Arrêt Nº200690 de Conseil du Contentieux des Etrangers, 05/03/2018

Judgment Date05 mars 2018
CourtIère CHAMBRE (Conseil du Contentieux des Etrangers)
Judgement Number200690
Procedure TypePlein contentieux
CCE x, x et x - Page 1
200 690
du
5 mars 2018
dans les affaires x, x et x
En cause
:
1.
x
2. x
3. x
:
x
contre :
le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides
LE PRÉSIDENT F.F. DE LA Ière CHAMBRE,
Vu les requêtes introduites le 9 février 2017 par x, x et x, qui déclarent être de nationalité irakienne,
contre les décisions du Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides, prises le 16 janvier 2017.
Vu l’article 51/4 de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et
l’éloignement des étrangers.
Vu les dossiers administratifs et les notes d’observations.
Vu les ordonnances du 24 janvier 2018 convoquant les parties à l’audience du 22 février 2018.
Entendu, en son rapport, F. VAN ROOTEN, juge au contentieux des étrangers.
Entendu, en leurs observations, les parties requérantes représentées par Me C. MOMMER loco Me V.
SEDZIEJEWSKI, avocat, et S. ROUARD, attaché, qui comparaît pour la partie défenderesse.
APRES EN AVOIR DELIBERE, REND L’ARRET SUIVANT :
1. Jonction des affaires
1.1 Les recours sont introduits par trois parties requérantes - la première partie requérante, à savoir
Monsieur A. S., est le mari de la deuxième partie requérante - Madame M. Sa. -, et le frère de la
troisième partie requérante - Mademoiselle A. J. - qui invoquent en substance les mêmes faits et qui
font état de craintes de persécution et de risques d’atteintes graves similaires. De plus, les décisions
sont essentiellement motivées par référence l’une à l’autre et les moyens invoqués dans les trois
requêtes sont identiques.
1.2 Partant, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, le Conseil estime qu’il y a lieu de
joindre les recours en raison de leur connexité et de statuer par un seul et même arrêt.
2. Les actes attaqués
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2.1 Les recours sont dirigés contre trois décisions de refus du statut de réfugié et de refus du statut de
protection subsidiaire, prises par le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides.
2.2 La première décision attaquée, prise à l’égard de Monsieur A. S. (ci-après dénommé « le premier
requérant »), est motivée comme suit :
«A. Faits invoqués
Selon vos déclarations, vous seriez de nationalité irakienne, d’origine ethnique arabe, de confession
musulmane - courant sunnite (votre père serait de confession sunnite et votre mère serait de confession
chiite), et seriez originaire de Bagdad, République d’Irak, où vous auriez vécu durant toute votre vie.
Le 13 octobre 2015, accompagné de vos parents, de votre épouse, madame [M. Sa. A. J. (S.P. :
x.xxx.xxx)], et de votre soeur, mademoiselle [A.-F. J. T. I. (S.P. : x.xxx.xxx)], mineure d’âge, vous auriez
quitté Bagdad pour la Turquie. Le 21 octobre 2015, accompagné de votre épouse et de votre soeur [J.],
vous auriez quitté la Turquie pour la Grèce, d’où vous seriez parti pour la Belgique pour y rejoindre votre
soeur, madame [A. H. T. I. (S.P. : x.xxx.xxx)], en Belgique avec son mari depuis septembre 2015. Le 04
novembre 2016, vous avez introduit votre demande d’asile. A l’appui de celle-ci, vous invoquez les faits
suivants :
En 2014, votre frère [S.], aurait décidé de rendre visite à votre soeur [H.] résident à Kirkuk, suite à son
accouchement. A partir de Al Khalas, il n’aurait plus été joignable et vous n’auriez plus de ses nouvelles
à ce jour. Vous ignorez ce qui lui serait arrivé mais précisez que cette route était dangereuse en raison
de la situation de l’époque (présence et combats de Dae’ch, milices et autorités irakiennes).
En 2012, vous auriez fait la connaissance de [Sa.] avec qui vous auriez eu une relation. Vous auriez
décidé d’économiser avant de demander sa main. En janvier 2016, votre mère et [J.] seraient allées
chez [Sa.] demander sa main. Un délai de deux semaines auraient été demandé par sa mère afin que la
famille de [Sa.] se renseigner sur vous. Durant ce délai, le grand-père de [Sa.] serait tombé malade et
serait décédé. Six mois après, le 3 juillet 2015, votre père et votre oncle paternel seraient allés réitérer
la demande au père de [Sa.] qui aurait à nouveau demandé un délai de 2 semaines. Quelques jours
plus tard, son père aurait refusé sans donner de raisons. Le 07 août 2015, vous seriez retourné chez
[Sa.] avec vos parents et [J.] pour connaître les raisons de ce refus et auriez appris que [A.], le cousin
du père de [Sa.], voulait l’épouser depuis un temps mais [Sa.] et son père étaient contre ce mariage en
raison de l’âge d’[A.] (41 ans), sa fonction et son caractère. [A.] travaillant au service des
renseignements et ayant une personnalité difficile, le père de [Sa.] aurait refusé de vous donner la main
de [Sa.] par crainte de représailles. Votre père aurait proposé au père de [Sa.] de dire à [A.] que [Sa.] et
vous avez une relation sérieuse et que [Sa.] vous aimerait vous et pas [A.]. Le père de [Sa.] aurait
accepté. En partant, vous auriez croisé [A.], voisin mitoyen de [Sa.]. Le 10 août 2015, [A.] se serait
rendu à votre commerce et vous aurait menacé de vous tuer si vous ne renoncez pas à [Sa.] et aurait
brandit son arme. Vous auriez informé votre père le même jour qui aurait contacté le père de [Sa.] et
aurait demandé une réunion des deux tribus car [A.] aurait brandit son arme ; cette rencontre aurait eu
lieu dans les 48 heures. Votre père s’y serait rendu accompagné de son frère, des proches et des
voisins. Un échange aurait été convenu : [A.] aurait proposé d’accepter votre mariage à condition qu’il
épouse [J.] 7 jours après votre mariage. Selon vous, [A.] aurait proposé cela pensant que votre famille
allait renoncer et que donc, il se marierait avec [Sa.]. Votre père vous aurait informé de cela, votre mère,
[J.] et vous, en ajoutant son intention de vous faire quitter le pays directement après votre mariage afin
que [J.] ne doive pas épouser [A.]. Votre mère, [J.] et vous auriez refusé, dans un premier temps. Après
réflexion, [J.] et vous et votre mère auriez accepté. Votre père aurait informé le père de [Sa.] qui aurait
accepté le voyage de sa fille. Vous l'auriez épousé officiellement le 17 septembre 2015 et la cérémonie
aurait été célébrée le 10 octobre 2015. Entre ces deux dates, votre père aurait obtenu vos cartes
d’identité avec changement de votre état civil et un passeport pour [Sa.]. Le 13 octobre 2015, vous
auriez quitté le pays.
En Turquie, votre mère aurait découvert l’infidélité de votre père et ils seraient retournés en Irak en
décembre 2015. Elle aurait demandé le divorce et se serait installée chez son frère et sa mère. Elle
aurait travaillé dans une crèche pour subvenir à ses besoins. Le 1er juin 2016, elle serait décédée suite
à des blessures par balles ; selon vous, [A.] l’ aurait tuée.
A l’appui de votre demande d’asile, vous déposez la carte d’identité, le certificat de nationalité et une
copie passeport de votre épouse et de vous, votre carte d’électeur, votre acte de mariage, une copie de
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la carte de résidence de votre père, une copie de la carte de ravitaillement ainsi que des photographies
de votre mariage.
En cas de retour, vous dites craindre [A.] en raison du fait que [J.] ne l’aurait pas épousé comme promis
par votre père.
B. Motivation
En cas de retour, vous dites craindre [A.], le cousin du père de votre épouse, en raison du fait que
l’échange proposé par votre père n’aurait pas été respecté par votre famille. En effet, [A.] aurait accepté
votre mariage – avec la fille de son cousin en échange d’un mariage avec votre soeur [J.]. Toutefois,
votre père aurait accepté cet échange sans jamais avoir l’intention de marier [J.] à [A.] et votre beau-
père aurait été d’accord et impliqué dans ce coup monté (Audition au CGRA du 06 décembre 2016, pp.
10 à 12).
Or, force est de constater que de l’analyse de votre dossier, il appert que les éléments que vous
invoquez à l’appui de votre demande d’asile ne permettent pas d’établir l’existence, dans votre chef,
d’une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 ni d’un
risque réel de subir les atteintes graves définies dans l’article 48/4 de la loi du 15 décembre 1980.
Le CGRA ne remet pas en cause pas votre mariage avec [Sa.] mais l’échange qui aurait causé votre
départ du pays ; à savoir le mariage d’[A.] avec [J.] proposé par [A.] et accepté par votre père sans
intention de le respecter.
Ainsi, premièrement, vous dites qu’[A.] travaillerait au sein des services des renseignements mais ni
vous, ni votre épouse et ni votre soeur ne savez fournir de précision à ce sujet (Votre audition au CGRA,
p. 14, audition de votre épouse, p. 6 et audition de votre soeur, pp. 11 et 14).
Deuxièmement, vous dites qu’[A.] voulait épouser [Sa.] depuis longtemps mais vous ne savez pas
depuis quand, le nombre de fois qu’il aurait demandé la main de [Sa.] et les raisons pour lesquelles il
voulait épouser [Sa.] (Votre audition, p. 13). Ces méconnaissances sont importantes dans la mesure où
vous invoquez cela à la base de votre demande d’asile et que vous êtes marié à [Sa.] depuis plus d’un
an. Vous ne vous seriez pas renseigné auprès de votre épouse (Ibid., p. 13).
Troisièmement, d’autres éléments renforcent le manque de crédibilité de cet échange.
Tout d’abord, invité à expliquer votre récit, vous détaillez les démarches faites par votre famille pour
demander la main de [Sa.], puis vos dires sur l’échange proposé deviennent imprécis et vous ne dites
plus rien sur ce qui se serait passé après votre départ d’Irak avant le délai de 7 jours après lequel [A.]
aurait du épouser votre soeur. Cela jette un premier doute (Ibid., pp. 10 à 12).
De plus, soulignons qu’il est étonnant que votre père ait accepté la proposition d’[A.] sachant qu’il voulait
épouser [Sa.] depuis un temps, la personnalité et la fonction d’[A.] qui aurait amené le père de [Sa.] à
vous refuser la main de [Sa.]. Ajoutons qu’il est étonnant que la famille de [Sa.] ait demandé un délai de
réflexion à deux reprises à votre famille pour se renseigner à votre sujet sachant qu’[A.] allait s’y
opposer vu qu’il voulait l’épouser depuis longtemps comme vous dites (Ibid., pp. 11, 12, 16).
Ensuite, le fait que le père de [Sa.] aurait accepté de faire croire à son cousin que l’échange aurait lieu
tout en étant conscient que vous alliez quitter le pays avant le délai de 7 jours est plus qu’étonnant. En
effet, vous dites que le non-respect d’un échange de cette sorte peut impliquer une vengeance entre les
tribus et est considéré comme un meurtre commis par votre famille à la tribu adverse. Dès lors, il est
étonnant que votre beau-père ait accepté cela. Interrogé à ce sujet, vous arguez votre amour pour [Sa.].
Confronté au fait que cela peut engendrer un déshonneur et des conflits entre tribus, vous réitérez votre
amour mutuel. Le CGRA s’étonne sur le fait que votre beau-père ait accepté de risquer l’honneur de sa
tribu de la sorte.
Ajoutons qu’interrogé alors sur les suites du non-respect de cet échange, vu que vous avez quitté l’Irak
avec [J.] en octobre 2015, avant le délai de 7 jours, vous répondez que votre mère aurait été assassinée
par [A.] et que votre père vivrait chez sa soeur à Bagdad mais ne travaillerait plus (Cfr. Infra).
Interrogé sur les suites de l’affaire entre les deux tribus, vu le manquement de la part de votre famille au
sujet de cet échange, vous dites qu’il ne se serait rien passé et affirmez qu’[A.] reprocherait votre départ

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