Décision judiciaire de Conseil d'État, 14 novembre 2018

Date de Résolution14 novembre 2018
JuridictionVI
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

LE PRÉSIDENT DE LA VIe CHAMBRE SIÉGEANT EN RÉFÉRÉ

A R R ÊT

nº 242.936 du 14 novembre 2018

A. 226.421/VI-21.338

En cause : la société anonyme EURO FIDES CREDIT

MANAGEMENT,

ayant élu domicile chez

Me Jean-Marc RIGAUX, avocat, boulevard d'Avroy 270 4000 Liège,

contre :

la société coopérative à responsabilité limitée

Centre Hospitalier Bois de l'Abbaye, en abrégé C.H.B.A.,

ayant élu domicile chez

Mes Véronique VANDEN ACKER, François VISEUR et Louise LAPERCHE, avocats, avenue Louise 140 1050 Bruxelles.

Parties intervenantes :

1. la société anonyme MODERO GERECHTDEURWAARDERS ANTWERPEN,

  1. la société coopérative à responsabilité limitée INTERMEDIANCE,

    3. la société coopérative à responsabilité limitée INTERVENTUS.

    ayant élu domicile chez

    Me Jean-Marc SECRETIN, avocat, rue des Augustins 32 4000 Liège.

    ------------------------------------------------------------------------------------------------------

    I. Objet de la requête

    Par une requête introduite le 12 octobre 2018, la société anonyme EURO FIDES CREDIT MANAGEMENT demande la suspension, selon la procédure d'extrême urgence, de l'exécution de "la décision du 1er octobre 2018 de la partie adverse attribuant le marché de recouvrement de créances EP15-15 au groupement d'opérateurs économiques MODERO-INTERMEDIANCE-INTERVENTUS, notifié

    et réceptionné par la partie requérante par mail en date du 3 octobre 2018".

    II. Procédure

    Par une ordonnance du 16 octobre 2018, l'affaire a été fixée à l'audience du 8 novembre 2018 à 9 heures 30.

    La note d'observations et le dossier administratif ont été déposés.

    Par une requête introduite le 30 octobre 2018, la société anonyme MODERO GERECHTDEURWAARDERS ANTWERPEN, la société coopérative à responsabilité limitée INTERMEDIANCE et la société coopérative à responsabilité limitée INTERVENTUS demandent à être reçues en qualité des parties intervenantes.

    La contribution et les droits visés respectivement aux articles 66, 6°, et 70 de l'arrêté du Régent du 23 août 1948 déterminant la procédure devant la section du contentieux administratif du Conseil d'État ont été acquittés.

    Mme Nathalie VAN LAER, conseiller d'État, Président f.f., a exposé son rapport.

    Me Jean-Marc RIGAUX, avocat, comparaissant pour la partie requérante, Mes Louise LAPERCHE et Véronique VANDEN ACKER, avocats, comparaissant pour la partie adverse, et Me Laura DERU, loco Me Jean-Marc SECRETIN, avocat, comparaissant pour les parties intervenantes, ont été entendus en leurs observations.

    M. Denis DELVAX, premier auditeur au Conseil d'État, a été entendu en son avis contraire.

    Il est fait application des dispositions relatives à l'emploi des langues, inscrites au titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973.

    III. Exposé des faits utiles

    Le 28 décembre 2015 est paru au Bulletin des adjudications un avis relatif à un marché de services relatif au recouvrement de créances patients pour une durée de 4 ans, résiliable annuellement, représentant un volume annuel estimé à 16.000 dossiers dont une partie minoritaire fera l'objet d'un recouvrement judiciaire. L'avis précise que le marché porte sur des services de catégorie 21 (code NUTS :

    BE332). La procédure choisie est la procédure négociée. Le marché comporte deux lots : - lot 1 : recouvrement amiable de créances patients (classification CPV 79100000); - lot 2 : recouvrement judiciaire de créances patients (classification CPV 79100000).

    L'avis précise que les demandes de participation doivent être déposées au plus tard le 5 février 2016 à 14 heures.

    La partie adverse indique qu'elle a, pour le lot 1, retenu 8 dossiers dont celui de la requérante.

    Par un courrier daté du 28 juin 2017, la partie adverse a transmis à la requérante le cahier spécial des charges en l'invitant à déposer son offre pour le 15 septembre 2017 à 14h au plus tard.

    Ce cahier spécial des charges prévoit, pour le lot 1, les critères d'attribution suivants :

    " I.21 Critères d'attribution - article 107 de l'AR

    Le marché sera attribué au soumissionnaire qui a remis l'offre économiquement la plus avantageuse du point de vue du pouvoir adjudicateur, tenant compte des critères d'attribution suivants :

    […]

    IMPORTANT: Pour le lot 1, les critères 2 et 3 revêtant une importance capitale dans l'efficacité de la procédure de recouvrement amiable, l'offre qui ne récoltera pas 70 % du total cumulé des points prévus aux titres de ces critères se verra affectée d'une irrégularité substantielle.

    Une certaine valeur sera attribuée à chaque critère. Sur base de l'évaluation de tous ces critères, tenant compte de la valeur attribuée à chacun, le marché sera attribué au soumissionnaire présentant l'offre régulière économiquement la plus avantageuse du point de vue du pouvoir adjudicateur".

    La requérante a déposé offre pour le lot 1.

    Le rapport d'examen des offres a été établi en date du 10 septembre 2018.

    Il comporte, en ce qui concerne la vérification des prix pour le lot 1, le passage suivant :

    " Vérification des prix en application des articles 21 et 99 de l'Arrêté royal du 15 juillet 2011

    Préambule : Une option obligatoire était prévue au cahier spécial des charges, relative à la remise d'une proposition concernant le recouvrement amiable des créances des patients dont le domicile est fixé en dehors du territoire belge. Pour ce faire, le mode de rémunération était un prix forfaitaire par dossier + un pourcentage sur les montants récupérés.

    Les soumissionnaires ont remis, pour le lot 1 (recouvrement amiable), les prix suivants :

    (1) : Le principe du prix pour le lot 1 reposait sur une commission basée sur un pourcentage sur les montant récupérés, selon le principe du "no cure, no pay". La base de calcul, reprise au § I.21 du cahier spécial des charges, était l'estimation de récupération des dossiers, soit, pour environ 21. 000 dossiers par an, un montant de 1.500. 000 €. Dès lors, les soumissionnaires ont proposé un taux de commission appliqué aux chiffres dont question ci-avant, étendus sur 4 ans, ce qui a permis d'arriver aux montants repris dans cette colonne.

    (2) : Pour l'option obligatoire, les soumissionnaires devaient remettre un prix par dossier ainsi qu'un «success fee», à savoir un pourcentage sur les montants récupérés. La base de calcul était de 50 dossiers par an (nombre estimé), pour un montant théorique de récupération de 3.570,00 € (règle de trois relativement au montant de récupération des dossiers «classiques»). (3): La proposition remise par le soumissionnaire pour l'option fait la distinction entre les dossiers «Europe» et les dossiers «hors Europe». Le pouvoir adjudicateur étant dans l'impossibilité de déterminer la proportion exacte des dossiers appartenant à une catégorie ou l'autre, tout en étant que la majorité de ceux-ci relève de la catégorie «Europe», le calcul est basé uniquement sur l'hypothèse selon laquelle tous les dossiers «étrangers» concernent des pays européens.

    La moyenne des offres, option obligatoire incluse s'élève à 706.369,67 €

    Les écarts des offres par rapport à cette moyenne sont les suivants :

    Eu égard aux différences de prix constatées et l'ampleur de celles-ci par rapport à la moyenne, certains prix peuvent a priori sembler anormaux. Toutefois, ces différences peuvent trouver à s'expliquer pour plusieurs motifs.

    D'une part, le contrôle des prix, même s'il s'impose à la présente procédure, est par nature plus complexe en marché de services, qu'en marché de fournitures ou de travaux. Ceci est encore plus vrai dans le cas d'espèce, à savoir dans un marché de recouvrement de créances dans lequel le mode de rémunération de l'adjudicataire est majoritairement basé sur le principe du «No cure no pay».

    En effet, lorsqu'un tel mode de rémunération est d'application, pour établir son offre, il appartient au soumissionnaire de tabler sur un taux de recouvrement. Ce taux, hypothétique, peut être fortement différent d'un soumissionnaire à l'autre. Il est fondé sur sa propre expérience et ses propres calculs et les moyens qu'il envisage mettre en œuvre pour exécuter sa mission. Ce taux escompté n'est naturellement pas dévoilé au pouvoir adjudicateur. Dans ces conditions, le taux de commission proposé, nonobstant le fait qu'il serve de base pour établir le montant théorique de l'offre, ne déterminera pas à lui seul le montant de la rémunération du prestataire. Le taux de recouvrement est également un élément essentiel, ce dernier est cependant une donnée que le pouvoir adjudicateur ne peut ni connaître ni estimer pour un opérateur en particulier.

    Dans le cadre du présent marché, le pouvoir adjudicateur s'est fondé sur le montant recouvré actuellement, en ce compris le principal, la clause pénale (indemnité irréductible de 10 % des sommes dues, avec un minimum de € 50) et les intérêts. Ce montant s'élève à 1. 500.000€ par an. Approximativement 50 % de ce montant provient de la clause pénale et des intérêts. Le principal recouvré représente donc un montant estimé de 750.000 €.

    Le montant annuel de dossiers confiés aux prestataires s'élève à 21.000, pour un montant moyen en principal de 82 € par dossier. Le potentiel de recouvrement annuel en principal est donc de 1.722.000 €, qui doit être majoré des montants relatifs à la clause pénale et des intérêts, ce qui porte approximativement le potentiel de récupération à 3.444.000,00 €. Il y a donc de la marge par rapport au montant de 1.500.000,00 € recouvré à ce jour et pris en considération pour établir le montant des offres.

    Ce raisonnement est corroboré par le fait que les soumissionnaires offrant un taux de commission bas sont majoritairement ceux qui proposent les meilleurs services et donc, qui probablement escomptent le meilleur taux de recouvrement. Preuve en est que parmi le classement final, classement contenant les offres qui atteignent le seuil qualitatif minimal requis, on retrouve les trois soumissionnaires proposant la commission la plus basse.

    Surabondamment...

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