Décision judiciaire de Conseil d'État, 20 janvier 2017

Date de Résolution20 janvier 2017
JuridictionXV
Nature Arrêt

CONSEIL D'ÉTAT, SECTION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

LE PRÉSIDENT DE LA XVe CHAMBRE SIÉGEANT EN RÉFÉRÉ

A R R Ê T

nº 237.109 du 20 janvier 2017

219.491/XV-3110

En cause : la s.a. Société Régionale d'Investissement de Bruxelles (S.R.I.B.), ayant élu domicile chez Me Bruno LOMBAERT, avocat, rue de Loxum 25 1000 Bruxelles,

contre :

l'Institut des Comptes Nationaux (I.C.N.), ayant élu domicile chez Mes Jean-François DE BOCK & Pascaline MICHOU, avocats, chaussée de Waterloo 612 1050 Bruxelles. ------------------------------------------------------------------------------------------------------

I. Objet du recours

Par une requête introduite le 9 juin 2016, la s.a. Société Régionale d’Investissement de Bruxelles (S.R.I.B.), demande la suspension de l’exécution de «la décision du 13 avril 2016 de l’Institut des Comptes nationaux (I.C.N.) par laquelle la S.R.I.B. est reconsolidée dans le secteur des administrations publiques et est classée, parmi les unités du secteur public, dans la catégorie S.1312».

II. Procédure

La note d'observations et le dossier administratif ont été déposés.

Mme Geneviève MARTOU, premier auditeur au Conseil d'État, a rédigé un rapport sur la base de l'article 12 de l'arrêté royal du 5 décembre 1991 déterminant la procédure en référé devant le Conseil d'État.

Le rapport a été notifié aux parties.

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Par une ordonnance du 19 décembre 2016, les parties ont été convoquées à l'audience du 12 janvier 2017et le rapport leur a été notifié.

M. Michel LEROY, président de chambre, a fait rapport.

Me Bruno LOMBAERT, avocat, comparaissant pour la partie requérante, et Me Jean-François DE BOCK, avocat, comparaissant pour la partie adverse, ont été entendus en leurs observations.

Mme Geneviève MARTOU, premier auditeur, a été entendue en son avis contraire.

Il est fait application des dispositions relatives à l'emploi des langues, inscrites au titre VI, chapitre II, des lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973.

III. Contexte juridique

Considérant que le contexte institutionnel de la décision attaquée se présente comme suit:

A. Le système européen des comptes nationaux et régionaux

En vue du bon fonctionnement de l’Union économique et monétaire, l’Union européenne s’est dotée d’instruments juridiques d’encadrement de la politique budgétaire des États membres, et notamment d’un outil statistique dénommé «système européen des comptes nationaux et régionaux» («SEC») censé procurer une information comparable sur la structure des économies des États membres et sur leur évolution.

Un premier SEC, dénommé «SEC 95», a été établi par le règlement (CE) n° 2223/96 du Conseil du 25 juin 1996. Il a été remplacé en 2014 par un nouveau SEC, dénommé «SEC 2010», qui a été établi par le règlement (UE) n° 549/2013 du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013 relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux dans l’Union européenne.

Le SEC (point 1.57) distingue cinq secteurs institutionnels nationaux qui s’excluent mutuellement, et qui, ensemble, constituent l’économie nationale totale, à savoir: a) les sociétés non financières;

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b) les sociétés financières; c) les administrations publiques; d) les ménages; e) les institutions sans but lucratif au service des ménages.

Le secteur des administrations publiques (S 13) est divisé entre les soussecteurs «administrations centrales» (S.1311), «administrations d’États fédérés» (S.1312), «administrations locales» (S.1313) et «administrations de sécurité sociale» (S.1314) (point 2.31, tableau 2.1).

Le secteur des administrations publiques est le secteur déterminant pour l’application des normes budgétaires imposées par le Traité de Maastricht. L’appartenance à ce secteur est le point de départ du calcul du déficit public et de la dette publique d’un État membre.

En ce qui concerne les administrations publiques régionales bruxelloises, la norme budgétaire bruxelloise telle que définie par le Conseil supérieur des finances, ajoutée aux normes des autres collectivités fédérées, de l’État fédéral, des institutions de sécurité sociale et des pouvoirs locaux, constitue la norme budgétaire imposée à l’État belge par le droit européen laquelle vise au respect des critères du Traité de Maastricht.

B. L’Institut des Comptes nationaux

En Belgique, c’est l’Institut des Comptes nationaux (I.C.N.) – la partie adverse – qui est chargé d’établir les données statistiques prescrites par le SEC et de les communiquer aux institutions européennes compétentes. Il lui appartient, pour ce faire, de classer les divers acteurs économiques dans les catégories fixées par ce règlement. Il est un établissement public doté de la personnalité juridique et a été créé par la loi du 21 décembre 1994 portant des dispositions sociales et diverses (articles 107 et suivants), en vue de la réforme de l’appareil de statistiques et de prévisions économiques du gouvernement fédéral. L’Institut associe trois institutions désignées par la loi, à savoir l’Institut National de Statistique, la Banque Nationale de Belgique et le Bureau fédéral du Plan. En application de l’article 108 de la loi du 21 décembre 1994, l’I.C.N. a pour mission, avec la collaboration de ces trois institutions mais sous sa propre responsabilité, d’établir des statistiques, analyses et prévisions économiques, et notamment les comptes annuels et trimestriels des administrations publiques et les statistiques relatives à la procédure concernant les déficits excessifs.

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Conformément à l’article 109, § 3, de la même loi, l’I.C.N. confie à la Banque nationale, en étroite collaboration avec le Bureau fédéral du Plan, l’élaboration des tableaux statistiques visés à l’article 108, c), de la loi et, pour ce faire, la Banque nationale se base notamment sur des données collectées par l’Institut national de la Statistique et établies par l’I.C.N. L’article 110 de la loi précise que «l’I.C.N. dirige et coordonne la réalisation des tâches visées à l’article 109 et veille à assurer la collaboration optimale entre les autorités associées».

Les statistiques de finances publiques produites par la B.N.B. pour le compte de l’I.C.N. s’inscrivent dans le cadre des obligations statistiques de la Belgique vis-à-vis de la «Commission (Eurostat)». En vertu d’un Règlement européen n° 479/2009 du Conseil du 25 mai 2009 relatif à l’application du protocole sur la procédure concernant les déficits excessifs, les États membres ont l’obligation de transmettre à Eurostat les données relatives à la procédure concernant les déficits excessifs (à savoir, le déficit public et le niveau de dette publique du pays).

Ce Règlement a été adopté en application de l’article 126.14, alinéa 3, du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne (T.F.U.E.) (ex-article 104 T.C.E.) en vue de mettre en œuvre le protocole sur la procédure concernant les déficits excessifs, qui est annexé aux traités européens.

C. La Société Régionale d’Investissement de Bruxelles

La S.R.I.B. est une société anonyme d’intérêt public créée en vertu de la loi du 2 avril 1962 relative à la Société fédérale d’investissements et aux sociétés régionales d’investissements, modifiée par la loi du 4 août 1978. Un arrêté royal du 21 octobre 1980 a fixé certaines règles relatives à son organisation.

En vertu de l’article 4 de la loi du 2 avril 1962, la S.R.I.B. a le même objet social, à l’échelon régional, que la S.F.P.I. Cet objet est défini comme suit par l’article 2, § 1er, de la même loi:

La Société fédérale de Participations et d’Investissement a pour objet d’une part de favoriser, dans l’intérêt de l’économie belge, et compte tenu de la politique industrielle de l’État, la création, la réorganisation, ou l’extension d’entreprises privées ayant la forme de sociétés de capitaux, de sociétés privées à responsabilité limitée ou de sociétés coopératives agréées par le Conseil national de la Coopération

.

Tel qu’il a été introduit par l’article 99 de la loi du 4 août 1978, l’article 2quinquies de la loi du 2 avril 1962 (applicable à la S.R.I.B. en vertu de l’article 4, § 5, de la loi de 1962) porte ce qui suit:

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«Dans tous les cas d’intervention de la Société fédérale de Participations et d’Investissement et de ses filiales spécialisées quel que soit le paragraphe en cause de l’article 2, un double objectif sera poursuivi par les personnes en charge de la surveillance et de la gestion desdites interventions: a) l’intérêt de l’économie belge par la mise en œuvre du Plan et l’application de la politique industrielle de l’État d’une part, et b) l’application des règles de bonne gestion industrielle, financière et

commerciale ainsi que l’obtention d’une rentabilité normale d’autre part».

Par ailleurs, les statuts consolidés de la S.R.I.B., déposés le 11 mai 2012, prévoient ce qui suit en leur article 6, qui adapte le prescrit légal à la réalité institutionnelle bruxelloise:

Dans tous les cas d’intervention de la S.R.I.B. et de ses filiales quel que soit le paragraphe applicable de l’article 3, un double objectif sera poursuivi: a) L’intérêt de l’économie de la Région de Bruxelles-Capitale par la mise en œuvre et l’application de la politique de la Région d’une part; b) L’application des règles de bonne gestion industrielle, financière et

commerciale, ainsi que l’obtention d’une rentabilité normale, d’autre part

.

IV. Faits

Considérant que les faits utiles à l’examen du recours se présentent comme suit:

Une première décision de l’I.C.N. est intervenue par laquelle la S.R.I.B. a été consolidée dans le secteur des administrations publiques et classée parmi les unités du secteur public, dans la catégorie S.1312, décision diffusée sur le site internet de la Banque Nationale de Belgique mis à jour le 27 septembre 2013. Cette décision a fait l’objet du recours n° 210843/XV-2.400 et a été retirée par une décision du 22 décembre 2015, ce qu’a constaté l’arrêt n° 234.009 du 9 mars 2016.

Avant que...

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