Décision judiciaire de Conseil d'État, 9 mars 2018

Date de Résolution 9 mars 2018
JuridictionXV
Nature Arrêt

CONSEIL D’ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

LE PRÉSIDENT DE LA XVe CHAMBRE SIÉGEANT EN RÉFÉRÉ

A R R Ê T

nº 240.985 du 9 mars 2018

224.669/XV-3680

En cause : la s.c.r.l. GANNSTCM, ayant élu domicile chez Me Mathieu SIMONIS, avocat,

Mont Saint-Martin 74

4000 Liège,

contre :

l’Agence Fédérale pour la Sécurité de la Chaine Alimentaire

(AFSCA)

Centre Administratif du Botanique boulevard du Jardin Botanique 55

1000 Bruxelles. ------------------------------------------------------------------------------------------------------

I. Objet de la requête

Vu la requête introduite le 2 mars 2018 par la s.c.r.l. GANNSTCM, en ce qu’elle tend à la suspension, selon la procédure d’extrême urgence, de l’exécution de la décision de retrait d’agréments et d’autorisations concernant le numéro d’unité d’établissement 2.175.377.824 du 26 février 2018 (porté à la connaissance de la requérante le 28 février 2018) prise par l’Agence Fédérale pour la Sécurité de la Chaine Alimentaire (AFSCA) en la personne du Dr Jean-Marie Dochy, Directeur général;

II. Procédure

Une ordonnance du 2 mars 2018, notifiée aux parties, a fixé l’affaire à l’audience du 8 mars 2018.

La note d’observations et le dossier administratif ont été déposés.

M. Michel LEROY, président de chambre, a fait rapport.

Me Mathieu SIMONIS, avocat, comparaissant pour la partie requérante, et Me Thierry De RIDDER, loco Me Murielle VAN DER MERSCH, avocat, comparaissant pour la partie adverse, ont été entendus en leurs observations.

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M. Christian AMELYNCK, premier auditeur, a été entendu en son avis contraire.

Il est fait application des dispositions relatives à l’emploi des langues, inscrites au titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d’État, coordonnées le 12 janvier 1973.

III. Faits

Considérant que les faits utiles à l’examen du recours se présentent comme suit:

La requérante exploite une boulangerie à Visé à l’enseigne «Le Pain Se Sent Rire». Cette boulangerie a obtenu de l’AFSCA des agréments et autorisations pour le commerce de détail de denrées alimentaires, l’activité de boulangerie, la fabrication et la mise sur le marché de denrées alimentaires à base d’œufs crus, à base de lait cru ainsi qu’en qualité d’acheteur de lait de vache.

Son établissement de Visé et des emplacements qu’elle occupait sur un marché de Noël ont fait l’objet de contrôle de l’AFSCA entre le 20 mars 2015 et le 18 décembre 2017, qui ont relevé différentes infractions constatées dans des procès-verbaux, et un avertissement a été donné le 8 décembre 2016. La requérante signale aussi des contrôles le 22 septembre 2016 et en mars 2017 dont le résultat est favorable ou favorable avec remarque.

Le 20 février 2018, l’établissement de Visé fait l’objet d’une nouvelle inspection relatée comme suit dans le procès-verbal qui en en a été dressé:

Conditions dans lesquelles le contrôle s’est passé À 8 h 50, nous nous présentons à l’établissement “Le pain se sent rire” à Visé. L’établissement est ouvert, une dame qui a le rôle de vendeuse est présente. Nous nous présentons et lui expliquons les raisons de notre présence. Elle nous laisse rentrer dans l’atelier de fabrication. Nous entamons le contrôle des installations de fabrication.

Après 15 minutes, elle nous intime l’ordre de quitter l’atelier, à la demande d’un responsable qu’elle a contacté par téléphone, et d’attendre l’arrivée d’un responsable de l’établissement.

Pendant ces faits, une seconde dame est rentrée dans l’établissement et a entamé le nettoyage de l’atelier.

Nous attendons 15 minutes et faisons savoir à la préposée que vu l’absence du responsable, nous reprenons notre contrôle. L’accès à l’atelier nous a à nouveau été refusé par la vendeuse. Selon celle-ci, le responsable sera présent à 12 h.

Mr Morgan Schaeffer, se présentant comme responsable de l’établissement, a contacté cette vendeuse par téléphone et a demandé à nous parler. Nous lui avons expliqué les raisons de notre contrôle et la nécessité d’accéder aux installations, comme la législation nous l’autorise.

Mr Morgan Schaeffer nous refuse l’accès à l’atelier et nous menace “de nous sortir par la peau du cou si nous y pénétrons”. Mr Morgan Schaeffer

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ne veut pas entendre raison. Il propose de réaliser le contrôle à 12 h en sa présence. Mr Pierre Denis, chef du secteur Transformation de l’ULC1 de Liège informé par nos soins de la situation prend à son tour contact par téléphone avec Mr Morgan Schaeffer afin de le raisonner. Mr Schaeffer ne change pas d’avis et lui réitère ses menaces à notre propos.

Nous constatons le refus de contrôle, malgré nos tentatives de raisonnement de l’opérateur. Nous sortons de l’établissement. Nous constatons qu’après notre sortie, celui-ci est fermé à la clientèle et qu’une affiche manuscrite apposée sur la porte indique “fermé exceptionnellement Jusqu’à 12 h”. Nous comprenons que cette fermeture inopinée servira eu nettoyage de l’établissement.

Le contrôle des installations a duré environ 15 minutes. Lors de ce court laps de temps, nous avons néanmoins relevé de nombreuses infractions reprises ci-dessous.

Le procès-verbal relève ensuite 14 infractions.

Le 26 février, l’AFSCA a adressé une notification de décision de retrait de deux agréments et deux autorisations numérotées. Il s’agit de l’acte attaqué. Le courrier le contenant a été réceptionné le 28 février. La motivation de cette décision reproduit en substance le procès-verbal cité ci-dessus puis poursuit comme suit:

M. Pierre Denis a alors expliqué à M. Schaeffer que les contrôles de l’AFSCA ne se font pas sur rendez-vous mais de façon inopinée, conformément aux procédures de l’Agence et qu’il n’y a pas lieu de faire une quelconque exception dans son cas de figure. Réaliser un contrôle à 12 h, comme M. Schaeffer l’exigeait serait revenu à lui donner l’opportunité de corriger des non-conformités. En effet, pendant le contrôle des installations qui a duré environ 15 minutes, des nonconformités ont déjà été constatées par rapport aux dispositions légales.

Nous ne pouvons que constater le refus de contrôle, malgré nos tentatives de raisonnement de M. Schaeffer. Nous sortons de l’établissement. Nous constatons qu’après notre sortie, celui-ci est fermé à la clientèle et qu’une affiche manuscrite apposée sur la porte indique “fermé exceptionnellement jusqu’à 12 h”. Nous comprenons que cette fermeture inopinée servira vraisemblablement au nettoyage de l’établissement.

Suite aux constatations et au refus du contrôle, un procès-verbal a été dressé le 20 février 2018 portant le numéro PV/1968/18/0007/LIE et dont vous avez obtenu une copie. Ci-dessous vous trouverez un inventaire de ces infractions:

Compte tenu des non-conformités précitées, je constate que: – les conditions d’exploitation applicables à l’établissement ne sont plus respectées;

– d’autres activités que celles visées dans les agréments et autorisations sont effectuées dans l’établissement alors qu’elles nécessitent un agrément ou une autorisation par l’agence;

– l’expertise ou le contrôle sont contrariés, empêchés ou refusés en ce que les agents de l’AFSCA sont empêchés de réaliser leur mission légale de contrôle des installations;

– la sécurité ou l’intégrité des membres du personnel de l’Agence est menacée ou affectée en raison des menaces dont ils ont fait l’objet;

– des infractions sont constatées dans la cadre des obligations en exécution de l’arrêté royal du 14 novembre 2003;

1 Unité locale de contrôle.

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que dans ces conditions et au vu de ce qui précède, la sécurité de la chaire alimentaire ne peut être garantie.

Une saisie a été pratiquée le 28 février sur les marchandises et des scellés ont été apposés sur le matériel de l’entreprise avec le concours des forces de l’ordre.

Le 1er mars, la requérante a sollicité de nouveaux agréments et de nouvelles autorisations.

IV. Moyens

A. Premier moyen

  1. Argumentation de la requérante

    Considérant que la requérante prend un premier moyen de la violation du principe général audi alteram partem; qu’elle expose que:

     elle n’a pas été invitée à présenter ses moyens et sa défense suite au procès-verbal du 20 février 2018 sur lequel l’AFSCA se base pour motiver la décision attaquée;

     le verbalisateur n’a pas attendu la venue du responsable pour entamer son contrôle et rédiger son procès-verbal ;

     la mesure attaquée est une mesure grave qui implique d’entendre son destinataire, car en ce cas, l’autorité «doit préalablement l’informer des faits mis à sa charge, de la mesure qu’elle envisage d’adopter et lui permettre de prendre connaissance du dossier»;

     lorsqu’il contrôle le respect du principe audi alteram partem, le Conseil d’État s’assure que l’intéressé a pu utilement faire valoir son point de vue; il aurait suffi que la requérante ait pu faire valoir ses observations par écrit et que l’autorité ait pu statuer en connaissance de cause, ce qui n’a pas été suggéré ou permis en l’espèce;

     elle aurait également dû pouvoir être assistée d’un conseil, lequel aurait pu, par exemple, déposer plainte en inscription de faux du procès-verbal du 20 février 2018 à partir du moment où la requérante conteste le résumé des faits tel que décrit par l’agent constatateur;

     la requérante a donc été mise volontairement dans l’impossibilité de formuler la moindre observation utile;

     avant de prendre une mesure de retrait d’agréments et d’autorisations, l’AFSCA devait permettre à la requérante d’être entendue quant à la mesure administrative...

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