Arrêt Nº287433 de Conseil du Contentieux des Etrangers, 11/04/2023
Judgment Date | 11 avril 2023 |
Procedure Type | Annulation |
Judgement Number | 287433 |
Court | Ière CHAMBRE (Conseil du Contentieux des Etrangers) |
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n° 287 433 du 11 avril 2023
dans l’affaire X / I
En cause :
X
Ayant élu domicile :
au cabinet de Maître A. VALCKE
Rue de l'Aurore 34
1000 BRUXELLES
contre:
l'État belge, représenté par la Secrétaire d'État à l'Asile et la Migration
LE PRÉSIDENT F.F. DE LA Ière CHAMBRE,
Vu la requête introduite le 22 avril 2022, par X, alias X, alias X, qui déclare être de nationalité britannique,
tendant à l’annulation de la « décision de refus du statut de bénéficiaire de l’accord de retrait » (annexe
59), prise à son encontre le 21 mars 2022.
Vu le titre Ier bis, chapitre 2, section IV, sous-section 2, de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au
territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers.
Vu l’ordonnance portant détermination du droit de rôle du 28 avril 2022 avec la référence X.
Vu la note d’observations et le dossier administratif.
Vu le mémoire de synthèse.
Vu l’ordonnance du 20 octobre 2022 convoquant les parties à l’audience du 21 novembre 2022.
Entendu, en son rapport, J. MAHIELS, juge au contentieux des étrangers.
Entendu, en leurs observations, Me A. VALCKE, avocat, qui comparaît pour la partie requérante, et Me
K. de HAES loco Me S. MATRAY, avocat, qui comparaît pour la partie défenderesse.
APRES EN AVOIR DELIBERE, REND L’ARRET SUIVANT :
1. Faits pertinents de la cause.
1.1. La partie requérante a signalé sa présence en Belgique le 19 décembre 2019.
1.2. Le 24 novembre 2021, la partie requérante a introduit une demande de carte de séjour en tant que
titulaire de moyens de subsistance suffisants, en qualité de bénéficiaire de l’Accord sur le retrait du
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de l'Union européenne et de la Communauté
européenne de l'énergie atomique (ci-après : l’Accord de retrait).
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En date du 21 mars 2022, la partie défenderesse a pris une décision de refus de droit de séjour de plus
de trois mois.
Cette décision, qui lui a été notifiée le 24 mars 2022, constitue l’acte attaqué et est motivée comme suit :
« L’intéressée ne remplit pas les conditions requises pour bénéficier du droit de séjour de plus de trois
mois en tant que bénéficiaire de l’accord de retrait ou du droit ou le renouvellement du droit au petit trafic
frontalier en tant que bénéficiaire de l’accord de retrait :
En date du 24/11/2021, l’intéressée a introduit une demande de statut de bénéficiaire de l'accord de retrait
en qualité de titulaire de moyens de subsistance suffisants. A l’appui de sa demande, elle a notamment
produit un passeport britannique en cours de validité, un extrait de casier judiciaire apostillé, un mail relatif
à la location et au payement d'une chambre à Mons par le biais du site Roomlala, un contrat de
consultance conclu entre la société « [L. A. I. C.] », basée au Royaume-Uni et « [C. S. S. L.] », la société
de l’intéressée, également basée au Royaume-Uni, un certificat de déclaration de Limosa, deux annexes
15 datées respectivement du 19/12/2019 et du 09/12/2020 ainsi que des fiches de paie.
Conformément à l’article 69undecies, §1, alinéa 1, 1° d e l’arrêté royal du 08/10/1981, ne peuvent êt re
bénéficiaires de l’accord de retrait que des ressortissants du Royaume-Uni qui ont exercé leur droit de
séjour en Belgique avant la fin de la période de transition conformément au droit de l’Union et qui y ont
poursuivi leur séjour conformément à l’article 10, paragraphe 1, sous b) de l’accord de retrait. Cette
période de transition est définie à l’article 126 de l’accord de retrait et s’étend de la date d’entrée en
vigueur de cet accord jusqu’au 31/12/2020.
Or, bien que l’intéressée ait produit un mail confirmant la location et le payement d’une chambre à Mons
via le site Roomlala, cela ne suffit pas à démontrer qu’elle y avait établi sa résidence principale. Au
contraire, la délivrance d’une annexe 15 à la requérante en date du 09/12/2020 démontre qu’elle avait la
volonté de garder sa résidence principale au Royaume-Uni tout en travaillant en Belgique. En outre, il est
à noter que la seule adresse la concernant mentionnée dans le cadastre Limosa est une adresse au
Royaume[-]Uni, mise à jour le 10/10/2019 et jamais changée depuis. Dès lors, l’intéressée ne prouve pas
qu’elle a exercé son droit à la libre circulation sur le territoire du Royaume avant la fin de la période de
transition et ne peut donc pas se prévaloir du statut de bénéficiaire de l’accord de retrait en tant que
titulaire de moyens de subsistance suffisants.
Par ailleurs, bien qu’elle ait produit des annexes 15 lui ayant été délivrées par la commune de Mons en
date du 19/12/2019 et du 09/12/2020, l’intéressée ne peut se prévalloir [sic] du statut de travailleur
frontalier au sens de l’accord de retrait. En effet, conformément à l’article 69undecies, §1, alinéa 1, 2° de
l’arrêté royal précité, peuvent bénéficier de l'accord de retrait les ressortissants du Royaume-Uni qui
travaillaient comme travailleurs frontaliers au sens de l’article 9, sous b), en Belgique avant la fin de la
période de transition.
Or la requérante n’a jamais travaillé en Belgique comme frontalier au sens de l’article 9, sous b) de l’accord
de retrait. De fait, les documents fournis démontrent qu’elle exerçait son activité en Belgique en tant que
prestataire de services sous le statut de travailleur détaché (par le truchement d’une société basée au
Royaume-Uni à savoir « [C. S. S. L.] ») et non comme frontalier au sens de l’accord de retrait et du traité
sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).
En effet, l’article 9, sous b) de l’accord de retrait stipule que dans le cadre dudit accord, la notion de
frontalier vise le ressortissant du Royaume-Uni qui exerce une activité économique conformément à
l’Article 45 ou 49 du TFUE dans un ou plusieurs États dans lesquels il ne réside pas, c’est-à-dire qui
exerce un emploi dans un État membre conformément aux dispositions législatives, réglementaires et
administratives régissant l’emploi des travailleurs nationaux de cet État (article 45 du TFUE) ou qui exerce
dans un État membre une activité non salariée dans les conditions définies par la législation de cet État
pour ses propres ressortissants (article 49 du TFUE).
La libre prestation des services ou détachement (article 56 du TFUE) n’est donc pas protégée par l’accord
de retrait dont l’objectif est de sauvegarder les droits acquis sur base de la libre circulation des personnes
(articles 21, 45 et 49 du TFUE).
En l’espèce, l’intéressée n’a pas apporté la preuve qu’elle exerçait une activité salariée en Belgique
conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l'emploi des
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travailleurs nationaux. Au contraire, les documents produits attestent d’une prestation de service en tant
que travailleur détaché confirmée par la production d’un certificat de déclaration de Limosa.
Dès lors, l’intéressé [sic] ne remplit pas les conditions pour se voir délivrer une carte de séjour pour
bénéficiaire de l’accord de retrait (carte M) et ne peut se prévaloir du droit au petit trafic frontalier en tant
que bénéficiaire de l’accord de retrait (carte N) ».
2. Procédure.
Conformément à l’article 39/81, alinéas 5 et 7, de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le
séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers (ci-après : la loi du 15 décembre 1980), le Conseil
du contentieux des étrangers (ci-après : le Conseil) statue sur la base du mémoire de synthèse sauf en
ce qui concerne la recevabilité du recours et des moyens.
3. Exposé des moyens d’annulation (exposé tiré du mémoire de synthèse de la partie requérante –
reproduction littérale des termes de ce mémoire, sauf, en principe, les soulignements opérés par la partie
requérante et sauf indication contraire).
Remarque préalable : le Conseil précise que les notes de bas de page figurant dans les écrits de la partie
requérante sont ici omises même s’il en sera évidemment tenu compte dans l’examen du recours.
La partie requérante prend un moyen unique de la violation :
« - des articles 9(b), 10.1, 13.1, 18.1, points e), k), o) et r), 19.1, 21 et 24.3 de l’Accord de retrait, de l’article
45 TFUE,
- des articles 7.1(b), 8.3, 15 et 31 de la directive 2004/38,
- de l’article 47 de la Charte des Droits Fondamentaux,
- des principes généraux de primauté, d’effet direct, de proportionnalité, d’effet utile, de bonne
administration et du droit d’être entendu en droit de l’Union européenne,
- des articles 40 §4, 2° et 47/5 de la loi du 15 décembre 1980,
- des articles 50, § 2, 4° et 69duodecies, §3 de l’arrêté royal du 8 octobre 1981,
- des articles 2 et 3 de la loi du 29 juillet 1991 relative à l’obligation de motivation formelle des actes
administratifs,
- des principes généraux de bonne administration, notamment du principe de préparation avec soin d’une
décision administrative, de l’obligation de diligence et de prudence dans la prise de décision, et du défaut
de prendre en compte l’ensemble des éléments pertinents du dossier ;
ainsi que de l’erreur manifeste d’appréciation ».
3.1.1. Dans une première branche du moyen, la partie requérante indique qu’elle invoque « la violation
des règles suivantes :
- l’article 10.1, point b) de l’Accord de retrait ;
- l’article 13.1 de l’Accord de retrait, lu en combinaison avec l’article 7.1(b) de la directive 2004/38 qui est
transposé en droit belge par l’article 40, §4, alinéa 1er, 2º de la loi du 15 décembre 1980
- l’article 18.1 point e) de l’Accord de retrait ;
- l’article 18.1, point k) de l’Accord de retrait, lu en combinaison avec l’article 8.3 de la directive 2004/38
qui est transposé en droit belge par l’article 40, §4, alinéa 1er, 2º de la loi du 15 décembre 1980 et l’article
50, § 2, 4° de l’arrêté royal du 8 octobre 1981 ;
- l’article 47/5, § 1er de la loi du 15 décembre 1980 ;
- l’article 69duodecies, §3 de l’arrêté royal du 8 octobre 1981 ;
- les articles 2 et 3 de la loi du 29 juillet 1991 relative à l’obligation de motivation formelle des actes
administratifs ;
ainsi que l’existence de l’erreur manifeste d’appréciation ».
La partie requérante relève que « la partie adverse a pris une décision de refus de séjour de plus de trois
mois sans ordre de quitter le territoire à l’encontre de la requérante au motif qu’elle n’aurait pas fourni la
preuve qu’elle a exercé son droit à la libre circulation sur le territoire belge avant le 31.12.2020 et ne peut
se prévaloir du statut de bénéficiaire de l’accord de retrait en tant que titulaire de moyens de subsistance
suffisants, sans tenir compte de tous les éléments de preuve qui figuraient au dossier administratif ».
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