Jugement/arrêt, Cour constitutionnelle (Cour d'arbitrage), 2021-11-25

JurisdictionBélgica
Judgment Date25 novembre 2021
ECLIECLI:BE:GHCC:2021:ARR.169
Link to Original Sourcehttps://juportal.be/content/ECLI:BE:GHCC:2021:ARR.169
CourtCour constitutionnelle (Cour d'arbitrage)
Docket Number169/2021

Numéro du rôle : 7365

Arrêt n° 169/2021

du 25 novembre 2021

En cause : la question préjudicielle concernant l'article 19bis de l'arrêté royal du 25 octobre 1971 « fixant le statut des maîtres de religion, des professeurs de religion et des inspecteurs de religion des religions catholique, protestante, israélite, orthodoxe et islamique des établissements d'enseignement de la Communauté française », tel qu'il a été inséré par l'article 156 du décret de la Communauté française du 10 mars 2006 « relatif aux statuts des maîtres de religion et professeurs de religion », posée par le Conseil d'État.

La Cour constitutionnelle,

composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges J.-P. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache, T. Detienne et D. Pieters, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président P. Nihoul,

après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :

I. Objet de la question préjudicielle et procédure

Par l'arrêt n° 247.028 du 11 février 2020, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 24 février 2020, le Conseil d'État a posé la question préjudicielle suivante :

« L'article 19bis de l'arrêté royal du 25 octobre 1971 fixant le statut des maîtres de religion, des professeurs de religion et des inspecteurs de religion des religions catholique, protestante, israélite, orthodoxe et islamique des établissements d'enseignement de la Communauté française, inséré par le décret du 10 mars 2006 et tel qu'il était rédigé avant sa modification par le décret du 11 juillet 2018, viole-t-il les articles 10, 11 ou 24 de la Constitution en ce que cette disposition ne prévoit pas la faculté pour le membre du personnel à qui elle s'applique d'introduire une réclamation contre la décision de licenciement sans préavis pour faute grave devant une chambre de recours, alors que cette faculté est expressément réservée par les articles 28bis et 43ter de l'arrêté royal du 22 mars 1969 fixant le statut des membres du personnel directeur et enseignant, du personnel auxiliaire d'éducation, du personnel paramédical des établissements d'enseignement, gardien, primaire, spécialisé, moyen, technique, de promotion sociale et artistique de l'État, des internats dépendant de ces établissements et des membres du personnel du service d'inspection chargé de la surveillance de ces établissements respectivement aux membres du personnel désignés à titre temporaire licenciés sans préavis pour faute grave et aux membres du personnel temporaires prioritaires ou temporaires protégés licenciés sans préavis pour faute grave, et que cette faculté est également réservée aux temporaires licenciés moyennant un préavis et aux temporaires prioritaires ou temporaires protégés licenciés moyennant un préavis par respectivement les articles 28 et 43 du même arrêté royal du 22 mars 1969, ainsi qu'aux professeurs de religion, en stage, licenciés avec un préavis par l'article 18 de l'arrêté royal du 25 octobre 1971 précité ? ».

Des mémoires ont été introduits par :

- Hicham Abdel Gawad, assisté et représenté par Me L. Rase, avocat au barreau de Liège;

- le Gouvernement de la Communauté française, assisté et représenté par Me M. Uyttendaele, avocat au barreau de Bruxelles.

Hicham Abdel Gawad a également introduit un mémoire en réponse.

Par ordonnance du 22 septembre 2021, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs T. Detienne et D. Pieters, a décidé que l'affaire était en état, qu'aucune audience ne serait tenue, à moins qu'une partie n'ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de la notification de cette ordonnance, à être entendue, et qu'en l'absence d'une telle demande, les débats seraient clos le 6 octobre 2021 et l'affaire mise en délibéré.

Aucune demande d'audience n'ayant été introduite, l'affaire a été mise en délibéré le 6 octobre 2021.

Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l'emploi des langues ont été appliquées.

II. Les faits et la procédure antérieure

Hicham Abdel Gawad exerce, en tant que stagiaire, depuis le 1er septembre 2015, la fonction de professeur de religion islamique dans un établissement d'enseignement organisé par la Communauté française. Par une lettre du 29 juin 2017, le chef de cet établissement l'invite à venir s'expliquer, le 7 juillet 2017, sur divers manquements qui lui sont reprochés. Il l'informe également qu'il envisage de prendre à son encontre une mesure de licenciement pour faute grave, aux motifs qu'il n'a remis aucune note ni évaluation depuis novembre 2016 et qu'il s'est rendu à Marseille le 23 juin 2017, pour y animer un atelier relatif à la religion musulmane qu'il a diffusé sur le réseau social Facebook alors qu'il était absent de son travail pour raisons médicales et qu'il n'avait pas obtenu l'autorisation requise pour pouvoir se rendre à l'étranger.

Le jour de l'audition, Hicham Abdel Gawad ne se présente pas, mais, le 6 juillet 2017, son conseil fait parvenir à la direction de l'établissement d'enseignement un courrier présentant ses moyens de défense. Le 8 juillet 2017, cet établissement adresse à la ministre de la Communauté française qui a l'Enseignement dans ses attributions une proposition de licenciement sans préavis pour faute grave, qui est également notifiée à Hicham Abdel Gawad. Le 12 juillet 2017, le Gouvernement de la Communauté française, suivant cette proposition, licencie Hicham Abdel Gawad. Cette décision est notifiée à ce dernier le même jour.

Hicham Abdel Gawad introduit, devant le Conseil d'État, qui est le juge a quo, une demande de suspension et un recours en annulation dirigés contre la décision du 12 juillet 2017. Par l'arrêt n° 240.500 du 22 janvier 2018, le juge a quo décrète le désistement de la demande de suspension. Au contentieux de l'annulation, le juge a quo observe que cette décision a été prise sur la base de l'article 19bis de l'arrêté royal du 25 octobre 1971 « fixant le statut des maîtres de religion, des professeurs de religion et des inspecteurs de religion des religions catholique, protestante, israélite, orthodoxe et islamique des établissements d'enseignement de la Communauté française », tel qu'il a été inséré par le décret de la Communauté française du 10 mars 2006 « relatif aux statuts des maîtres de religion et professeurs de religion » et tel qu'il était rédigé avant sa modification par le décret de la Communauté française du 11 juillet 2018 « portant diverses mesures en matière de statut des membres du personnel de l'enseignement ». Or cette disposition ne permet pas au professeur de religion stagiaire de l'enseignement organisé par la Communauté française, licencié pour faute grave, de saisir une chambre de recours pour qu'elle rende un avis au sujet de cette mesure, alors qu'une telle possibilité existe au profit d'autres personnes qui se trouvent dans des situations comparables. En effet, plusieurs dispositions normatives permettent à des membres du personnel de l'enseignement qui ne sont pas nommés à titre définitif de solliciter l'avis d'une chambre de recours en ce qui concerne la mesure de licenciement dont ils font l'objet.

Le juge a quo sursoit à statuer et, à la demande de la partie requérante devant lui, décide de poser la question préjudicielle reproduite plus haut.

III. En droit

-A-

A.1.1. La partie requérante devant le juge a quo estime que l'article 19bis de l'arrêté royal du 25 octobre 1971 « fixant le statut des maîtres de religion, des professeurs de religion et des inspecteurs de religion des religions catholique, protestante, israélite, orthodoxe et islamique des établissements d'enseignement de la Communauté française » (ci-après : l'arrêté royal du 25 octobre 1971), tel qu'il a été inséré par le décret de la Communauté française du 10 mars 2006 « relatif aux statuts des maîtres de religion et professeurs de religion » (ci-après : le décret du 10 mars 2006) et tel qu'il était rédigé avant sa modification par le décret de la Communauté française du 11 juillet 2018 « portant diverses mesures en matière de statut des membres du personnel de l'enseignement » (ci-après : le décret du 11 juillet 2018), viole les articles 10, 11 et 24 de la Constitution en ce qu'il ne prévoit pas la faculté pour un professeur de religion stagiaire de l'enseignement organisé par la Communauté française faisant l'objet d'une procédure de licenciement sans préavis pour faute grave de saisir une chambre de recours pour contester la proposition de licenciement.

Or, cette possibilité existait déjà avant l'entrée en vigueur du décret du 11 juillet 2018 au profit d'autres enseignants de l'enseignement organisé par la Communauté française qui se trouvaient dans des situations comparables. En effet, l'article 28bis de l'arrêté royal du 22 mars 1969 « fixant le statut des membres du personnel directeur et enseignant, du personnel auxiliaire d'éducation, du personnel paramédical des établissements d'enseignement gardien, primaire, spécial, moyen, technique, de promotion sociale et artistique de l'État, des internats dépendant de ces établissements et des membres du personnel du service d'inspection chargé de la surveillance de ces établissements » (ci-après : l'arrêté royal du 22 mars 1969) prévoyait la possibilité pour un membre du personnel temporaire de l'enseignement organisé par la Communauté française de saisir la chambre de recours en cas de licenciement sans préavis pour faute grave, et l'article 28 de l'arrêté royal du 22 mars 1969 prévoyait également cette possibilité pour un membre du personnel temporaire de l'enseignement organisé par la Communauté française en cas de...

Pour continuer la lecture

SOLLICITEZ VOTRE ESSAI

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT