Décision judiciaire de Conseil d'État, 16 octobre 2012

Date de Résolution16 octobre 2012
JuridictionVI
Nature Arrêt

CONSEIL D'ETAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R E T

nº 221.041 du 16 octobre 2012

G./A.202.806/VI-19.362

En cause : QUATACKER Jean-Pierre,

ayant élu domicile chez

Me Michel LEGAU, avocat, avenue Léon Mahillon, no 55, 1030 Bruxelles,

contre :

la Région de Bruxelles-Capitale, représentée par son Gouvernement,

ayant élu domicile chez

Me Jérôme SOHIER, avocat, avenue Emile De Mot, nº 19, 1000 Bruxelles.

------------------------------------------------------------------------------------------------------ LE CONSEIL D'ETAT, VIe CHAMBRE,

  1. OBJET DE LA REQUETE

    Par une requête introduite le 9 décembre 2011, Jean-Pierre QUATACKER demande l'annulation de la décision du fonctionnaire délégué du 13 octobre 2011 déclarant son recours recevable, mais non fondé et confirmant l'amende administrative de 16.900 euros pour le logement situé rue Van Helmont, 33 à 1000 Bruxelles (chambre 408).

  2. PROCEDURE DEVANT LE CONSEIL D'ETAT

    Les mémoires en réponse et en réplique ont été régulièrement échangés.

    Le dossier administratif a été déposé.

    Mme l'Auditeur au Conseil d'Etat, Nathalie VAN LAER, a rédigé un rapport.

    VI – 19.362 - 1/28

    Le rapport a été notifié aux parties. La partie requérante a déposé un dernier mémoire.

    Une ordonnance du 24 août 2012, notifiée aux parties, fixe l'affaire à l'audience du 26 septembre 2012.

    Mme le Président de chambre, Odile DAURMONT, a exposé son rapport.

    Me Michel LEGAU, avocat, comparaissant pour la partie requérante et Me Jérôme SOHIER, avocat, comparaissant pour la partie adverse, ont présenté leurs observations.

    Mme l'Auditeur, Nathalie VAN LAER, a été entendue en son avis conforme.

    Il est fait application du titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973.

  3. EXPOSE DES FAITS

  4. 1. A la suite d’une plainte introduite le 7 février 2011 par l’association sans but lucratif Convivence, les services de la partie adverse ont procédé, le 24 février 2011, à la visite du logement situé rue Van Helmont, 33 à 1000 Bruxelles (chambre 408 qui, selon la plainte, était occupée par G. H.). Cette visite s’est déroulée en l’absence du requérant pourtant averti par un courrier recommandé du 11 février 2011.

  5. 2. Par un courrier du 18 février 2011, le requérant a indiqué que G. H. n’était plus locataire depuis le 1er février 2010 à la suite d’un renon qui lui avait été adressé par recommandé. Le 30 mars 2011, l’inspection régionale du Logement a répondu à ce courrier en indiquant qu’il appartenait au juge de paix de se prononcer sur la valeur légale d’un renon et qu’elle estimait, pour sa part, qu’il y avait bien location en cours lorsqu’existaient, au jour de la visite des lieux, un contrat de bail, des preuves de paiement de loyer et la preuve de l'habitation du bien.

  6. 3. Le 5 mai 2011, l’inspection régionale du Logement a, d’une part, prononcé une interdiction immédiate de continuer à mettre le logement en location ou de le louer ou de le faire occuper et, d’autre part, estimé le montant total de l’amende administrative à 16.900 euros sous réserve des observations et moyens à faire valoir par le bailleur.

    VI – 19.362 - 2/28

    III. 4. Par un courrier daté du 3 juin 2011 et reçu le 6 juin 2011, le requérant a introduit, auprès du fonctionnaire délégué, un recours dirigé contre l’interdiction immédiate de continuer à mettre le logement en location ou de le louer ou de le faire occuper. Ce recours exposait que la plainte était irrecevable puisque les lieux étaient vides, en voie de rénovation et ne faisaient l’objet que d’une occupation illicite, le bail ayant pris fin à la suite du renon recommandé du 29 juillet 2009. Le 23 juin 2011, le fonctionnaire délégué a déclaré ce recours recevable, mais non fondé et a, en conséquence, confirmé l’interdiction de continuer à mettre le logement en location ou de le louer ou de le faire occuper. L'arrêt no 221.039 de ce jour a rejeté le recours introduit contre cette décision devant le Conseil d'Etat.

  7. 5. Le 31 août 2011, le bourgmestre de la ville de Bruxelles a pris un arrêté interdisant de continuer à mettre en location, de louer ou de faire occuper le logement concerné à dater de sa notification et chargeant le commissaire divisionnaire de police - chef de corps de veiller à son respect. L'arrêt nº 221.040 de ce jour a rejeté le recours introduit contre cette décision devant le Conseil d'Etat.

  8. 6. Le 13 septembre 2011, l’amende administrative de 16.900 euros a été intégralement maintenue.

  9. 7. Par un courrier daté du 23 septembre 2011, le requérant a introduit, auprès du fonctionnaire délégué, un recours dirigé contre la décision lui infligeant cette amende.

  10. 8. Le 13 octobre 2011, le fonctionnaire délégué a déclaré le recours du requérant recevable, mais non fondé et a, en conséquence, confirmé le montant de l’amende de 16.900 euros. Il s’agit de l’acte attaqué.

  11. PREMIER ET DEUXIEME MOYENS

  12. 1. Arguments des parties

    1. Le requérant prend un premier moyen de la violation des droits de la défense et du principe du contradictoire, des articles 14.3, e, et g du Pacte International du 19 décembre 1966 de New York, relatif aux droits civils et politiques et de l’article 6.2 et 3, d) de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

      VI – 19.362 - 3/28

      Il soutient que, pour assurer correctement sa défense, il est en droit de prendre connaissance de l’intégralité du dossier de l’administration, y compris la plainte initiale et toutes les démarches et contacts qui ont eu lieu entre l’administration, l’auteur de la plainte et les différents intervenants et qu’il est également en droit d’interroger ou de faire interroger les témoins à charge, fût-il le dénonciateur. Il explique que l’administration a indiqué par une lettre du 27 mai 2011 qu’elle ne pouvait accepter de divulguer toutes ces informations, ce qu’il n’estime pas acceptable.

      Il souligne que l’arrêt n° 213.842 du 15 juin 2011 ne dispense nullement l’administration de respecter ces principes de base de tout Etat démocratique que sont les droits de la défense et le principe du contradictoire, lesquels constituent par ailleurs des principes généraux de droit et fait valoir que l'ordonnance du 17 juillet 2003 portant le Code bruxellois du Logement, en son article 15, impose du reste au fonctionnaire dirigeant de respecter les droits de la défense et le principe du contradictoire, puisque son article 14 lui impose d’entendre le "bailleur" ou réputé tel, avant l’imposition de l’amende administrative. Il observe que le même code n’impose bien entendu pas à l’administration de soustraire des pièces du dossier à communiquer à la personne faisant l’objet des poursuites et qui doit assurer sa défense. Il juge qu’il n’y a aucun intérêt légitime, en l’espèce, à taire le nom du dénonciateur, et encore moins à celer les contacts, écrits et/ou pièces échangés avec lui, qu’il n’est pas allégué que le dénonciateur, qui serait apparemment une association sans but lucratif spécialisée dans ce type d’activité et en fait état urbi et orbi, puisse craindre pour la personne de ses membres ou pour sa réputation et qu’il n’incombe pas non plus à l’administration d’être juge et partie pour examiner la pertinence et/ou la régularité de la procédure, ou déterminer en lieu et place du bailleur s’il importe à la défense de ses intérêts de mettre en cause la recevabilité et/ou le bien fondé de la plainte.

      Il considère qu’il résulte du reste de la décision attaquée que le refus de production de l’intégralité du dossier afin de taire l’identité du dénonciateur est une pétition de principe et un comportement général et systématique de l’administration dans tous ses dossiers, qui ne reposent sur aucune motivation sérieuse alors que le formulaire de plainte et son accusé de réception, notamment, qui constituent des pièces de procédure de base, n’ont pas à être soustraits du dossier, et partant, à la contradiction des débats. Il fait valoir que rien n’indique non plus que d’autres pièces n’aient pas également été soustraites du dossier.

      Le requérant prend un deuxième moyen de la violation des articles 4 et 5 de la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l’administration et de l’article 10, § 1er, de l’ordonnance du 30 mars 1995 relative à la publicité de l’administration.

      VI – 19.362 - 4/28

      Il relève que la décision attaquée n’est pas sérieusement ni adéquatement motivée au regard de l’article 10, § 1er, de l’ordonnance du 30 mars 1995 relative à la publicité de l’administration, car l’administration prétend soustraire des pièces du dossier pour taire l’identité d’un dénonciateur dont elle révèle néanmoins le nom, et dont elle reconnaît que le requérant connaîtrait déjà l’identité.

      Il observe qu’il n’est pas non plus invoqué, et pour cause, que l'association Convivence aurait "communiqué le document ou l’information à titre confidentiel", comme l’exige le 8° de l’article 10, § 1er, de l’ordonnance du 30 mars 1995 précitée et qu’on voit mal comment cette association pourrait agir "à titre confidentiel", alors qu’elle fait de la dénonciation de faits supposés punissables par rapport au Code bruxellois du Logement, son activité principale ou l’une de ses activités principales, qu’elle fait même de la publicité pour son activité de dénonciateur dans des dépliants toutes-boîtes, et serait agréée en cette qualité par l’administration et qu’il s’agit donc d’un professionnel qui ne se cache pas de son activité.

      Il explique que le formulaire de plainte et son accusé de réception constituent par ailleurs des pièces de procédure, et ne peuvent dès lors pas, en tout état de cause, être soustraits du dossier et qu’il en va de même d’autres pièces ou informations que l’administration aurait enlevées du dossier.

    2. Dans son mémoire en réponse, en ce qui concerne le premier moyen, la partie adverse explique, tout d’abord, que le moyen manque en droit en tant qu’il est pris d'une violation des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et...

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