Arrêt Nº300346 de Conseil du Contentieux des Etrangers, 22/01/2024

Judgment Date22 janvier 2024
Procedure TypePlein contentieux
Judgement Number300346
CourtConseil du Contentieux des Etrangers (France)
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300 346 du 22 janvier 2024
dans l’affaire X / CR / VK
En cause :
X
ayant élu domicile :
au cabinet de Maître Z. CHIHAOUI
Avenue des Gloires Nationales 40
1083 BRUXELLES
contre :
le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides
LES CHAMBRES RÉUNIES DU CONSEIL DU CONTENTIEUX DES ÉTRANGERS,
Vu la requête introduite le 9 décembre 2023 par X, qui déclare être de nationalité jordanienne, contre la
décision du Commissaire général (ci-après dénommé « le Commissaire général ») aux réfugiés et aux
apatrides, prise le 29 novembre 2023.
Vu les articles 39/77 et 51/4 de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour,
l’établissement et l’éloignement des étrangers.
Vu le dossier administratif et la note d’observations.
Vu l’arrêt interlocutoire no 299 142 du 21 décembre 2023.
Vu l’ordonnance du 21 décembre 2023 convoquant les parties à l’audience devant les chambres réunies
du 3 janvier 2024.
Entendu, en son rapport, C. ROBINET, juge au contentieux des étrangers.
Entendu, en leurs observations, la partie requérante assistée par Me A. HAEGEMAN loco Me Z.
CHIHAOUI, avocat, et S. GOSSERIES, attaché, qui comparaît pour la partie défenderesse.
APRES EN AVOIR DELIBERE, RENDENT L’ARRET SUIVANT :
1. L’acte attaqué
Le recours est dirigé contre une décision de « refus du statut de réfugié et refus du statut de protection
subsidiaire », prise par le Commissaire général, qui est motivée comme suit :
« Ce dossier a trait à une situation pour laquelle l’article 57/6, § 2 de la Loi des étrangers prescrit qu’une
décision doit être prise en priorité.
Le 27 octobre 2023 de 9h05 à 12h45, vous avez été entendu par vidéo conférence par le Commissariat
général aux réfugiés et aux apatrides, assisté d’un interprète maîtrisant l’arabe. Votre avocat, Me [S. M.
M.], était présent de 9h16 à 12h45.
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A. Faits invoqués
Vous êtes de nationalité jordanienne, d’origine palestinienne (de Gaza) et de religion musulmane. Vos
deux parents sont d’origine palestinienne. La famille de votre mère s’est réfugiée en Syrie après 1948.
Votre père a obtenu ultérieurement la nationalité jordanienne vous permettant ensuite de l’obtenir. Une
partie de votre famille paternelle réside à Bersheva et dans la bande de Gaza en Palestine et une autre
en Jordanie. Vos frères et sœurs ont également la nationalité jordanienne à l’exception de vos frères
[Mon.] et [Moh.]. Votre mère et toute votre fratrie résident aujourd'hui en Suède.
Vous êtes né le […] dans le camp UNWHRA de Al A’idin dans la ville Daraa en Syrie. Vous y résidez de
nombreuses années avec votre mère et votre fratrie jusqu’à votre dé part de Syrie il y a plus de 20 ans.
Votre père travaille quant à lui au Liban à Saida au sein du service médical de l’Organisation de Libération
de la Palestine (OLP). Il vient par intermittence illégalement vous rendre visite dans le camp.
Au sein du camp, vous suivez votre scolarité jusqu’en 3e secondaires (9e année d’études). Vous vous
inscrivez ensuite pour 3 ans dans une école étatique dans la ville de Daraa. Au terme de ces trois années,
vous suivez comme élève libre des études de droit à l’Universide Damas. Vous ne vous y rendez que
pour présenter vos examens. Pendant vos études, vous travaillez comme comptable pour votre oncle
maternel actif dans la réparation des vélos et motos à Daraa.
Une fois diplômé, vous entamez des stages auprès d’amis avocats mais ne terminez pas les 2 années de
qualification. Vous obtenez la nationalité jordanienne via votre père entre la fin de vos études
universitaires et votre départ de Syrie. Vous vous rendez auprès de l’ambassade jordanienne à Damas
pour recevoir votre passeport. Vous quittez la Syrie depuis l’aéroport international de Damas 2 à 3 ans
après l’obtention de votre diplôme et atterrissez à l’aéroport internationale d’Odessa en Ukraine.
Vous résidez en Ukraine jusqu’en 2022. Durant cette période, vous ne retournez qu’une seule fois en
Syrie après le décès de votre père il y a environ 7 ans (NEP p.10). Vous vivez approximativement 4 ans
dans la ville d’Odessa où vous résidez soit seul en appartement soit chez des amis. Vous travaillez dans
la restauration, et une usine de tris des noix. Vous rencontrez par l’intermédiaire d’une amie commune,
votre future épouse dans un café d’Odessa. Après 2-3 jours, vous vous rendez chez sa famille pour
demander sa main. Vous célébrez le mariage religieux à Odessa et la rejoignez ensuite dans la ville de
Nikolaïev et vous vous mariez civilement le 2 février 2008. Après votre mariage, vous obtenez un titre de
séjour permanent en Ukraine. A Nikolaïev, vous travaillez dans la construction et dans une usine de
conditionnement et d’emballage. Au début de l’invasion russe, un missile tombe à proximité de votre
immeuble Vous prenez peur, mettez votre femme et votre fils en sécurité dans la ville de Lvov avant de
quitter ensemble le pays 10 à 15 jours après le début de l’invasion.
Vous quittez l’Ukraine en avion pour rejoindre la Pologne. Vous restez 24 heures à Varsovie avant de
vous rendre dans le Nord de la Pologne. Vous partez ensuite en bateau jusqu’en Suède où votre frère
vient vous chercher pour vous emmener à Gothenburg (NEP p.12). Vous restez 6 à 7 mois en Suède et
obtenez un titre de séjour d’un an. Vous demandez cependant le retrait de ce titre pour pouvoir vous
rendre dans un autre pays car vous ne vous sentez pas bien psychologiquement en Suède. Vous quittez
la Suède pour les Pays-Bas où vous restez moins d’un mois. Votre femme et votre fils se rendent ensuite
à Dublin. Vous y êtes refusé et retournez seul en Suède jusqu’à l’obtention d’un visa pour l’Irlande. Vous
vivez ensuite seul 10 mois à Dublin, Galway et dans un village dans le Nord de l’Irlande. Dès le 4e mois
vous essayez d’annuler la protection obtenue en Irlande pour retourner en Ukraine car vous ne vous
sentez pas à l’aise en Europe. Vous allez ensuite en Hongrie afin de rentrer en Ukraine mais arrivé à
l’aéroport, ils vous refusent l’entrée car vous ne disposez pas de visa. Vous obtenez un visa via
l’ambassade de Moldavie et vous retournez à Galway et à Dublin avant d’être transféré en Irlande du
Nord. Vous vous adressez ensuite à l’ambassade belge à Dublin et recevez par mail une réponse
mentionnant que les ressortissants de pays tiers en possession d’un permis de séjour ukrainien peuvent
se rendre en Belgique sans visa (voy. farde des documents n°4). Vous atterrissez le 30 septembre 2023
à Bruxelles et êtes contrôlé au poste douanier. En l’absence d’un visa Schengen vous êtes maintenu en
centre fermé frontière de Caricole.
A la base de votre demande de protection internationale, vous n’invoquez aucun fait (NEP p.9).
Concernant la Jordanie pays dont vous avez la nationalité, vous déclarez ne pas y avoir eu de problème
(NEP p.10). Vous n’y allez que pour rendre visite quelques jours à votre sœur au village de Al Karameh
(NEP p.9 et 10) ou pour renouveler votre passeport à Amman tous les 5 ans (NEP p.10).
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Concernant la Syrie, vous déclarez ne pas avoir rencontré de problèmes en Syrie et être parti avant le
début de la guerre (NEP p.7). Vous partez d’Ukraine 2 à 3 semaines après le début de la guerre (NEP p.9
et 12 ). Vous expliquez être venu en Belgique afin de procéder à un regroupement familiale avec votre
femme.
A l’appui de votre demande, vous déposez les documents suivants : des copies de votre passeport
jordanien délivré le 26/12/2021; votre carte de séjour permanant en Ukraine délivré le 1/10/2020; votre
permis de conduire ukrainien daté du 17/06/2016; une carte de contribuable ukrainien indiquant votre
inscription au registre d’Etat le 01/08/2012; une copie des passeports ukrainiens de votre femme et de
votre fils délivrés le 3/04/2019; l'acte de naissance ukrainien de votre fils ; votre contrat de mariage
ukrainien ; votre carte de séjour en Irlande délivrée le 21/06/2023; une carte des Service publiques
Irlandais délivrée le 16/01/2023; une photo d’un mail délivré par l’ambassade Belge à Dublin; une copie
des titres de séjour belges et attestation de protection temporaire de votre femme et de votre fils ; le
certificat de résidence belge de votre épouse et la composition familiale de votre épouse avec votre fils
en Belgique.
B. Motivation
Il convient d’abord de souligner que vous avez introduit votre demande de protection internationale en
date du 30 septembre 2023. Le délai de 4 semaines depuis la date d’introduction de votre demande de
protection internationale étant écoulé, vous avez été autorisé à entrer dans le Royaume, conformément
aux articles 57/6/4 alinéa 3 et 74/5, §4, 5° de la loi du 15 décembre 1980.
Après une analyse approfondie de l'ensemble des éléments de votre dossier administratif, relevons tout
d'abord que vous n'avez fait connaître aucun élément dont il pourrait ressortir des besoins procéduraux
spéciaux et que le Commissariat général n'a de son côté constaté aucun besoin procédural spécial dans
votre chef.
Par conséquent, aucune mesure de soutien spécifique n'a été prise à votre égard, étant donné qu'il peut
être raisonnablement considéré que vos droits sont respectés dans le cadre de votre procédure d'asile et
que, dans les circonstances présentes, vous pouvez remplir les obligations qui vous incombent.
Force est de constater que vous ne fournissez pas d’éléments suffisants permettant de considérer qu’il
existe dans votre chef une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève du 28
juillet 1951, ni de motifs sérieux établissant un risque réel de subir des atteintes graves telles que définies
par l’article 48/4 loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et
l'éloignement des étrangers (ci-après loi du 15 décembre 1980).
[…]
C. Conclusion
Sur base des éléments figurant dans votre dossier, je constate que vous ne pouvez pas être reconnu(e)
comme réfugié(e) au sens de l'article 48/3 de la loi sur les étrangers. Vous n'entrez pas non plus en
considération pour le statut de protection subsidiaire au sens de l'article 48/4 de la loi sur les étrangers. »
2. Rétroactes
2.1. Le 29 septembre 2023, le requérant est arrivé en avion à Brussels Airport, où il a introduit une
demande de protection internationale le 30 septembre 2023 (dossier administratif, pièce 15).
2.2. Le même jour, le Ministre a pris une décision de refus dentrée (« annexe 11 refoulement ») (dossier
administratif, pièce 14).
2.3. Le 2 octobre 2023, le Ministre a pris une « décision de maintien dans un lieu déterminé à la frontière »,
en l’espèce le « centre de transit Caricole », sur la base de l’article 74/5, § 1er, al. 1er, 2°, de la loi du 15
décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers (ci-après
: la loi du 15 décembre 1980) (dossier administratif, pièce 15).

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