Arrêt Nº230772 de Conseil du Contentieux des Etrangers, 23/12/2019

Judgment Date23 décembre 2019
CourtXe CHAMBRE (Conseil du Contentieux des Etrangers)
Judgement Number230772
Procedure TypePlein contentieux
CCE x - Page 1
230 772
du
23 décembre
2019
dans l’affaire x
En cause
:
x
x
ayant élu domicile
:
au cabinet de Maître Liselotte RECTOR
J. P. Minckelersstraat 164
3000 LEUVEN
contre :
le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides
LE PRÉSIDENT F.F. DE LA XE CHAMBRE,
Vu la requête introduite le 26 mars 2019 par x et x, qui déclarent être de nationalité irakienne, contre les
décisions du Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides, prises le 22 février 2019.
Vu l’article 51/4 de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et
l’éloignement des étrangers (ci-après dénommée la « loi du 15 décembre 1980 »).
Vu le dossier administratif et la note d’observations.
Vu l’ordonnance du 20 novembre 2019 convoquant les parties à l’audience du 12 décembre 2019.
Entendu, en son rapport, F. VAN ROOTEN, juge au contentieux des étrangers.
Entendu, en leurs observations, les parties requérantes assistées par Me M. KIWAKANA loco Me L.
RECTOR, avocat, et A. JOLY, attaché, qui comparaît pour la partie défenderesse.
APRES EN AVOIR DELIBERE, REND L’ARRET SUIVANT :
1. Les actes attaqués
Le recours est dirigé contre des décisions de refus du statut de réfugié et de refus du statut de
protection subsidiaire, prises par le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides, qui sont
motivées comme suit :
a - Concernant le requérant
«A. Faits invoqués
Selon vos dernières déclarations, vous êtes de nationalité irakienne, d’origine ethnique arabe et de
religion musulmane chiite. Vous êtes né le 1er janvier 1983 à Nassiriya, dans la province de Thi Qar. Le
4 août 2015, vous introduisez une demande de protection internationale auprès de l’Office des
étrangers (ci-après OE). A l’appui de votre demande, vous invoquez les faits suivants :
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Après avoir grandi dans la province de Thi Qar, vous effectuez votre service militaire obligatoire sous le
régime de Saddam Hussein. C’est au cours de celui-ci que débute la guerre d’Irak de 2003. A ce
moment en congé, vous ne réintégrez pas votre unité et restez à votre domicile de Nassiriya. Après
avoir exercé pendant quelque temps la profession de transporteur routier, tandis que le nouveau régime
se met en place, vous réintégrez l’armée irakienne. Vous suivez une formation encadrée par des
militaires italiens, puis vous dirigez, en tant que caporal, une unité de douze hommes et vous occupez
notamment de checkpoints à Nassiriya. Après deux ans et demi, vous intégrez la 70e brigade de la 10e
division stationnée dans un premier temps à Bassora. À partir de ce moment, vous exercez la fonction
de conducteur d’engin motorisé type blindé et effectuez dans ce cadre diverses missions. Par la suite,
votre bataillon est transféré au sein de la 32e brigade de la 8e division et vous êtes de ce fait caserné à
Al-Kût, dans la province de Wasît, puis à Essaouira, dans la même province. Après quelques années,
vous obtenez le grade de sergent.
Un jour, vous êtes appelé, dans le cadre de vos fonctions, à prendre part à une opération de sécurité
visant à appréhender une personne recherchée pour terrorisme dénommée [I.M.]. Vous êtes donc
présent sur les lieux de l’intervention, une ferme d’une région agricole d’Essaouira, au volant d’un
véhicule de marque Hummer. À bord se trouve votre supérieur hiérarchique, le lieutenant [A.], ainsi que
trois autres hommes. Vous intervenez en tant qu’appui externe aux forces spéciales. Concrètement,
vous stationnez votre véhicule aux abords du périmètre de l’intervention, tandis que ce sont les agents
des forces spéciales qui pénètrent dans la maison où est censé se trouver l’individu recherché. Au
moment de l’intervention, des coups de feu sont tirés et l’individu en question est tué. Au moment de
l’intervention, tandis que vous vous trouvez dans le Hummer, votre supérieur hiérarchique, le lieutenant
[A.], vous demande de vous munir de votre arme et d’ouvrir le feu. Vous protestez, rappelant que le
protocole de l’opération ne prévoit pas que vous effectuiez ce type d’action, et vous l’interrogez de plus
sur le fait de savoir quelle est dans le cas présent la cible à atteindre. Vous vous exécutez cependant et
tirez deux coups de feu en l’air, afin de ne toucher quiconque. Cela étant, une seconde personne, dont
vous ignorez tout de l’identité mais qui n’avait rien à voir dans cette affaire, est retrouvée morte non loin
du lieu de l’intervention, et il n’est pas exclu que celle-ci ait été victime d’une balle perdue.
Un enquête est ouverte par la justice irakienne à la suite de cette intervention. Dans ce cadre, après
certaines réticences de la part de votre hiérarchie, plusieurs membres des forces spéciales, dont le
capitaine [Am.], ainsi que des membres de votre bataillon, dont vous, le lieutenant [A.] et les autres
personnes qui se trouvaient dans le véhicule de marque Hummer avec vous, sont placés en détention
provisoire. Assez rapidement, les différents témoignages s’accordent à identifier deux agents des forces
spéciales dénommés [A.A.H.] et [A.A.] comme les auteurs des tirs ayant mortellement touché l’individu
qui était recherché. Par contre, les circonstances exactes de la mort de la seconde personne dont le
corps a été retrouvé en marge de l’opération, demeurent inconnues. Tandis qu’[A.A.H.] et [A.A.] ont,
pour des raisons que vous ignorez, quitté l’Irak et rejoint l’Allemagne, plusieurs des personnes
appréhendées, dont le capitaine [Am.], sont libérées après quelque temps par la justice irakienne. Après
plus de deux mois de détention et après avoir clamé votre innocence auprès du juge, vous êtes
également libéré sous caution et en attente d’un jugement définitif susceptible de vous innocenter. Le
lieutenant [A.] par contre était toujours en détention au moment de votre sortie de prison et vous ignorez
ce qu’il est advenu de lui par la suite.
Après ces événements, dégouté de ne pas avoir été davantage soutenu par votre hiérarchie,
soupçonnant le lieutenant [A.] et d’éventuels complices d’ourdir un complot contre vous, estimant que le
risque existe que la tribu de la seconde personne retrouvée morte au cours de l’intervention cherche à
se venger des personnes qu’elle jugerait éventuellement responsables de sa mort, craignant également
la violence des combats survenus notamment à Ramadi et Mossoul, vous décidez de quitter à la fois
l’armée et l’Irak. Aussi, vous quittez le pays en date du 20 juin 2015 et gagnez illégalement la Belgique
où vous arrivez le 3 août de la même année, via notamment la Turquie et la route des Balkans.
Quelque temps après votre départ du pays, vraisemblablement au mois de novembre ou décembre
2015, votre frère [I.] disparait dans des circonstances que vous ignorez. Votre père notamment tente de
le retrouver mais en vain et à ce jour, vous ne savez pas ce qu’il est advenu de votre frère. Dès lors que
ce dernier n’avait à votre connaissance aucun ennemi, vous pensez que sa disparition est liée aux
problèmes que vous avez vous-même rencontrés.
Dans ce contexte, votre épouse, Madame [A.A.I.] (SP : […]), en vient à craindre pour sa propre sécurité
ainsi que celle de vos enfants. Dans un premier temps, elle décide de ne plus envoyer aucun d’eux à

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