Décision judiciaire de Conseil d'État, 21 octobre 2010

Date de Résolution21 octobre 2010
JuridictionXIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ETAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R E T

no 208.341 du 21 octobre 2010 A. 195.744/XIII-5502

En cause : 1. KEMPINAIRE Michèle, 2. VAN GRUNDERBEEK Patrick, 3. VAN CUTSEM Eric, ayant tous élu domicile chez Me Jacques SAMBON, avocat, rue des Coteaux 227 1030 Bruxelles,

contre :

la Région wallonne,

représentée par son Gouvernement, ayant élu domicile chez Me Pierre MOËRYNCK, avocat, avenue Georges Henri 431 1200 Bruxelles.

Partie intervenante :

la Société anonyme ASPIRAVI,

ayant élu domicile chez

Me Jean-François DE BOCK, avocat, chaussée de Waterloo 612 1050 Bruxelles.

------------------------------------------------------------------------------------------------------LE PRESIDENT F.F. DE LA XIII e CHAMBRE DES REFERES,

Vu la requête unique introduite le 5 mars 2010 par Michèle KEMPINAIRE, Patrick VAN GRUNDERBEEK et Eric VAN CUTSEM, en tant qu'elle demande la suspension de l'exécution de l'arrêté du 18 décembre 2009 du Ministre wallon de l'Environnement, de l'Aménagement du territoire et de la Mobilité, qui délivre à la société anonyme ASPIRAVI un permis unique en vue de la construction et de

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l'exploitation de cinq éoliennes et d'une cabine de tête sur un site situé chaussée des Romains/E411 à Perwez;

Vu la requête introduite le 26 mars 2010 par laquelle la société anonyme (S.A.) ASPIRAVI demande à être reçue en qualité de partie intervenante;

Vu l'arrêt nº 206.543 du 9 juillet 2010 accueillant la requête en intervention introduite par la S.A. ASPIRAVI, rouvrant les débats et renvoyant l'affaire à la procédure ordinaire;

Vu le rapport de M. NIKIS, premier auditeur au Conseil d'Etat, rédigé sur la base de l'article 12 de l'arrêté royal du 5 décembre 1991 déterminant la procédure en référé;

Vu l'ordonnance du 11 août 2010 fixant l'affaire à l'audience du 22 septembre 2010 à 10 heures;

Vu la notification de l'ordonnance de fixation et du rapport aux parties;

Entendu, en son rapport, Mme GUFFENS, conseiller d'Etat;

Entendu, en leurs observations, Me J. SAMBON, avocat, comparaissant pour les parties requérantes, Me S. GRUBER, loco Me P. MOËRYNCK, avocat, comparaissant pour la partie adverse, et Mes J.-Fr. DE BOCK et P. MICHOUX, avocats, comparaissant pour la partie intervenante;

Entendu, en son avis contraire, M. NIKIS, premier auditeur;

Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973;

Considérant que les faits utiles à l'examen de la demande ont été exposés dans l'arrêt nº 206.543 du 9 juillet 2010;

Considérant que les requérants prennent notamment un premier moyen de la violation des articles 1er, 35 et 127 du Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine (CWATUP), des articles D.1 à D.3 et D.64 du Livre Ier

du Code de l'environnement, des articles 24, 25, 26 et 90 du décret du 11 mars 1999 relatif au permis d'environnement, des articles 1er à 3, 5 et 6 de la Convention

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européenne du paysage ratifiée par la Belgique le 29 octobre 2004, des articles 2 et 3 de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs, du plan de secteur de Wavre-Jodoigne-Perwez approuvé par arrêté royal du 28 mars 1979, du principe d'utilité de l'enquête publique, de l'erreur dans les motifs et de l'excès de pouvoir; qu'ils observent qu'au plan de secteur, le site d'implantation est affecté en zone agricole; qu'ils font valoir que s'agissant d'un projet dérogatoire au plan de secteur, celui-ci doit aux termes de l'article 127, § 3, du CWATUP contribuer au maintien, à la formation, la structuration ou la recomposition du paysage; qu'ils estiment que, selon les travaux préparatoires du décret du 3 février 2005, cette exigence de l'article 127, § 3, du CWATUP ressort de la volonté du législateur de se conformer au prescrit de la Convention européenne du paysage de Florence du 20 octobre 2000; qu'ils affirment que, dans le cas d'espèce, la motivation ne se réfère aucunement au prescrit de l'article 127, § 3, du CWATUP; qu'ils regrettent également, à l'instar du Conseil wallon de l'environnement pour le développement durable (CWEDD) dans son avis du 23 mars 2009, que la partie adverse n'expose pas en quoi concrètement le projet respecterait ledit article; que, selon eux, le défaut de motivation est d'autant plus important que les observations émises lors de l'enquête publique portaient sur l'impact paysager et le risque de mitage paysager; qu'ils citent, d'une part, l'avis de la Commission royale des Monuments, Sites et Fouilles du 7 avril 2009 qui énonce, notamment, que "l'implantation de quatre éoliennes [...] viendra réduire à néant la vision harmonieuse du contraste de cette importante structuration naturelle paysagère" et parle de "surplombs éoliens déstructurants et confus"; qu'ils citent, d'autre part, l'avis du Service public de Wallonie - département de la ruralité et des cours d'eau - du 3 mars 2009 selon lequel "les éoliennes nos 1, 2 et 3 [...] modifieront considérablement le paysage perçu [...]";

Considérant que, dans sa note d'observations, la partie adverse répond que l'acte attaqué est motivé adéquatement au regard des exigences de l'article 127, § 3, du CWATUP; qu'elle souligne que le projet s'inscrit dans un paysage où se trouve déjà un parc éolien; qu'elle cite à l'appui de son argumentation des extraits de la motivation de l'acte attaqué; qu'elle rappelle en outre que les éoliennes nos 1 et 5 n'ont pas été autorisées, notamment pour des motifs paysagers; qu'elle rappelle enfin que les aspects paysagers ont fait l'objet de développements approfondis de l'auteur de l'étude d'incidences;

Considérant que la partie intervenante observe que le projet d'implantation et d'exploitation du parc éolien, s'agissant d'une activité publique ou d'intérêt général au sens de l'article 127, § 1er, du CWATUP, peut dès lors bénéficier de l'application de l'article 127, § 3; qu'elle estime, par ailleurs, que la motivation relative à l'impact

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paysager est adéquate et se réfère à la motivation très complète de la décision des fonctionnaires technique et délégué; qu'elle relève l'extrait suivant de l'acte attaqué :

" Considérant que l'impact paysager est plus limité en cas d'extension de parc existant comme projeté qu'en cas d'un nouveau parc; que de plus, cela répond aux recommandations émises dans le Cadre de référence pour l'implantation d'éoliennes en Région wallonne";

qu'elle déduit du premier motif ci-repris qu'"il ne peut faire de doute qu'il s'agisse d'un motif pertinent pour apprécier si les actes et travaux «respectent, structurent ou recomposent le paysage»"; qu'elle prétend que le Cadre de référence pour l'implantation d'éoliennes en Région wallonne, tel que cité dans le second motif permet d'identifier des "zones privilégiées", telles que les zones agricoles "autorisées avec cependant une attention particulière aux conditions d'intégration au site concerné"; qu'elle prétend aussi qu'en prévoyant l'implantation d'éoliennes le long de l'autoroute E411 et dans l'environnement immédiat d'un parc éolien déjà existant, l'acte attaqué respecte les éléments cités par ledit cadre dont il y a lieu de tenir compte pour l'évaluation de l'impact paysager; qu'elle observe enfin qu'il n'appartient pas au Conseil d'Etat de substituer son appréciation à celle de l'autorité administrative compétente et que lorsque la motivation en la forme de l'acte attaqué permet de comprendre les motifs qui le soustendent, la motivation formelle ne peut être critiquée;

Considérant que l'article 35 du CWATUP est rédigé comme suit :

" La zone agricole est destinée à l'agriculture au sens général du terme. Elle contribue au maintien ou à la formation du paysage.

Elle ne peut comporter que les constructions indispensables à l'exploitation et le logement des exploitants dont l'agriculture constitue la profession. Elle peut également comporter des installations d'accueil du tourisme à la ferme, pour autant que celles-ci fassent partie intégrante d'une exploitation agricole.

Les modules de production d'électricité ou de chaleur, qui alimentent directement toute construction, installation ou tout bâtiment situé sur le même bien immobilier et dont la source d'énergie est exclusivement solaire, sont exceptionnellement admis pour autant qu'ils ne mettent pas en cause de manière irréversible la destination de la zone.

[...]";

Considérant que le projet de construction et d'exploitation de cinq éoliennes, qui doit s'implanter en zone agricole, déroge à cette prescription du plan de secteur; que l'article 127, § 3, applicable en l'espèce, qui régit de telles dérogations, énonce ce qui suit :

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" § 3. Pour autant que la demande soit préalablement soumise aux mesures particulières de publicité déterminées par le Gouvernement ainsi qu'à la consultation obligatoire visée à l'article 4, alinéa 1er, 3/, lorsqu'il s'agit d'actes et travaux visés au § 1er, alinéa 1er, 1/, 2/, 4/, 5/, 7/ et 8/, et qui soit respectent, soit structurent, soit recomposent les lignes de force du paysage, le permis peut être accordé en s'écartant du plan de secteur, d'un plan communal d'aménagement, d'un règlement communal d'urbanisme ou d'un plan d'alignement";

Considérant que, sur l'impact paysager du...

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