Décision judiciaire de Conseil d'État, 8 mars 2013

Date de Résolution 8 mars 2013
JuridictionVI
Nature Arrêt

CONSEIL D'ETAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R E T

nº 222.782 du 8 mars 2013

G./A.207.970/VI-19.904

En cause : la société civile sous forme de société privée à responsabilité limitée E.H.J.J.M. et consorts,

ayant élu domicile chez

Me Alain DELFOSSE, avocat, avenue Louise, nº 106, 1050 Bruxelles,

contre :

la ville de Mons,

ayant élu domicile chez

Me Ann Lawrence DURVIAUX, avocat, rue de Bèze en Bourgogne, nº 62, 5000 Namur.

Partie intervenante :

la société civile sous forme de société privée à responsabilité limitée Jean-Pierre BRUYNOOGHE,

ayant élu domicile chez

Mes Gauthier ERVYN et Johan VANDEN EYNDE, avocats, avenue de la Toison d'Or, nº 77, 1060 Bruxelles.

------------------------------------------------------------------------------------------------------ LE PRESIDENT F.F. DE LA VIe CHAMBRE DU CONSEIL D'ETAT, SIEGEANT EN REFERE,

I. OBJET DE LA REQUETE

Par une requête unique introduite le 14 février 2013, la société civile sous forme de société privée à responsabilité limitée E.H.J.J.M. et consorts sollicite l'annulation et la suspension, selon la procédure d'extrême urgence, de l'exécution de :

" la décision prise par la partie adverse le 22 novembre 2012 (selon sa lettre recommandée du 29 janvier 2013) ou le 29 novembre 2012 (selon l’extrait du procès-verbal de la séance du Collège communal du 29 novembre 2012 qui est annexé à cette lettre) de ne pas retenir son offre pour le marché public de services juridiques intitulé «Désignation d’un huissier de justice» référence BO/2013/S/HUISSIER/AD et d’attribuer ce marché à la société civile sous forme de société privée à responsabilité limitée Jean-Pierre Bruynooghe, dont le siège

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social est établi rue du Peuple, 4/2A à 7370 Dour, inscrite à la Banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0871.025.059".

La requérante affirme que cette décision a été portée à sa connaissance par lettre recommandée du 29 janvier 2013.

II. PROCEDURE DEVANT LE CONSEIL D'ETAT

La société civile sous forme de société privée à responsabilité limitée Jean-Pierre BRUYNOOGHE a, par une requête introduite le 28 février 2013, demandé à être reçue en qualité de partie intervenante dans la procédure en suspension d'extrême urgence.

Une ordonnance du 18 février 2013, notifiée aux parties, convoque celles-ci à comparaître le 1er mars 2013 à 10 heures 30.

La partie adverse a fait parvenir une note d'observations et le dossier administratif.

M. le Conseiller d'Etat, Président f.f., Paul LEWALLE, a exposé son rapport.

Me Alain DELFOSSE, avocat, comparaissant pour la partie requérante, Me Ann Lawrence DURVIAUX, avocat, comparaissant pour la partie adverse, et Me Johan VANDEN EYNDE, avocat, comparaissant pour la partie intervenante, ont présenté leurs observations.

Mme l'Auditeur au Conseil d'Etat, Elisabeth WILLEMART, a été entendue en son avis conforme.

Il est fait application du titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973.

III. EXPOSE DES FAITS

III. 1. La requérante est une société civile sous forme de société privée à responsabilité limitée constituée par acte du 15 décembre 2000.

Aux termes de l’article 3 de ses statuts, elle a pour objet "toutes les activités matérielles, sociales, financières et fiscales qui rentrent dans l’exercice de la fonction d’huissier".

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III. 2. La partie adverse a fait publier un avis de marché pour un marché public de services juridiques dans le Bulletin des adjudications du 18 août 2012 (numéro BDA : 2012-518425).

III. 3. Selon l’avis de marché, l’intitulé de celui-ci est : "Désignation d’un huissier de justice" (sub II.1.1).

Il comporte la description suivante de l’objet du marché :

" Ce marché de services vise l’accomplissement de toutes les interventions judiciaires et extrajudiciaires permettant le recouvrement des sommes dues à l’Administration Communale de la Ville de Mons.

Le présent marché s’entend pour une durée de trois ans, prenant cours le lendemain de la date inscrite dans le courrier de notification, et prenant fin trois ans à dater de celle-ci.

Le présent marché doit être défini comme un marché à bon de commande pour lequel l’Administration se réserve le droit d’adapter les commandes aux besoins, ceux-ci n’étant pas arrêtés à priori.

Le Pouvoir Adjudicateur ne juge pas pertinent de communiquer le volume global supputé de dossiers car il ne reflète pas les éventuelles grandes fluctuations ponctuelles qui peuvent être rencontrées.

Le choix de la procédure implique toutefois que l’estimation du marché se situe au-delà de 200.000,- Euro HTVA pour les trois ans" (sub II.1.5).

L’avis mentionne la classification C.P.V. 79100000 (sub II.1.6), fixe la durée du marché ou du délai d’exécution à 36 mois (sub II.3), prévoit que le type de procédure est la procédure ouverte (sub IV.1.1), stipule comme critères d’attribution l’offre économiquement la plus avantageuse appréciée en fonction des critères énoncés dans le cahier des charges, dans l’invitation à soumissionner ou à négocier ou encore dans le document descriptif (sub IV.2.1), fixe la date limite de réception des offres au 15 octobre 2012 à 14 heures 30 (sub IV.3.4), date reportée au 22 octobre 2012 par l’avis rectificatif publié au Bulletin des Adjudications du 12 octobre 2012 (numéro BDA : 2012-523781), fixe la date d’ouverture des offres au 15 octobre 2012 à 14 heures 30 (sub IV.3.8) et indique que l’instance chargée des procédures de recours est le Conseil d’Etat (sub VI.4.1).

III. 4. Six soumissionnaires ont déposé une offre :

- la S.C.R.L. INTERMEDIANCE & PARTNERS & Bernard PAULUS; - la S.P.R.L. V.E.D.; - la S.A.S.P.J. Ghislain DORMONT - Georges GOREZ - Geoffrey GUILLAUME; - Bertrand WAMBERSY & Walter SCHOTTE;

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- la S.P.R.L. E.H.J.J.M.et consorts, partie requérante; - la S.P.R.L. Jean-Pierre BRUYNOOGHE, partie intervenante.

III. 5. Par une lettre du 29 janvier 2013, la partie adverse a fait savoir à la requérante que le collège communal, en sa séance du 22 novembre 2012, n’avait pas retenu son offre et avait décidé d’attribuer le marché à la société Jean-Pierre BRUYNOOGHE.

Etaient joints à cette lettre :

- un extrait du procès-verbal de la séance du collège communal du 29 novembre 2012; - l’analyse administrative; - l’analyse technique.

Cette lettre recommandée et ses trois annexes forment ensemble la décision motivée d’attribution du marché.

Il s’agit de la décision attaquée.

IV. REQUETE EN INTERVENTION

Par une requête introduite le 28 février 2013, la société civile sous forme de société privée à responsabilité limitée Jean-Pierre BRUYNOOGHE demande à pouvoir intervenir dans la présente procédure.

Cette société étant l’attributaire du marché litigieux, elle a intérêt à se porter partie intervenante.

V. EXTREME URGENCE

La requérante soutient que la partie adverse a porté la décision motivée d’attribution du marché à sa connaissance par lettre recommandée du 29 janvier 2013, que cette communication n’a été effectuée ni par télécopieur, ni par un courrier électronique, ni par tout autre moyen électronique, comme le prévoit l’article 65/8, § 1er, alinéa 3, de la loi du 24 décembre 1993, que la méconnaissance de la formalité de la double communication a pour conséquence que les délais du recours en annulation et de la demande de suspension n’ont pas encore pris cours et qu’en toute hypothèse, elle a introduit son recours en annulation et sa demande de suspension le 14 février 2013, soit le quinzième jour suivant la réception par elle de la lettre recommandée de la partie adverse du 29 janvier 2013.

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Dans ces circonstances, qui ne sont pas contredites par la partie adverse, l’extrême urgence paraît suffisamment établie.

VI. MOYEN UNIQUE

VI. 1. Arguments des parties

A. Requête

La requérante prend un moyen unique, qu’elle formule en ces termes :

" A. Dispositions constitutionnelles, légales et réglementaires ainsi que principes généraux du droit violés

Le moyen unique d’annulation est pris de la violation :

- des articles 10 et 11 de la Constitution, ainsi que du principe général d’égalité de traitement; - des articles 2 et 3 de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs; - de l’article 16 de la loi du 24 décembre 1993 relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fourniture et de services; - des articles 110 §§ 1er à 3, 114 et 115 de l’arrêté royal 8 janvier 1996 relatif aux marchés publics de travaux, de fournitures et de services et aux concessions de travaux publics; - des articles 1 à 3 de l’arrêté royal du 26 septembre 1996 établissant les règles générales d’exécution des marchés publics et des concessions de travaux publics; - de l’article 67 du cahier général des charges des marchés publics de travaux, de fournitures et de services et des concessions de travaux publics annexé à l’arrêté royal du 26 septembre 1996 établissant les règles générales d’exécution des marchés publics et des concessions de travaux publics; - des articles 11 et 19, alinéa 1er, 1°, du Code des droits d’enregistrement, d’hypothèque et de greffe, dans sa version applicable en Région wallonne; - des principes généraux de bonne administration que sont les principes de confiance, de précaution, de proportionnalité, de sécurité juridique et de transparence; - du principe général «patere legem quam ipse fecisti»".

B. Préambule

Avant d’exposer ses griefs, la requérante entend rappeler les passages pertinents :

- du cahier spécial des charges; - de la décision motivée d’attribution du marché.

1) Cahier spécial des charges

Le cahier spécial des charges prévoit ce qui suit :

CHOIX DE L’ADJUDICATAIRE EN APPEL D’OFFRES – CRITERES D’ATTRIBUTION

Article 115

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Pour la détermination de l’offre régulière la plus intéressante, le Collège

Communal tiendra compte des critères d’attribution repris-ci après, à savoir :

1- Pour le volet des interventions judiciaires 50 points

a) Délai...

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