 septembre 2011 a été introduit le 21 novembre 2011 et que la commission d'avis sur les recours a remis son avis le 5 janvier 2012; qu'il en déduit que le Ministre était en possession de tous les avis requis dès cette date; qu'il constate que l'acte attaqué n'a été pris qu'en date du 21 août 2013, soit 20 mois plus tard et ce, sans motif justifiant ce retard; qu'il allègue qu'il ne s'agissait pas d'un dossier complexe, que tous les avis émis étaient défavorables et convergents, détaillés, précis et qu'aucune autre mesure d'instruction ne se justifiait; qu'il en conclut que le Ministre a statué dans un délai déraisonnable et, partant, qu'il n'était plus compétent pour adopter l'acte attaqué, de sorte que ce dernier est irrégulier;

Considérant que la partie adverse reconnait que l'avis de la commission de recours lui a été adressé par un courrier du 19 janvier 2012, de sorte que 19 mois se sont écoulés entre la réception de cet avis et l'adoption de l'acte attaqué le 21 août 2013; qu'elle précise qu'en tant qu'autorité de recours, elle ne peut pas solliciter l'avis du fonctionnaire délégué lorsque le collège communal s'en est abstenu; qu'elle vise ensuite l'article 121, alinéa 1er, du Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme, du patrimoine et de l'énergie (CWATUPE) qui prescrit que l'autorité de recours doit envoyer sa décision au demandeur, au collège communal et au fonctionnaire délégué dans les 75 jours à dater de la réception du recours; qu'elle rappelle qu'il s'agit là d'un délai d'ordre, qu'en cas de dépassement de ce délai, le demandeur dispose de la possibilité d'adresser un rappel, rappel qui fait cette fois débuter un délai de rigueur de 30 jours et qu'en cas de dépassement du délai, la décision dont recours est confirmée (article 121, alinéa 3, du CWATUPE); qu'elle

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précise, doctrine à l'appui, que la lettre de rappel n'est qu'une faculté, offerte au seul demandeur;

Considérant que la partie adverse revient sur le premier délai d'ordre de 75 jours et indique que celui-ci est fixé dans l'intérêt exclusif du demandeur (C.E., arrêt nº 26.909 du 23 septembre 1986, WINGERINCKX); qu'à son estime, l'idée sous-jacente est que la seule personne préjudiciée par l'inertie de l'administration est le demandeur de permis et non les tiers;

Considérant qu'en l'espèce, elle affirme que le demandeur de permis n'a pas été lésé par l'écoulement du temps, auquel cas il aurait adressé une lettre de rappel à l'autorité de recours;

Considérant que la partie adverse aborde ensuite la notion de dépassement du délai raisonnable, développé principalement à propos des affaires relatives à des sanctions disciplinaires; que, selon elle, considérer en l'espèce que le délai raisonnable est dépassé reviendrait à sanctionner le demandeur de permis en le privant de l'autorisation qui lui a été octroyée, ce qui est en contradiction avec la jurisprudence développée par le Conseil d'Etat;

Considérant, subsidiairement, que la partie adverse souligne que le Conseil d'Etat sanctionne généralement un délai de prise de décision de plusieurs années; qu'à son avis, ce n'est pas le cas en l'espèce; qu'elle fait valoir que l'arrêt du Conseil d'Etat nº 81.975 du 3 août 1999, BOURGEOIS, sanctionnant en référé le dépassement du délai raisonnable, invoqué dans le rapport de l'auditeur adopté sur la base de l'article 93 du règlement général de procédure, n'est pas transposable en l'espèce dès lors qu'il s'agissait d'une affaire d'environnement et non d'urbanisme, la décision prise après un délai de 10 mois l'ayant été au terme d'une procédure administrative différente; qu'elle estime, en outre, que la sanction prônée par le Conseil d'Etat visait à protéger le demandeur de l'autorisation d'exploiter;

Considérant qu'elle ajoute qu'en l'espèce, le requérant ne...

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