Décision judiciaire de Conseil d'État, 25 octobre 2011

Date de Résolution25 octobre 2011
JuridictionXV
Nature Arrêt

CONSEIL D’ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

A R R Ê T

nº 215.988 du 25 octobre 2011

A. 201.647/XV-1683

En cause : CORMAN Benoît, ayant élu domicile chez Me L. DEHIN, avocat, Mont Saint-Martin 68 4000 Liège,

contre :

l’État belge, représenté par le Ministre de l’Intérieur. -----------------------------------------------------------------------------------------------------

LE PRÉSIDENT F.F. DE LA XV e CHAMBRE SIÉGEANT EN RÉFÉRÉ,

Vu la requête unique introduite le 5 septembre 2011 par Benoît CORMAN, en tant qu’elle demande la suspension de l’exécution de la décision du Ministre de l’Intérieur du 1er juillet 2011 lui refusant le renouvellement de la carte d’identification d’agent de gardiennage en vue de lui permettre d’exercer des activités dirigeantes et d’exécution au sein de la société anonyme FULL SECURITY;

Vu le dossier administratif et la note d’observations déposée par la partie adverse;

Vu le rapport de M. E. THIBAUT, premier auditeur au Conseil d’État, rédigé sur la base de l’article 12 de l’arrêté royal du 5 décembre 1991 déterminant la procédure en référé devant le Conseil d’État;

Vu l’ordonnance du 7 octobre 2011 fixant l’affaire à l’audience du 18 octobre 2011 à 14 heures;

Vu la notification aux parties du rapport et de l’avis de fixation à l’audience;

Entendu, en son rapport, M. Ph. QUERTAINMONT, conseiller d’État, président de chambre f.f.;

XV R - 1683 - 1/13

Entendu, en leurs observations, Me L. DEHIN, avocat, comparaissant pour le requérant, et M. Ph. JACQUEMYNS, attaché, comparaissant pour la partie adverse;

Entendu, en son avis conforme, M. E. THIBAUT, premier auditeur;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d’État, coordonnées le 12 janvier 1973;

Considérant que les faits utiles à l’examen de la demande de suspension se présentent ainsi qu’il suit :

  1. Le requérant est agent de sécurité et travaille sous statut d’indépendant pour le compte de la société FULL SECURITY. À ce titre il est détenteur d’une carte d’identification d’agent de gardiennage, octroyée en juillet 2005 pour une période s’étendant jusqu’au 14 juillet 2010.

    Le 21 janvier 2010, l’entreprise de gardiennage précitée introduit une demande de renouvellement de la carte d’identification, afin de permettre au requérant d’exercer des fonctions dirigeantes et d’exécution au sein de la société.

  2. Antérieurement, le 5 août 2008, la zone de police Condroz-Famenne a informé les services du SPF Intérieur des «agissements des agents de FULL SECURITY», en rapport avec son intervention au dancing «Le Trébuchet» à Ciney, le 8 mars 2008. L’enquête a établi que des faits de coups et blessures volontaires ont été commis par les agents de sécurité, dont le requérant, sur un client. Ces faits ont été suivis de dégradations de la part du client et un enregistrement vidéo confirmant les coups portés par les agents sur le client à sa sortie de la discothèque a été saisi. Ces agents de sécurité sont également accusés d’avoir porté des coups sur la compagne du client et d’avoir brisé la vitre arrière de sa voiture au moment où ils quittaient les lieux.

    Le 18 septembre suivant, les services de la partie adverse demandent à la police fédérale l’exécution d’une enquête relative aux conditions de sécurité du requérant.

  3. Une demande est également adressée au procureur du Roi de Dinant en vue de connaître la suite réservée aux procès-verbaux concernant le requérant.

    Après plusieurs échanges de courriers se rapportant à l’information en cours et aux devoirs complémentaires, le procureur du Roi indique le 7 septembre 2009 qu’une citation à comparaître devant le tribunal correctionnel a été établie dans le chef du requérant.

    XV R - 1683 - 2/13

    Par un jugement en date du 26 octobre 2010, le tribunal correctionnel de Dinant dit établie la prévention de coups et blessures volontaires dans le chef du prévenu CORMAN, mais ordonne la suspension simple du prononcé de la condamnation du requérant pendant une durée de trois ans.

    Le parquet a interjeté appel de ce jugement.

  4. Le 6 janvier 2011, l’inspecteur de police détaché auprès des services de la partie adverse établit un rapport d’enquête sur les conditions de sécurité relatives au requérant. Ce rapport met en exergue le jugement précité du tribunal correctionnel de Dinant.

    Le 18 janvier suivant, la commission «enquête sur les conditions de sécurité» instituée au sein du S.P.F. Intérieur estime que le requérant ne satisfait pas aux conditions de sécurité et qu’une procédure visant au refus de la délivrance d’une carte d’identification doit être mise en œuvre.

  5. Après consultation du dossier administratif dans les bureaux du SPF Intérieur, l’avocat du requérant fait part de ses observations le 12 avril 2011. Il minimise notamment la gravité de l’unique fait reproché au requérant et souligne que ce fait a déjà été sanctionné par le tribunal correctionnel et n’a entraîné ni sanction ni retrait de la carte d’identification délivrée en 2005 par l’administration.

  6. Le 1er juillet 2011, la Ministre de l’Intérieur prend néanmoins une décision de refus de renouvellement de la carte d’identification d’agent de gardiennage du requérant. Cette décision négative se fonde notamment sur la motivation suivante :

    Le Tribunal correctionnel de Dinant a prononcé en date du 26 octobre 2010 son jugement […].

    Vous étiez prévenu d’avoir, avec trois autres personnes, à Ciney, le 8 mars 2008 : • Volontairement fait des blessures ou porté des coups à DASTROY Benoît, coups et blessures ayant causé une maladie ou une incapacité de travail personnel (prévention A1); • Volontairement fait des blessures ou porté des coups à FLOHYMONT Virginie (prévention B2); • Détruit en tout ou en partie, ou mis hors d’usage à dessein de nuire le véhicule VW Lupo au préjudice de DASTROY Benoît et FLOHYMONT Virginie (prévention C3).

    Le Tribunal correctionnel relève dans son jugement :

    " Les prévenus CORMAN, DALECHAMPS et FOKAN reconnaissent avoir porté des coups à monsieur DASTROY mais contestent être les auteurs des violences commises à l’encontre de mademoiselle FLOHYMONT.

    Ils contestent également la prévention C3.

    Le prévenu DETAL, quant à lui, nie toute implication dans les faits reprochés, qu’il s’agisse des coups portés à monsieur DASTROY et mademoiselle FLOHYMONT, ou des dégradations occasionnées au véhicule de ceux-ci.

    XV R - 1683 - 3/13

    Les prévenus minimisent leurs actes en affirmant qu’ils ont simplement tenté de maîtriser monsieur DASTROY, qui était très énervé, et qui se trouvait sous l’influence de l’alcool, et peut-être de produits stupéfiants.

    Ils précisent qu’au cours de la soirée, il avait importuné les clients de la discothèque, raison pour laquelle monsieur CORMAN, qui travaillait pour le compte de la société Full Security, l’a fait sortir de l’établissement.

    Une fois dehors, il s’est mis à briser des spots d’éclairage, et il a été nécessaire de le plaquer au sol, avec l’aide de ses collègues DALECHAMPS et DETAL.

    Les prévenus CORMAN et DALECHAMPS affirment que c’est monsieur DASTROY qui a lui-même porté des coups à sa petite amie, mademoiselle FLOHYMONT.

    Monsieur FOKAN, qui ne travaillait pas, à la différence des trois autres prévenus, pour le compte de la société Full Security, a été interrogé plus d’un an après les faits.

    Après avoir visionné les images tirées de la caméra de surveillance, il reconnaît être l’auteur de coups à l’encontre de monsieur DASTROY mais ne peut donner aucune explication sur son comportement.

    La version des prévenus CORMAN, DALECHAMPS et DETAL ne coïncident pas avec celle des victimes, monsieur DASTROY et mademoiselle FLOHYMONT.

    Ceux-ci déclarent qu’après être sorti de la discothèque, monsieur DASTROY s’est retrouvé plaqué au sol, maintenu par deux agents de sécurité, pendant qu’un troisième lui donnait des coups de pied et de poing au visage.

    Les agents de sécurité sont tous trois rentrés et c’est à ce moment que monsieur DASTROY, de rage, a dégradé les spots d’éclairage situés à l’entrée.

    Alors que monsieur DASTROY avait finalement accepté de monter, avec les deux personnes qui les accompagnaient, dans...

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