Jugement/arrêt, Cour du Travail de Liège, 2022-03-18

JurisdictionBélgica
Judgment Date18 mars 2022
ECLIECLI:BE:CTLIE:2022:ARR.20220318.1
Link to Original Sourcehttps://juportal.be/content/ECLI:BE:CTLIE:2022:ARR.20220318.1
CourtCour du Travail de Liège
Docket Number2021/AL/112

Numéro du répertoire

2022 /

R.G. Trib. Trav.

19/1825/A

Date du prononcé

18 mars 2022

Numéro du rôle

2021/AL/112

En cause de :

ETHIAS S.A.

C/

Mr L.

Cour du travail de Liège

Division Liège

Chambre 3 G

Arrêt

contrat de travail - employé - licenciement pour motif grave

EN CAUSE :

La S.A. ETHIAS, entreprise d'assurances agréée sous le n° 0196, inscrite au Registre des personnes morales sous le n° 0404.484.654, dont le siège social est établi à 4000 LIEGE, rue des Croisiers, 24,

partie appelante, ci-après Ethias ou l'employeur,

comparaissant par Maître Jean-Paul LACOMBLE, avocat à 4031 ANGLEUR, Square des Conduites-d'Eau, 7,

CONTRE :

Monsieur L., domicilié à

partie intimée, ci-après Monsieur L.,

présent et assisté de son conseil Maître Hervé DECKERS, avocat à 4460 GRACE-HOLLOGNE, Rue Saint-Exupéry, 17 bte 11,

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° °

Vu en forme régulière les pièces du dossier de la procédure à la clôture des débats le 18 février 2022, notamment :

- le jugement rendu entre parties le 15 décembre 2020 par le tribunal du travail de Liège, division Liège, 9ème chambre (R.G. 19/1825/A) ainsi que le dossier constitué par cette juridiction ;

- la requête de l'appelante reçue le 18 février 2021 au greffe de la cour de céans et notifiée le même jour à l'intimé et à son conseil en exécution de l'article 1056, 2°, du Code judiciaire ;

- l'ordonnance du 24 mars 2021, rendue en application de l'article 747, § 1, du Code judiciaire, qui établit un calendrier de procédure et qui fixe les débats à l'audience de la présente chambre du 18 février 2022 ;

- les conclusions de la partie intimée remises au greffe le 25 mai 2021, les conclusions additionnelles remises le 24 septembre 2021 et les secondes conclusions additionnelles valant conclusions de synthèse et le dossier remis au greffe le 24 janvier 2022 ;

- les conclusions principales de la partie appelante remises au greffe le 26 juillet 2021, les conclusions additionnelles et de synthèse remises au greffe le 25 novembre 2021 et le dossier de pièces reçu au greffe le 13 décembre 2021 ;

- le dossier de la partie intimée déposé à l'audience du 18 février 2022 ;

Entendu à l'audience du 18 février 2022 les conseils des parties en leurs dires et moyens ;

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° °

I. LES ANTÉCÉDENTS DU LITIGE

Par une requête déposée au greffe du tribunal du travail le 9 septembre 2013, Monsieur L. a sollicité la condamnation d'Ethias :

- Au paiement de la somme de 405.832,98 euro à titre d'indemnité compensatoire de préavis, à majorer des intérêts légaux à dater du 11 septembre 2012 ;

- Au paiement de la somme de 50.088,54 euro à titre de dommages et intérêts pour violation de la CCT du 8 décembre 2010, à majorer des intérêts légaux à dater du 11 septembre 2012 ;

- Au paiement de la somme de 350.000 euro à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, à majorer des intérêts légaux à dater du 11 septembre 2012 ;

- Au paiement de la somme de 5.000 euro à titre de dommages et intérêts pour non-octroi des services d'un outplacement, à majorer des intérêts légaux à dater du 11 septembre 2012 ;

- Aux dépens.

Par jugement du 15 décembre 2020, le tribunal du travail a en substance :

- Identifié le motif grave comme étant un système de remboursement de note de frais ;

- Considéré que le licenciement est intervenu dans les 3 jours ouvrables de la connaissance des faits par l'employeur ;

- Considéré que l'employeur échouait à démontrer le caractère privé des repas ainsi que le recours de Monsieur L. à des pressions sur Monsieur V. pour qu'il rentre les notes de frais à son nom et les lui rembourse ensuite ;

- Considéré que le procédé de Monsieur L. était fautif, manquant de transparence à l'égard de l'employeur, mais n'a pu rompre définitivement et irrémédiablement la confiance d'Ethias à son égard, de sorte que le licenciement pour motif grave était en l'espèce une sanction disproportionnée ;

- Évalué la rémunération de base à 156.704,73 euro , le délai de préavis à 25 mois, et dès lors fixé l'indemnité compensatoire de préavis à 326.468,17 euro ;

- À défaut de motif grave, fait droit à la demande d'indemnité de 6 mois de rémunération sur pied de l'article 15 de la CCT du 6 décembre 2010 relative à la sécurité d'emploi applicable dans la CP 306 (entreprises d'assurance) ;

- Estimé que le préjudice de l'absence d'outplacement était largement compensé par l'absence de réduction de l'indemnité de préavis qui aurait été applicable si l'employeur ne l'avait pas licencié pour motif grave ;

- Estimé qu'Ethias avait exercé son droit de licencier avec une légèreté fautive, portant atteinte à l'honneur et à la réputation de Monsieur L. ;

- Compensé les dépens.

Le tribunal a dès lors condamné l'employeur à payer à Monsieur L. les sommes de 326.468,17 euro à titre d'indemnité compensatoire de préavis, 50.088,54 euro à titre d'indemnité de stabilité d'emploi, 2.000 euro à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, ainsi que les intérêts légaux sur les sommes précitées à dater du 11 septembre 2012. Il a enfin dit que chaque partie supportera ses propres dépens.

Il s'agit du jugement attaqué.

Par son appel, l'employeur sollicite :

- À titre principal, que les demandes de Monsieur L. soient déclarées recevables mais non fondées, qu'il en soit débouté, et sa condamnation aux entiers dépens d'instance et d'appel ;

- À titre subsidiaire, la réduction de l'indemnité complémentaire de préavis sollicitée par Monsieur L. à la somme de 151.474,29 euro correspondant à 15 mois de rémunération, et la compensations des dépens ;

- À titre infiniment subsidiaire, la réduction de l'indemnité complémentaire de préavis sollicitée par Monsieur L. à la somme de 189.342,86 euro correspondant à 23 mois de rémunération, qu'il soit en toute hypothèse dit n'y avoir lieu à payer quelque indemnité que ce soit du chef de licenciement abusif, et la compensation des dépens.

Monsieur L. demande pour sa part la confirmation du jugement entrepris sous la seule émendation que l'indemnité compensatoire de préavis doit être portée à la somme de 405.832,98 euro , et la condamnation de l'employeur aux dépens des deux instances.

II. LA RECEVABILITÉ DE L'APPEL

Il ne résulte pas des pièces déposées que le jugement dont appel aurait fait l'objet d'une signification.

L'appel, régulier en la forme et introduit dans le délai légal, est recevable.

III. LES FAITS

Monsieur L. est entré au service d'Ethias à partir du 20 février 1989 comme expert automobile dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée d'un an.

Il est ensuite occupé dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, et est en outre chargé de la surveillance des experts indépendants et des garages conventionnés, d'études sur l'agrément des nouveaux experts et garagistes, et de l'élaboration de méthodes de gestion.

Le 1er janvier 2000, il est promu à la fonction de responsable du service « recherche et développement automobile », et à partir du 1er août 2003, il est sous la responsabilité directe de la Direction générale (Monsieur B.).

En 2012, Monsieur L. est chargé de procéder à une réorganisation du réseau d'experts automobiles afin de réaliser des économies.

Le 21 août 2012, Monsieur Le., gérant d'un bureau d'expertise automobile (CIMEX) qui en juillet 2012 s'est vu notifier qu'il ne se verrait plus confier de dossiers par Ethias, adressera un courrier à celle-ci en lequel il indiquera en substance être la victime d'un « système L. », où les experts souhaitant les faveurs de Monsieur L. doivent faire preuve de largesses à son égard.

À la suite de cette dénonciation, Ethias entame un audit interne.

Le 10 septembre 2012, Monsieur V., un des collaborateurs de l'équipe de Monsieur L., dénonce que ce dernier l'a contraint à introduire de fausses notes de frais à son unique bénéfice, relative à des notes de restaurant où Monsieur L. s'était personnellement rendu.

Le 11 septembre 2012, Monsieur L. est entendu par l'employeur à ce propos, sans qu'aucun compte-rendu de cet entretien n'ait été établi.

Le même jour, Monsieur L. est licencié pour motif...

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