Décision judiciaire de Conseil d'État, 26 janvier 2017

Date de Résolution26 janvier 2017
JuridictionXIII
Nature Arrêt

CONSEIL D'ETAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF.

A R R E T

nº 237.187 du 26 janvier 2017

  1. 211.458/XIII-6875

    En cause : 1. DREAU Willy, 2. RAMAUT Christine, 3. MEUNIER Jean, 4. DREAU Micheline, ayant tous élu domicile chez Mes Rahim SAMII et Charles-Henri d'UDEKEM d'ACOZ, avocats, avenue Lloyd George 16 1000 Bruxelles,

    contre :

    la Région wallonne, représentée par son Gouvernement, ayant élu domicile chez Me Etienne ORBAN de XIVRY, avocat, boulevard du Midi 29 6900 Marche-en-Famenne.

    Partie intervenante :

    la Ville de Mons, ayant élu domicile chez Mes Jean BOURTEMBOURG et Nathalie FORTEMPS, avocats, rue de Suisse 24 1060 Bruxelles. ------------------------------------------------------------------------------------------------------ LE CONSEIL D'ETAT, XIIIe CHAMBRE,

    Vu la requête introduite le 24 janvier 2014 par Willy DREAU, Christine RAMAUT, Jean MEUNIER et Micheline DREAU qui demandent l'annulation de l'arrêté du Ministre des Travaux publics, de l'Agriculture, de la Ruralité, de la Nature, de la Forêt et du Patrimoine du 25 septembre 2013, décidant qu'il n'y a pas lieu de procéder au déclassement du site charbonnier du terril B79 dit Sainte-Félicité (anciennement terril Sainte-Henriette) visé par l'arrêté royal du 7 juillet 1976 classant comme site plusieurs terrils;

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    Vu la requête introduite le 21 mars 2014 par laquelle la ville de Mons demande à être reçue en qualité de partie intervenante;

    Vu l'ordonnance du 28 mars 2014 accueillant cette intervention;

    Vu les mémoires en réponse et en réplique régulièrement échangés;

    Vu le mémoire en intervention;

    Vu le rapport de M. QUINTIN, premier auditeur chef de section au Conseil d'Etat, établi sur la base de l'article 12 du règlement général de procédure;

    Vu la notification du rapport aux parties et les derniers mémoires des parties requérantes et intervenante;

    Vu l'ordonnance du 19 août 2016, notifiée aux parties, fixant l'affaire à l'audience du 27 octobre 2016 à 09.30 heures;

    Entendu, en son rapport, Mme GUFFENS, président de chambre;

    Entendu, en leurs observations, Me Ch.-H. d'UDEKEM d'ACOZ, avocat, comparaissant pour les parties requérantes, Me E. ORBAN de XIVRY, avocat, comparaissant pour la partie adverse, et Me M. CLEMENT de CLETY, loco Mes J. BOURTEMBOURG et N. FORTEMPS, avocat, comparaissant pour la partie intervenante;

    Entendu, en son avis, M. QUINTIN, premier auditeur chef de section;

    Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973;

    Considérant que les faits utiles à l'examen du recours se présentent comme suit :

    1. Le 25 septembre 1984, feu Emile DREAU et son épouse Geneviève GHISLAIN, domiciliés à Quaregnon, sentier du Bois, 17, Jean MEUNIER et son épouse Micheline DREAU, domiciliés à Mons, place du Parc, 28/11, Willy DREAU, domicilié à Flénu, rue du Bois, 30, et Christine RAMAUT, domiciliée à Quaregnon, sentier du Bois, 17, acquièrent la propriété du terril Sainte-Félicité à Flénu, pour le prix de 1.140.000 francs.

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      Sur une partie de son périmètre, le terril est entouré d'habitations et d'une école.

      Les requérants exposent qu'ils sont une famille d'entrepreneurs qui ont acquis plusieurs terrils en vue de les exploiter. Ils expliquent aussi que le bien n'est pas assuré en raison du refus des compagnies d'assurances de couvrir le risque inhérent au terril.

      Le terril Sainte-Henriette, actuellement appelé Sainte-Félicité, a été classé comme site par un arrêté royal du 7 juillet 1976.

      L'article 2 de l'arrêté énumère les restrictions qui sont apportées aux droits des propriétaires et parmi lesquelles figure l'interdiction, sauf autorisation préalable accordée conformément à l'article 6 de la loi du 7 août 1931 :

      1. d'effectuer tout travail de terrassement, construction, fouilles, ouverture de carrière ou travail quelconque d'exploitation, sondage, creusement de puits et, en général, tout travail de nature à modifier l'aspect du terrain ou de la végétation (les travaux de soutènement nécessaires pour lutter contre les glissements éventuels de terrain pourront néanmoins être entrepris);

        […]

      2. d'abattre, de détruire, de déraciner ou d'endommager les arbres et les plantes (sauf en ce qui concerne l'entretien normal et l'exploitation des surfaces forestières).

        Dans une note explicative de la procédure de déclassement du terril Sainte- Félicité du 20 février 2012, la direction de la protection expose que :

        " La Commission royale des monuments, sites et fouilles [C.R.M.S.F.], qui monte le dossier de classement en 1972, indique que : «dans beaucoup de localités du Borinage, les terrils sont en voie d'exploitation et de disparition. Il serait utile de conserver, pour les générations futures, un ensemble montrant la densité extraordinaire des sites charbonniers. Le plateau de Flénu est particulièrement représentatif à ce sujet (…). Le terril de Sainte-Henriette est particulièrement élevé. Son sommet constitue un belvédère de tout premier ordre, permettant de dominer tout le Borinage. On y découvre un paysage extrêmement vaste. Ces terrils sont en cours de boisement naturel ou ont été plantés. Ils constituent de ce fait un ensemble de verdure qui donne au plateau de Flénu un aspect très agréable et qui rénove totalement le paysage semi-urbain de la commune. Le bois qui couvre le terril de Sainte-Henriette est particulièrement varié et intéressant du point de vue forestier et botanique»".

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        Au plan de secteur de Mons-Borinage adopté par un arrêté de l'Exécutif régional wallon du 9 novembre 1983, le terril est situé en zone forestière et pour une petite partie en zone de parc.

        Un arrêté de l'Exécutif régional wallon du 5 octobre 1989 classe, pour l'application du décret du 9 mai 1985 concernant la valorisation des terrils, le terril Saint-Félicité en catégorie A, catégorie regroupant les terrils qui, pour des raisons d'aménagement du territoire et d'urbanisme, ou de protection de l'environnement, ou de classement comme site, ne peuvent pas être mis en exploitation.

        Un arrêté du Gouvernement wallon du 16 mars 1995 fixant la classification des terrils (Moniteur belge du 22 juin 1995) confirme l'appartenance du terril Sainte-Félicité en catégorie A.

    2. Entre-temps, invoquant le caractère dangereux du terril, Willy DREAU et Jean MEUNIER demandent à la ville de Mons le 22 septembre 1993 qu'un accord puisse être trouvé en vue du "déclassement" du terril en vue de procéder à l'arasement complet de celui-ci, seule manière de garantir la sécurité des riverains et des écoliers. Le 23 septembre 1993, ils sont invités par la ville à introduire officiellement leur dossier auprès du service communal d'urbanisme.

    3. Le 1er février 1994, la ville de Mons leur répond qu'elle a décidé d'accéder à leur demande et leur propose d'entamer les démarches administratives nécessaires pour l'exploitation du terril, à savoir la modification de la classification du terril sur la base de l'arrêté du 9 mai 1985, outre le déclassement du site classé par arrêté royal du 7 juillet 1976.

      La lettre du 1er février 1994 invite aussi le propriétaire, en attendant que le permis soit délivré, à faire dresser sans délai par un bureau spécialisé indépendant, un état des lieux de la situation et (la liste) des mesures minimales de préservation à prendre sur le site pour sauvegarder la sécurité publique.

    4. Le 25 juillet 1994, Willy DREAU et Jean MEUNIER introduisent leur première demande de "déclassement" auprès de la direction de l'aménagement du territoire et du logement du ministère de la Région wallonne. À la lettre sont joints, entre autres, un rapport du 7 juillet 1993 du bureau de géomètre Guy MEUNIER et un rapport de visite du 17 juin 1993 de la société privée à responsabilité limitée (S.P.R.L.) SITECH sous la signature de son gérant M. GRAINDORGE, qui font état d'un processus d'"étalement" du terril. Sont également annexés à la lettre un rapport du 19 juillet 1993 de l'administration de la sécurité du travail imputant au terril la cause de dangers pour l'école riveraine et une correspondance du 13 août 1993 du

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      pouvoir organisateur de cette école mettant le propriétaire en demeure de prendre les mesures nécessaires pour supprimer les risques.

    5. En sa séance du 21 novembre 1994, la C.R.M.S.F. émet un avis défavorable au sujet du déclassement éventuel du terril.

    6. Le 1er septembre 1995, à la demande de la ville de Mons, les professeurs MONJOIE et SCHROEDER de l'Université de Liège rédigent un rapport consacré à l'étude géologique du terril de Sainte-Félicité à Flénu. Selon le rapport, l'étude géologique montre qu'avec les caractéristiques mécaniques testées et dans la configuration géologique considérée, le terril est stable dans les trois profils étudiés. Ses auteurs concluent que "les mouvements du bourrelet observé dans la cour de l'école et à proximité depuis de nombreuses années avec des vitesses relativement continues, sont liés vraisemblablement à la présence de marnes plus plastiques dans cette zone et qui pourraient fluer sous le poids du terril", ajoutant que des "mouvements pourraient se poursuivre sur une durée et avec une ampleur difficiles à estimer". Il est recommandé de suivre l'évolution du terril pour identifier toute accélération" de l'étalement, notamment par des forages.

    7. Sur la base d'une note de son administration du 27 octobre 1995, le Ministre-Président du Gouvernement wallon décide le 21 décembre 1995 de ne pas entamer la procédure de déclassement du terril Sainte-Félicité, estimant qu'après examen de la demande et des expertises diverses réalisées par différentes autorités scientifiques, les raisons qui ont motivé le classement subsistent toujours et que la stabilité du terril n'est pas compromise.

    8. Le 6 février 1996, le bourgmestre de la ville de Mons prend un arrêté de police enjoignant au propriétaire du terril d'effectuer les travaux que l'arrêté énumère et qui sont nécessaires pour assurer la sécurité publique.

    9. Le 23 janvier...

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