Décision judiciaire de Conseil d'État, 26 novembre 2019

Date de Résolution26 novembre 2019
JuridictionXIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

XIIIe CHAMBRE

A R R Ê T

nº 246.185 du 26 novembre 2019

  1. 222.233/XIII-8007

En cause : DODEIGNE Victor, ayant élu domicile chez Me Alain LEBRUN, avocat, Place de la Liberté 6 4030 Liège,

contre :

la Région wallonne, représentée par son Gouvernement, ayant élu domicile chez Me Pierre MOËRYNCK, avocat, avenue de Tervueren 34/27 1040 Bruxelles.

Partie intervenante :

BOSLY Thomas, ayant élu domicile Ozo 23 6941 Durbuy.

------------------------------------------------------------------------------------------------------ I. Objet de la requête

Par une requête introduite le 10 mai 2017, Victor DODEIGNE demande l'annulation de l'arrêté du 7 mars 2017 du Ministre de la Région wallonne ayant la Mobilité et l'Aménagement du territoire dans ses attributions, acceptant la demande de modification d'une partie du chemin vicinal n° 19 à Izier.

II. Procédure

Par une requête introduite le 11 juillet 2017, Thomas BOSLY a demandé à être reçu en qualité de partie intervenante.

Cette intervention a été accueillie par une ordonnance du 3 août 2017.

Le dossier administratif a été déposé.

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Les mémoires en réponse et en réplique ont été régulièrement échangés.

Mme Muriel VANDERHELST, auditeur au Conseil d'État, a rédigé un rapport sur la base de l'article 12 du règlement général de procédure.

Le rapport a été notifié aux parties.

Les parties requérante et adverse ont déposé un dernier mémoire.

Par une ordonnance du 17 septembre 2019, l'affaire a été fixée à l'audience du 24 octobre 2019 à 09.30 heures.

Mme Anne-Françoise BOLLY, conseiller d'État, a exposé son rapport.

Me Valentine BOULANGER, loco Me Alain LEBRUN, avocat, comparaissant pour la partie requérante, et Me Aurélie VANDENBERGHE, loco Me Pierre MOËRYNCK, avocat, comparaissant pour la partie adverse, ont été entendus en leurs observations.

Mme Muriel VANDERHELST, auditeur, a été entendue en son avis conforme.

Il est fait application des dispositions relatives à l'emploi des langues, inscrites au titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973.

III. Faits

1. Le requérant est domicilié à Izier (Durbuy), Les Creuhètes 2, et est propriétaire du bien y situé, sur une parcelle cadastrée Durbuy, 8ème division, section A, n° 242F.

  1. À une date non précisée, la partie intervenante et son épouse introduisent une demande de permis d'urbanisme portant sur un bien sis rue de l'Argoté (ou rue Argotte) 19 à Izier, sur une parcelle cadastrée Durbuy, 8ème division, section A, n° 248v et ayant pour objet la construction d'une maison. Cette parcelle est contiguë à celle du requérant.

    L'instruction de cette demande met en lumière, entre autres, la nécessité d'une modification de la voirie communale.

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    Dans ce contexte, un plan de modification d'une partie du chemin vicinal n° 19 est dressé par géomètre le 25 février 2015.

    Dans ce cadre également, le commissaire-voyer des services provinciaux techniques émet le 6 mars 2015 un avis défavorable sur la demande de permis d'urbanisme au motif suivant : "[...] la procédure concernant l'incorporation d'une bande de terrain dans le domaine public du chemin communal n° 19 devra être approuvée avant toute introduction d'un permis d'urbanisme. [...]".

    Le permis d'urbanisme sollicité est octroyé par le collège communal de Durbuy le 30 mars 2016, décision qui est toutefois suspendue par le fonctionnaire délégué le 10 mai 2016 et finalement retirée le 18 mai 2016.

  2. Le 12 septembre 2016, le collège communal dépose une demande d'élargissement du chemin vicinal n° 19 au droit de la parcelle cadastrée 8ème division, section A, n° 248v, sur une emprise de 20 m² à céder au domaine communal.

  3. Une enquête publique est organisée sur le territoire de la ville de Durbuy du 22 septembre au 24 octobre 2016. Elle donne lieu à une réclamation, introduite par le requérant et Jocelyne BOUDLET.

  4. Le 5 décembre 2016, le conseil communal de Durbuy "adopte le plan pour la modification d'une partie du chemin vicinal n° 19 dressé par M. Lambert NAMOTTE, géomètre, plan n° GEO040589 du 25 février 2015" et précise que "la superficie concernée à savoir 20 m² sera cédée gratuitement au profit du chemin vicinal n° 19, domaine public communal".

    Quant à la réclamation, le conseil communal considère qu'elle "est recevable mais non fondée dans la mesure où l'on ne touche pas à l'alignement du plaignant, qu'il s'agit du domaine public desservant une zone d'habitat à caractère rural".

    Cette décision fait l'objet d'un affichage du 27 décembre 2016 au 10 janvier 2017.

  5. Le 10 janvier 2017, le requérant et Jocelyne BOUDLET, représentés par leur conseil, introduisent un recours contre la délibération du conseil communal du 5 décembre 2016, lequel sera réceptionné le lendemain.

    XIII - 8007 - 3/20

    7. Le 1er février 2017, la partie intervenante et son épouse adressent un courrier au Ministre en réaction à ce recours.

  6. Le 2 mars 2017, la direction de l'urbanisme et de l'architecture du département de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme adresse une note au Ministre, dans laquelle elle propose de confirmer la décision du conseil communal du 5 décembre 2016.

    Il y est notamment préciséque la demande "est introduite indépendamment d'une demande de permis d'urbanisme" et qu'elle "est toutefois introduite en préambule à une demande de permis d'urbanisme pour le revêtement et l'équipement d'un tronçon de la voirie, en vue de permettre l'urbanisation de la parcelle la jouxtant".

  7. Le 7 mars 2017, le Ministre déclare le recours recevable mais non fondé. La demande initiale de modification de voirie est acceptée, conformément au "Plan pour la modification d'une partie du chemin vicinal n° 19" dressé en date du 25 février 2015 par le géomètre-expert Lambert NAMOTTE. Il s'agit de l'acte attaqué, lequel est notifié, entre autres, au conseil du requérant par courrier recommandé du 10 mars 2017 et repose sur les considérations suivantes :

    " [...]

    Considérant que la voirie communale concernée n'est en l'état actuel, pas équipée ni pourvue d'un revêtement dur; qu'en vue de rendre possible l'urbanisation de la parcelle située le long de cette voirie, il est nécessaire que ladite voirie soit pourvue d'un revêtement dur et dûment équipée; que dans ce cadre, l'élargissement sollicité est souhaité par la Province (par le biais du commissaire voyer) dans l'objectif d'établir un nouvel alignement moins accidenté le long de la voirie communale et de disposer d'une largeur suffisante pour l'aménagement d'un accotement le long de la parcelle à urbaniser;

    Considérant que la voirie communale concernée se prolonge en zone urbanisable au plan de secteur sur une distance de l'ordre de 230 mètres au-delà de la parcelle des demandeurs; que ladite voirie est dès lors susceptible de voir son aménagement se prolonger sur cette distance au fil de l'urbanisation future de la zone d'habitat à caractère rural qu'elle traverse;

    Considérant que l'enquête publique, tenue du 22 septembre au 24 octobre 2016, a donné lieu à une lettre de réclamations, portant sur les points suivants : - L'élargissement de la voirie a pour but de donner accès aux véhicules motorisés à l'arrière de la parcelle n° 248 v. Actuellement le chemin n'est pas accessible aux véhicules motorisés; - L'impossibilité d'élargir ce même chemin au droit de notre propriété, devant laquelle lesdits véhicules devront passer, implique des désagréments pour nous; - Cette modification incitera les propriétaires de quads, motos, etc. à emprunter ce chemin bucolique; - La modification apportée ne change pas la configuration actuelle de part et d'autre de la parcelle, à savoir un chemin d'une largeur de l'ordre de 4 à 5 mètres, ne permettant pas de manœuvre (croisement, demi-tour); - Le charroi de chantier engendrera des nuisances; - La situation sera source de conflit de voisinage;

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    - L'élargissement de la voirie va à l'encontre des objectifs du décret relatif aux voiries communales;

    - Il s'agit de servir un intérêt privé et non un intérêt public;

    Considérant que sur la forme, il y a lieu de souligner que le dossier de demande contient toutes les informations prévues à l'article 11 du décret du 6 février 2014 relatif à la voirie communale; que ces informations permettent d'aborder la demande en pleine connaissance de cause;

    Considérant que, dans son recours, le conseil des requérants avance les arguments suivants : - Les résultats de l'enquête publique et notamment les réclamations formulées par les requérants n'ont pas été soumis au conseil communal, qui ne s'est donc pas prononcé en connaissance de cause; - La décision viole l'article 9 du décret puisque le projet ne tend ni à assurer ou améliorer le maillage des voiries, ni à faciliter le cheminement des usagers faibles, ni à encourager l'utilisation des modes doux de communication. La décision ne correspond donc à aucun des objectifs du décret; - Il s'agit non pas de servir l'intérêt public mais bien de favoriser un patrimoine particulier, sans aucune vision de l'intérêt collectif sur le devenir de cette voirie. La parcelle à diviser a d'ailleurs été artificiellement scindée en deux parties alors qu'elle reste au sein d'une même famille et est en réalité desservie par une voirie parfaitement équipée à l'autre bout de celle-ci;

    Considérant que sur le fond, quant aux arguments soulevés lors de l'enquête publique et dans le recours, il s'impose de relever que l'article 2, 2° du décret précise qu'il y a lieu d'entendre par «modification d'une voirie communale», l'élargissement ou le rétrécissement de l'espace destiné au passage du public, «à l'exclusion de l'équipement des voiries»; que le commentaire des articles du décret du 6 février 2014 souligne de même que «la modification exclut en tout état de cause l'équipement de sa définition, mais il n'exclut pas nécessairement les dépendances, si ces dépendances sont destinées au passage du public»...

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