Décision judiciaire de Conseil d'État, 27 mars 2019

Date de Résolution27 mars 2019
JuridictionVI
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

LE PRÉSIDENT DE LA VIe CHAMBRE SIÉGEANT EN RÉFÉRÉ

A R R ÊT

nº 244.037 du 27 mars 2019

  1. 227.585/VI-21.438

    En cause : la société anonyme AXO,

    ayant élu domicile chez

    Me François LIBERT, avocat, avenue Emile De Mot 19 1000 Bruxelles,

    contre :

    la Province de Hainaut,

    ayant élu domicile chez

    Mes Patrick THIEL et

    Isabelle VAN KRUCHTEN, avocats, place Flagey 18 1050 Bruxelles.

    ------------------------------------------------------------------------------------------------------

    I. Objet de la requête

    Par une requête introduite le 8 mars 2019, la société anonyme AXO demande la suspension, selon la procédure d'extrême urgence, de l'exécution de "la décision du Collège du Conseil Provincial du Hainaut du 17 décembre 2018 de ne pas retenir son offre, dans le cadre d'un marché public de service consistant en un «reconditionnement du chauffage — UREBA — SAINT-GHISLAIN— Haute Ecole Provinciale de Hainaut Condorcet — Catégorie Arts Appliqués», et d'attribuer ledit marché à la SA ENVISYS".

    II. Procédure

    Par une ordonnance du 11 mars 2019, l'affaire a été fixée à l'audience du 26 mars 2019 à 10 heures.

    La contribution et les droits visés respectivement aux articles 66, 6°, et 70 de l'arrêté du Régent du 23 août 1948 déterminant la procédure devant la section du contentieux administratif du Conseil d'État ont été acquittés.

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    La note d'observations et le dossier administratif ont été déposés.

    Mme Nathalie VAN LAER, conseiller d'État, Président f.f., a exposé son rapport.

    Me Laura DELSAUX, loco Me François LIBERT, avocat, comparaissant pour la partie requérante, et Me Patrick THIEL, avocat, comparaissant pour la partie adverse, ont été entendus en leurs observations.

    Mme Geneviève MARTOU, premier auditeur au Conseil d'État, a été entendue en son avis conforme.

    Il est fait application des dispositions relatives à l'emploi des langues, inscrites au titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973.

    III. Exposé des faits utiles

    Le 12 octobre 2018 est paru au Bulletin des adjudications un avis relatif à un marché de travaux pour le reconditionnement du chauffage - UREBA de la Haute École de Hainaut CONDORCET.

    L'avis de marché précise qu'il s'agit d'une procédure ouverte, que le marché sera attribué en fonction uniquement du prix et que l'ouverture des offres se déroulera le 20 novembre 2018 à 9 heures.

    Six offres dont celle de la requérante et celle de la société anonyme ENVISYS ont été déposées. Selon le procès-verbal d'ouverture des offres, l'offre de la requérante était la moins chère tandis que l'offre de la société anonyme ENVISYS était classée quatrième.

    Le rapport d'analyse des offres propose d'attribuer le marché à la société anonyme ENVISYS. Ce rapport comporte le passage qui suit :

    " Correction des erreurs arithmétique et matérielle

    Article 34 – A.R. du 18 avril 2017

    Lors de la vérification des prix, l'adjudicateur constate que l'entreprise ENVISYS a renseigné pour le poste «12.1.2 tuyauteries sanitaires multicouches DN20» un prix unitaire anormalement haut (1.904,40 €/m) par rapport à la moyenne des offres (26,30 €/m).

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    Dans ce cas et suivant l'Article 34 § 2, l'adjudicateur doit rechercher l'intention du soumissionnaire :

    Attendu que le prix analysé fait partie d'une liste de postes qui se suivent et dont les prix unitaires sont croissants, l'intention du soumissionnaire est claire : le prix devrait être compris dans l'intervalle des deux prix extrêmes soit entre 23,00 € (12.1.1. tuyauteries sanitaires multicouches DN15) et 59,80 € (12.1.3 tuyauteries sanitaires multicouches DN40).

    Or, le prix unitaire est 1.904,40 €, l'adjudicateur en déduit donc que le soumissionnaire a commis une erreur matérielle et décide de recalculer le prix du soumissionnaire sur base de la moyenne des offres sélectionnées et de le corriger à 26,30 €.

    Calcul moyenne des offres du poste 12.1.2 : (25,76+29,28+23,86)/3=26,30 €

    Ce faisant, l'offre de la SA Envisys est ramenée à la somme globale de 533.999,90 € HTVA.

    Classement des offres après rectification (par ordre croissant) 1. SA ENVISYS de 7012 Jemappes à 533.999,90 € HTVA 2. AXO SA de 1082 Berchem-Ste-Agathe à 550.769,88 € HTVA 3. CFA de 7503 Froyennes à 557.707,58 € HTVA 4. SA THERSA de 7700 Mouscron à 568.807,91 € HTVA 5. SA SOTRELCO de 7110 Strépy-Bracquegnies à 600.713,40 € HTVA 6. SPRL CELSIUS HVAC de 7440 Pecq à 631.253,08 € HTVA".

    Le 20 décembre 2018, le Collège provincial de Hainaut a décidé d'attribuer le marché à la société anonyme ENVISYS. Il s'agit de l'acte attaqué qui a été communiqué à la requérante par un courrier daté du 21 février 2019.

    Par un courrier daté du 18 février 2019, la Région wallonne a indiqué à la partie adverse que cette décision "n'appelle aucune mesure de tutelle et est devenue pleinement exécutoire".

    IV. Moyen unique

    IV.1. Thèses des parties

  2. Demande de suspension

    La requérante prend un moyen unique de la violation des articles 2 et 3 de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs, du principe de motivation interne, des articles 35 et 36 de l'arrêté royal du 18 avril 2017 relatif à la passation des marchés publics dans les secteurs classiques, des articles 10 et 11 de la Constitution, du principe d'égalité entre les soumissionnaires, du principe général de droit "patere legem quam ipse fecisti", de l'article 4 de la loi du 17 juin 2016 relative aux marchés publics, des principes de bonne administration, de l'erreur de fait, de l'erreur manifeste d'appréciation ainsi que de l'excès de pouvoir.

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    Elle développe son moyen de la manière suivante :

    " Première branche

    En ce que la décision attaquée désigne comme adjudicataire du marché public de services en question, la SA ENVISYS, après avoir unilatéralement modifié le prix global de son offre, sans appliquer la procédure de vérification prévue pour les prix anormaux;

    Alors que l'article 36 de l'arrêté prévue aux articles 35 et 36 de l'arrêté royal du 18 avril 2017 dispose que : « lorsque les prix ou les coûts semblent anormalement bas ou élevés lors de la vérification des prix ou des coûts effectuée conformément à l'article 35, le pouvoir adjudicateur procède à un examen de ces derniers. […]

    Lors de l'examen des prix ou des coûts, le pouvoir adjudicateur invite le soumissionnaire à fournir les justifications écrites nécessaires relatives à la composition du prix ou du coût considéré comme anormal dans un délai de douze jours, à moins que l'invitation ne détermine un délai plus long […]

    Le pouvoir adjudicateur apprécie les justifications reçues et : 1° soit constate que le montant d'un ou de plusieurs poste(s) non négligeable(s) présente(nt) un caractère anormal et écarte l'offre en raison de l'irrégularité substantielle dont elle est entachée; 2° soit constate que le montant total de l'offre présente un caractère anormal et écarte l'offre en raison de l'irrégularité substantielle dont elle est entachée; 3° soit motive dans la décision d'attribution que le montant total de l'offre ne présente pas de caractère anormal.»;

    Que les principes d'égalité et de non-discrimination consacrés par les articles 10 et 11 de la Constitution prohibent qu'il soit fait, sans justification admissible, des différences de traitement entre personnes ou catégories de personnes se trouvant dans des situations comparables ; que si une différence de traitement est établie entre des catégories de personnes comparables, elle doit reposer sur un critère objectif et être raisonnablement justifiée (M. BANNEUX, «L'égalité: clef du contentieux constitutionnel ?», in M. PÂQUES et J-C. SCHOLSEM, L'égalité: nouvelle(s) clef(s) du droit ?, CUP, vol.73, Larcier, 2004, p.10);

    Que le principe général de droit Patere legem quam ipse fecisti implique que l'administration ne puisse déroger, par une décision particulière à un règlement qu'elle a elle-même antérieurement édicté et qui ne prévoit pas une telle possibilité de dérogation (C.E., 27 septembre 1988, n° 30876, De Leener et Ballon; P. GOFFAUX, Dictionnaire de droit administratif, Bruylant, 2016, p.453);

    Que le pouvoir adjudicateur est tenu de respecter les principes d'égalité et de transparence, ainsi que les règles qu'il s'est lui-même fixées au travers de l'avis de marché et du cahier spécial des charges (D. Batselé, B. Heuninckx, L. Mayaux, et A. Yerna, «Chapitre II - La...

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