Décision judiciaire de Conseil d'État, 14 novembre 2019

Date de Résolution14 novembre 2019
JuridictionXIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

LE PRÉSIDENT DE LA XIIIe CHAMBRE

A R R Ê T

nº 246.096 du 14 novembre 2019

A. 228.175/XIII-8664

En cause : BODEN Jean-Marc, ayant élu domicile chez

Me Xavier CLOSE, avocat, avenue de l'Observatoire 10 4000 Liège,

contre :

1. la Ville de Liège, ayant élu domicile chez

Mes Nathalie VAN DAMME et Florence NATALIS, avocats, place des Nations Unies 7 4020 Liège,

2. la Région wallonne, représentée par son Gouvernement, ayant élu domicile chez

Me Xavier DRION, avocat, rue Hullos 103-105 4000 Liège.

Partie intervenante :

LAPAILLE Colette, ayant élu domicile chez

Me Alexandre PIRSON, avocat, rue Saint-Hubert 17 4000 Liège.

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I. Objet de la requête

Par une requête introduite par la voie électronique le 21 mai 2019, Jean-Marc BODEN demande, d'une part, la suspension de l'exécution et, d'autre part, l'annulation de la délibération du collège communal de Liège du 22 mars 2019 par laquelle est octroyé à Colette LAPAILLE un permis d'urbanisme autorisant la construction d’un immeuble comportant deux logements sur un bien sis rue Edmond Jacquemotte, 5, à Jupille (Liège).

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II. Procédure

Par une requête introduite par la voie électronique le 18 juin 2019, Colette LAPAILLE demande à être reçue en qualité de partie intervenante.

La première partie adverse a déposé sa note d'observations ainsi que son dossier administratif par la voie électronique.

La seconde partie adverse a déposé une note d'observations et son dossier administratif.

Mme Isabelle LEYSEN, premier auditeur au Conseil d'État, a rédigé un rapport sur la base de l'article 93 du règlement général de procédure.

Par une ordonnance du 25 septembre 2019, les parties ont été convoquées à l'audience du 21 octobre 2019 à 10 heures et le rapport leur a été notifié.

M. Luc DONNAY, conseiller d'État, a exposé son rapport.

Me Joachim LOUMAYE, loco Me Xavier CLOSE, avocat, comparaissant pour la partie requérante, et Me Nathalie VAN DAMME, avocat, comparaissant pour la première partie adverse, Me Xavier DRION, avocat, comparaissant pour la seconde partie adverse et Me Alexandre PIRSON, avocat, comparaissant pour la partie intervenante, ont été entendus en leurs observations.

Mme Isabelle LEYSEN, premier auditeur, a été entendue en son avis conforme.

Il est fait application des dispositions relatives à l'emploi des langues, inscrites au titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973.

III. Faits

1. Le 12 septembre 2018, Colette LAPAILLE introduit une demande de permis d’urbanisme ayant pour objet la construction d’un immeuble comportant deux logements sur un terrain situé rue Edmond Jacquemotte 5 à Liège.

Il s’agit d’un immeuble (rez + 2 étages) à toiture plate, d’une profondeur de 11,30 mètres. En façade arrière, le rez-de-chaussée serait construit en décrochage

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(qui implique une profondeur supplémentaire de 2,01 mètres) et dont la toiture plate serait aménagée en terrasse au niveau du premier étage.

Le bien figure en zone d’habitat au plan de secteur de Liège.

Il est également situé dans le périmètre d’un permis de lotir (désormais permis d’urbanisation) dit "Charlemagne" du 22 août 1967, modifié les 16 juillet 1969, 14 avril 1971 et 28 mai 1982. Il s’agit du lot n° 78 du lotissement.

Le projet s’écarte de l’article 3 du permis de lotir en ce qui concerne la zone de recul qui est complètement minéralisée alors qu’elle devrait être aménagée en jardinet.

  1. Le 26 septembre 2018, la ville de Liège informe la demanderesse de permis et le fonctionnaire délégué que la demande est incomplète et leur adresse un relevé des pièces manquantes.

  2. Le 5 octobre 2018, la ville de Liège réceptionne les pièces complémentaires sollicitées.

  3. Le 18 octobre 2018, la ville de Liège transmet au fonctionnaire délégué le dossier complet de la demande de permis et adresse à la demanderesse de permis un accusé de réception du dossier complet de la demande.

  4. Le 29 octobre 2018, le service voirie du département des travaux de la ville émet un avis favorable conditionnel sur la demande.

  5. Le projet est soumis à annonce de projet du 1er au 15 novembre 2018.

    Elle donne lieu à trois courriers de réclamations, dont celui de la partie requérante (voisin de gauche du projet, propriétaire du n° 7) et celui des propriétaires du n° 3, ainsi qu’une pétition recueillant 67 signatures.

  6. Le 7 décembre 2018, le collège communal de la ville de Liège émet un avis favorable conditionnel.

  7. Le 11 décembre 2018, le collège communal adresse un courrier à la demanderesse de permis lui signalant que l’avis du fonctionnaire délégué est sollicité.

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    9. Le 17 janvier 2019, le fonctionnaire délégué émet un avis favorable et propose d’octroyer le permis sollicité assorti de la condition de limiter l’accessibilité de la terrasse du 1er étage afin de respecter le Code civil. Cet avis est notamment rédigé comme suit :

    " […]

    Considérant que la demande de permis s’écarte du permis d’urbanisation pour les motifs suivants : - aménagement de la zone de recul;

    Considérant qu’en vertu de l’article D.IV.5, un permis ou un certificat d’urbanisme n° 2 peut s’écarter […] d’un permis d’urbanisation moyennant une motivation démontrant que le projet : 1° ne compromet pas les objectifs de développement territorial, d’aménagement du territoire ou d’urbanisme contenus dans […] le permis d’urbanisation; 2° contribue à la protection, à la gestion ou à l’aménagement des paysages bâtis ou non bâtis;

    Considérant que ces conditions sont rencontrées compte tenu des éléments d’appréciation suivants :

    Considérant le contexte et l’étroitesse de la parcelle, l’aménagement proposé est intégré et ne perturbe pas les alentours. […]"

  8. Le 24 janvier 2019, la ville de Liège sollicite des plans modifiés répondant aux conditions suivantes :

    " […] • revoir la profondeur du projet afin de mieux s’intégrer au contexte existant : le volume secondaire sera réduit afin de s’aligner sur le volume voisin, l’accès à la toiture sera limité à un balcon distant de minimum 1m90 de la limite de propriété voisine; • […] • améliorer la verdurisation de la zone de recul; • […]".

  9. Le 1er février 2019, le collège communal décide de proroger de 30 jours le délai d’instruction de la demande de permis. Cette décision est envoyée à la demanderesse de permis et au fonctionnaire délégué.

  10. Le 27 février 2019, la ville de Liège réceptionne des plans modifiés.

    Le projet modifié prévoit la réduction de la profondeur du rez-dechaussée construit en décrochage de la façade arrière (ce qui implique la suppression de la terrasse initialement prévue sur la toiture plate du rez) ainsi que la verdurisation d’une partie de la zone de recul (du côté des limites de propriété).

  11. Le 1er mars 2019, la ville de Liège informe la demanderesse de permis que suite au dépôt de plans modificatifs, le collège communal substitue

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    l’accusé de réception initial de son dossier conformément à l’article D.IV.43 du Code du développement territorial (CoDT), que le dossier est dispensé de l’avis du fonctionnaire délégué et que la décision doit être envoyée dans un délai de 30 jours.

  12. A la même date, le collège communal transmet les plans modificatifs et une copie du nouvel accusé de réception au fonctionnaire délégué.

  13. Le 22 mars 2019, le collège communal délivre le permis sollicité. Il s’agit de l’acte attaqué. Par un courrier daté du 26 mars 2019 et envoyé le lendemain, cette décision est notifiée à la demanderesse de permis.

    IV. Intervention

    La requête en intervention introduite par Colette LAPAILLE est accueillie.

    V. Débats succincts

    L'auditeur rapporteur a examiné le présent recours dans le cadre de la procédure en débats succincts, étant d'avis qu’aucun des deux moyens n’est fondé.

    VI. Premier moyen

    VI.1. Thèse de la partie requérante

    La partie requérante prend un premier moyen de l’inexactitude des motifs, de l’erreur manifeste d’appréciation et de la violation de l’article 6, § 8, de la Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (Convention d’Aarhus), des articles D.29-2, D.66 et D.67 du Code de l’environnement, des articles D.VIII.2, § 1er, alinéa 2, et D.IV.53 du CoDT, de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs, des principes généraux de bonne administration, en particulier le principe de minutie, et du principe général de droit selon lequel les actes administratifs doivent reposer sur des motifs exacts, pertinents et légalement admissibles.

    Elle rappelle tout d’abord que la réclamation qu’elle a introduite dans le cadre de l’enquête publique dénonçait une perte d’éclairage et d’ensoleillement, une sensation d’écrasement, ainsi que l’impact du gabarit du projet sur la terrasse et les pièces de vie de son habitation situées aux étages de la façade arrière de son immeuble. Elle réclamait une diminution de la profondeur des étages du volume

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    principal afin de le ramener à la profondeur des autres habitations. Elle relève que le collège communal a admis la pertinence de cette réclamation en ce qui concerne la perte d’ensoleillement et de luminosité dans les pièces de vie de son habitation et qu’il a d’ailleurs sollicité le dépôt de plans modifiés prévoyant notamment la réduction du volume secondaire afin de s'aligner sur le volume voisin. Elle en déduit que le collège communal a donc considéré que la réduction du volume secondaire du projet aurait pour effet de limiter l’"impact" du projet en terme de perte d’ensoleillement sur la propriété voisine. À son estime, cette appréciation est inexacte en fait, manifestement déraisonnable, et ne repose pas sur un examen...

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