Arrêt Nº300352 de Conseil du Contentieux des Etrangers, 22/01/2024
| Judgment Date | 22 janvier 2024 |
| Procedure Type | Plein contentieux |
| Judgement Number | 300352 |
| Court | Conseil du Contentieux des Etrangers (France) |
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n° 300 352 du 22 janvier 2024
dans l’affaire X / CR / VK
En cause :
X
ayant élu domicile :
au cabinet de Maître I. ELMOUDEN
Amerikalei 95
2000 ANTWERPEN
contre :
le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides
LES CHAMBRES RÉUNIES DU CONSEIL DU CONTENTIEUX DES ÉTRANGERS,
Vu la requête introduite le 7 décembre 2023 par X, qui déclare être de nationalité libyenne, contre la
décision du Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides (ci-après dénommé « le Commissaire
général »), prise le 20 novembre 2023.
Vu les articles 51/4 et 39/77 de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour,
l’établissement et l’éloignement des étrangers.
Vu le dossier administratif.
Vu l’arrêt interlocutoire n° 299 338 du 21 décembre 2023.
Vu l’ordonnance du 21 décembre 2023 convoquant les parties à l’audience devant les chambres réunies
du 3 janvier 2024.
Entendu, en son rapport, R. HANGANU, juge au contentieux des étrangers.
Entendu, en leurs observations, la partie requérante assistée par Me I. ELMOUDEN, avocat, et S.
GOSSERIES, attaché, qui comparaît pour la partie défenderesse.
APRES EN AVOIR DELIBERE, RENDENT L’ARRET SUIVANT :
1. L’acte attaqué
Le recours est dirigé contre une décision de « refus du statut de réfugié et refus du statut de protection
subsidiaire », prise par le Commissaire général, qui est motivée comme suit :
« Ce dossier a trait à une situation pour laquelle l'article 57/6, § 2 de la Loi sur les étrangers prescrit qu'une
décision doit être prise en priorité.
Le 19 octobre 2023, de 10h15 à 13h30, vous avez été entendu par le Commissariat général, assisté d’une
interprète maîtrisant l’arabe.
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A. Faits invoqués
Vous êtes de nationalité libyenne et marocaine, et d’origine arabe. Vous êtes né le […], dans la ville de
Rabat, capitale du Maroc. A l’appui de votre demande de protection internationale, vous invoquez les faits
suivants.
Au début du mois de juin 2023, en Libye, alors que vous rentrez du lycée avec deux amis et votre frère,
lui-même accompagné d’un ami, vous vous dirigez vers votre domicile quand deux pick -ups s’arrêtent à
votre niveau. A l’intérieur se trouvent plusieurs hommes armés qui vous ordonnent de monter à l’intérieur.
Vous êtes insultés et frappés, et finissez par monter dans la partie arrière d’un pick-up, sous la contrainte,
avec vos amis. Vous ignorez encore à ce moment la destination.
Au bout du trajet, vous arrivez dans une sorte de quartier général appartenant au groupe armé, dans les
environs de Zawiya, à l’ouest de Tripoli. Vous êtes emmené dans une maison où une personne prend
une photo de chacun d’entre vous ainsi que vos coordonnées et une série d’informations personnelles.
Vous prêtez attention à ne pas lui mentir. On vous remet aussi des vêtements noirs et une arme.
Vous prétendez adhérer au groupe afin de ne pas subir les potentielles graves conséquences d’un refus.
A la tombée de la nuit, vous et vos amis êtes séparés et répartis dans des groupes déjà existants au sein
du groupe armé. Dans votre groupe, on vous affecte à la garde de la base, en compagnie d’autres
hommes du groupe armé et de véhicules destinés au combat. Durant cette garde, vous êtes victime d’un
viol par un des hommes en poste avec vous. Plus tard dans la nuit, vous êtes rassemblé avec votre frère
et vos amis et vous endormez jusqu’au lendemain.
Le lendemain, dans l’après-midi, on vous annonce que vous allez être ramené chez vous et que vous
avez 24h pour rassembler vos affaires, dire au revoir à votre famille et revenir à la base de Zawiya. Une
fois chez vous, vous trouvez votre mère dans tous ses états. Vous lui expliquez ce qui vous est arrivé, et
décidez de partir immédiatement afin de ne pas risquer d’être à nouveau repris. En peu de temps, vous
rassemblez tout ce dont vous avez besoin et partez en direction d’un appartement non-loin de l’aéroport,
où vous passez la nuit.
Vous arrivez au Maroc le 6 juin 2023 par l’aéroport de Casablanca et allez vous installer à Tmara, au sud
de Rabat. Durant votre séjour au Maroc, vous êtes victime de racisme en raison de votre dialecte libyen.
Vous êtes notamment agressé avec votre frère par deux hommes qui n’apprécient apparemment pas vos
origines. Alors qu’une bagarre s’annonce entre vous, les passants parviennent à vous séparer et vous
quittez les lieux avant que la situation ne dégénère d’autant plus. Quelques semaines plus tard, vous êtes
à nouveau victime d’une tentative de vol à main armée, mais parvenez à vous en sortir grâce à des gens
qui passaient par là.
Après avoir passé un peu moins d’un mois au Maroc, votre frère, votre mère et vous -même remarquez
qu’une voiture est souvent présente lors de vos déplacements. Vous avez l’impression d’être suivi par
une voiture occupée par 4 personnes barbues. Vous tirez la conclusion que ces hommes appartiennent
au groupe armé que vous avez fui en Libye.
Le 1er septembre, alors que vous dormez dans votre habitation de Tmara avec toute votre famille (mère,
frère, et petites sœurs), vous êtes réveillé par les cris de votre mère. Assez rapidement, vous constatez
que deux personnes tentent de rentrer par la fenêtre et que deux autres essaient de forcer la porte. En
raison du bruit causé par ces tentatives d’effractions et votre panique, les voisins sont alertés et, par leur
présence, poussent les hommes qui tentaient de rentrer chez vous à s’enfuir.
Le lendemain, votre mère décide que vous devez quitter Tmara pour vous rendre à Marrakech. Vous
restez pendant 11 jours dans le quartier al-Riyad. En raison du tremblement de terre et du chaos qui s’en
suit, votre départ est légèrement entravé. Vous partez vivre à Casablanca avant d’enfin pouvoir quitter le
Maroc en direction de la Belgique. Vous arrivez en Belgique le 17 septembre 2023 et introduisez le jour
même votre demande de protection internationale.
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