Conclusions du Ministère public, Cour de Cassation de Belgique, 2023-01-16

JurisdictionBélgica
Judgment Date16 janvier 2023
ECLIECLI:BE:CASS:2023:CONC.20230116.3F.4
Link to Original Sourcehttps://juportal.be/content/ECLI:BE:CASS:2023:CONC.20230116.3F.4
CourtCour de Cassation de Belgique
Docket NumberC.22.0217.F

C.22.0217.F
Conclusions de M. l’avocat général Hugo Mormont:
Le cadre du litige.
1. Le litige porte sur l’indemnisation des conséquences d’incendies survenus, le 19 août puis les 14 et 15 septembre 2015, à deux immeubles dont le demandeur était propriétaire et qui étaient assurés auprès de la première défenderesse. Ces immeubles étaient loués à la seconde défenderesse qui y exploitait un restaurant et une salle des fêtes.
Sur le premier moyen.
2. Le premier moyen critique la décision de l’arrêt de rejeter la demande forfaitaire de 500 000 euros portant sur le préjudice économique du demandeur et lié au manquement de la première défenderesse à son devoir d’exécution de bonne foi des conventions pour la période du 11 mars 2016 au 30 mars 2017. Pour cette période, la première défenderesse a tardé sans motif légitime à indemniser le demandeur comme le prévoyait le contrat d’assurance qui les liait, ce refus d’indemnisation n’étant justifié qu’à partir du 30 mars 2017 — soit le moment auquel la première défenderesse a sollicité, vainement, du demandeur une autorisation de percevoir l’indemnisation et qui aurait été délivrée par le créancier hypothécaire des immeubles.
Le moyen reproche à l’arrêt d’avoir considéré que le dol visé à l’article 1153, alinéa 4, de l’ancien Code civil et qui permet l’octroi d’une réparation dépassant les intérêts de retard légaux requiert l’existence dans le chef de l’auteur, non seulement de la volonté de causer le fait dommageable, mais aussi de la volonté de causer les effets dommageables de ce fait, alors que cette notion implique uniquement que le débiteur ait eu conscience ou ait dû avoir conscience du fait que son inexécution ou son retard d’exécution causait un préjudice à son créancier et qu’il ait néanmoins persisté dans cette voie. L’arrêt violerait ainsi les articles 1147 à 1151 et 1153, alinéa 4, de l’ancien Code civil.
3. On peut s’étonner que, plus d’un siècle après l’adoption de l’alinéa 4 de l’article 1153 de l’ancien Code civil(1) — qui permet de déroger en faveur du créancier au système de réparation forfaitaire du retard de paiement(2) — la notion de dol à laquelle ce texte recourt reste incertaine et discutée.
Elle l’est du reste tellement que les auteurs du nouveau Code civil y ont renoncé, pour ce motif. Remplaçant l’article 1153 de l’ancien Code civil par le nouvel article 5.240, ils ont eu recours à la notion de faute intentionnelle, censée être plus précise(3).
Il est vrai que cette dernière est désormais définie par l’article 1.11 du Code civil qui indique que c’est la faute qui est commise dans un but de nuire ou de réaliser un gain. Dans ce cadre nouveau, la faute par négligence ou la faute simplement volontaire mais non accompagnée d’une intention particulière ne suffisent donc pas.
Par ailleurs, les travaux préparatoires du nouveau Code donnent à penser sans hésitation que cette définition désormais explicite est bien d’application dans le cadre de l’article 5.240 qui concerne les intérêts moratoires(4).
4. Simple faute volontaire, faute commise en ayant — ou en ayant dû avoir —la conscience de causer un préjudice, faute commise dans l’intention de nuire ou encore dans celle de se procurer un avantage, les approches possible de la notion de dol sont multiples(5), tout comme le sont ses utilisations par la loi et qui ne se limitent pas à l’alinéa 4 de l’article 1153 de l’ancien Code civil(6).
5. Fréquemment rapproché de la fraude, le dol peut être défini de manière générique et approximative comme un comportement malhonnête(7).
En ce sens, le dol se distingue désormais avec certitude de la simple faute, même lourde(8), qui ne procède que de la négligence.
6. S’il a pu être soutenu que toute faute commise volontairement ou consciemment pouvait constituer un dol(9), il doit être relevé que l’élément de malhonnêteté ou de déloyauté qui est consubstantiel au dol paraît exiger davantage que la seule faute volontaire.
Il en va...

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